Hélie de Saint Marc est né au sein d'une famille de l'ancienne bourgeoisie périgourdine connue depuis le XVIIIe siècle[4]. L'ancêtre de la famille est Pierre Denoix (1621-1693), maître-chirurgien à Campsegret, dans l'actuel département de la Dordogne.
Il bénéficie de l'éducation des Jésuites. Poussé par le directeur de son collège, le père Bernard de Gorostarzu, il entre dans la Résistance (réseau Jade-Amicol) en , à l'âge de dix-neuf ans après avoir assisté à Bordeaux à l'arrivée de l'armée et des autorités françaises d'un pays alors en pleine débâcle[5]. Menacé d'être mobilisé pour le STO[6], il est arrêté le à la frontière espagnole à la suite d'une dénonciation, il est déporté au camp de concentrationnazi de Buchenwald.
Envoyé au camp satellite de Langenstein-Zwieberge où la mortalité dépasse les 90 %, il frôle la mort à deux reprises au moins, mais bénéficie pour une première fois de l'aide d'un infirmier français qui parvient à obtenir des médicaments pour le soigner, et une seconde fois de la protection d'un mineur letton qui le sauve d'une mort certaine. Ce dernier partage avec lui la nourriture qu'il vole et assume l'essentiel du travail auquel ils sont soumis tous les deux. Lorsque le camp est libéré par les Américains, Hélie de Saint Marc gît inconscient dans la baraque des mourants. Il a perdu la mémoire et oublié jusqu’à son propre nom. Il est parmi les trente survivants d'un convoi qui comportait plus de 1 000 déportés.
Rattaché à la Promotion de l'École spéciale militaire de Saint-Cyr VEILLE AU DRAPEAU (1943) qui, repliée à Aix-en-Provence, n'a existé que très peu de temps, à l'issue de la Seconde Guerre mondiale, il intègre l'École militaire interarmes, promotion INDOCHINE
La guerre d'Indochine
Hélie de Saint Marc part en Indochine française en 1948 avec la Légion étrangère, affecté au 4e REM puis au 3e REI. Il vit comme les partisans vietnamiens, apprend leur langue et parle de longues heures avec les prisonniers viêt-minh pour comprendre leur motivation et leur manière de se battre. Commandant de la Compagnie d’Intervention en Haute-Région, c'est-à-dire le Tonkin, il est en effet chargé de recruter, de former et de commander des partisans autochtones à la frontière avec la Chine : opération de contre-guérilla et protection des populations hostiles au Viet-Minh[7].
Affecté au poste-frontière de Tà Lùng(en), au milieu du peuple minoritaireTho, il voit le poste qui lui fait face, à la frontière, pris par les communistes chinois. En Chine, les troupes de Mao viennent de vaincre les nationalistes et vont bientôt ravitailler et dominer leurs voisins vietnamiens. La guerre est à un tournant majeur. La situation militaire est précaire, l'armée française essuie de lourdes pertes. Après dix-huit mois, Hélie de Saint Marc et les militaires français sont évacués, comme quelques rares partisans, mais pas les villageois. « Il y a un ordre, on ne fait pas d'omelette sans casser les œufs », lui répond-on quand il interroge sur le sort de ceux qui restent sur place.
Son groupe est obligé de donner des coups de crosse sur les doigts des villageois et partisans voulant monter dans les camions. « Nous les avons abandonnés ». Les survivants arrivant à les rejoindre leur racontent le massacre de ceux qui avaient aidé les Français. Il appelle ce souvenir des coups de crosse sur les doigts de leurs alliés sa blessure jaune et reste très marqué par l'abandon de ses partisans vietnamiens sur ordre du haut-commandement.
En 1953, Saint Marc est brièvement affecté au 11e régiment parachutiste de choc, service action du SDECE (services secrets français). Le secret défense interdisant toute communication sur les actions de ces unités, il n'existe aucune information sur ce passage, mais il est probable qu'il ait alors continué à servir en Indochine lors de cette période.
Après les opérations de Suez, Hélie de Saint Marc, ainsi que son unité, reprennent leur action en Algérie, avant de devenir le directeur de cabinet du général Massu et officier de presse pendant la bataille d'Alger. De la torture systématisée par le gouvernement militaire qu'il représente, il la justifiera par la prévention des attentats en déclarant des années plus tard « accepter certains moyens condamnables pour éviter le pire »[11].
En , il participe — à la tête du 1er régiment étranger de parachutistes qu'il commande par intérim — au putsch des généraux, recruté par le général Challe qui dirige le coup de force à Alger, et le général Gardy, ancien inspecteur de la Légion étrangère. Cette tentative de coup d'État échoue après quelques jours et Hélie de Saint Marc se constitue prisonnier.
Il explique devant le Haut Tribunal militaire, le , que sa décision de basculer dans l'illégalité était essentiellement motivée par la volonté de ne pas abandonner les harkis, recrutés par l'armée française pour lutter contre le FLN, et ne pas revivre ainsi sa douloureuse expérience indochinoise. Hélie de Saint Marc est condamné à dix ans de réclusion criminelle. Il passe cinq ans dans la prison de Tulle avant d'être amnistié par le président de Gaulle, et libéré le 25 décembre[12]1966[13],[14],[15]
Des années 1960 à sa mort
Après sa libération, il s'installe à Lyon avec l'aide d'André Laroche, le président de la Fédération des déportés, et commence une carrière civile dans l'industrie. Jusqu'en 1988, il fut directeur du personnel dans une entreprise de métallurgie.
En 1978, il est réhabilité dans ses droits civils et militaires.
En , réintégré dans ses droits, il se voit restituer toutes ses décorations, par la volonté du président de la République François Mitterrand[réf. nécessaire].
En 1988, l'un de ses petits-neveux, l'éditeur Laurent Beccaria, écrit sa biographie, qui connaît un grand succès[16]. Il décide alors d'écrire son autobiographie qu'il publie en 1995 sous le titre de Les champs de braises. Mémoires et qui est couronnée par le prix Fémina catégorie « Essai » et le prix Saint-Simon en 1996. Puis, pendant dix ans, Hélie de Saint Marc parcourt les États-Unis, l'Allemagne et la France pour y donner de nombreuses conférences. En 1998 et 2000, paraissent les traductions allemandes des Champs de braises (Asche und Glut) et des Sentinelles du soir (Die Wächter des Abends) aux éditions Atlantis.
En 2001, le Livre blanc de l’armée française en Algérie s'ouvre sur une interview de Saint Marc. D'après Gilles Manceron, c'est à cause de son passé de résistant déporté et d'une allure différente de l'archétype du « baroudeur » qu'ont beaucoup d'autres, que Saint Marc a été mis en avant dans ce livre[17],[18]. Hélie de Saint Marc tirait des leçons de vie des multiples expériences de son existence chaotique et intense : « Il avait fait du Letton qui lui avait sauvé la vie à Langenstein, de son frère d'armes l'adjudant Bonnin mort en Indochine, du lieutenant Yves Schoen, son beau-frère, de Jacques Morin, son camarade de la Légion, des seigneurs et des héros à l'égal d'un Lyautey, d'un Bournazel, d'un Brazza[19]. »
En 2002, il publie avec August von Kageneck — un ancien officier allemand de la Wehrmacht —, son quatrième livre, Notre Histoire, 1922-1945, un récit tiré de conversations avec Étienne de Montety, qui relate les souvenirs de cette époque sous la forme d'entretiens, portant sur leur enfance et leur vision de la Seconde Guerre mondiale.
Depuis le , une rue porte son nom à Béziers[28],[16]. Une autre rue porte son nom à Bollène depuis 2019, date à laquelle elle remplace la rue du 19-Mars-1962.
Une avenue Hélie Denoix de Saint Marc avait été précédemment inaugurée, à Orange, le .
Le groupe Paris Violence a composé un morceau en hommage à Hélie de Saint Marc : Mon Commandant (CD Croisons le Fer, Islika Produktions/Trooper records, 2009).
Asche und Glut. Erinnerungen. Résistance und KZ Buchenwald. Fallschirmjäger der Fremdenlegion. Indochina und Algerienkrieg. Putsch gegen de Gaulle, Édition Atlantis, 1998, 2003 (ISBN3932711505)[31].
Toute une vie ou Paroles d'Hélie de Saint Marc écrit en collaboration avec Laurent Beccaria, volume comprenant un CD audio d'émission radiophonique, édition Les Arènes, 2004 (ISBN2912485770).
Alain de Sédouy, « Le dernier engagement » d’Hélie de Saint Marc Édition ECPAD, 2008.
Georges Mourier, Servir ? – Hélie de Saint Marc, Coll. Le choix des hommes, 52 min, Édition À l’image près, 2008 (EAN377-0002154021).
Secours de France, Hélie de Saint Marc témoin du siècle. Film de Marcela Feraru et Jean-Marie Schmitz, avec la participation de Jean Piat, 52 minutes, 2018.
Chaîne YouTube "Investigations et Enquêtes". Il apparaît à la fin (de la 49e à la 52e min) du documentaire Le soldat et la mort
Dans la revue hypermédia Criminocorpus un article est consacré à la détention des officiers putschistes à la maison d'arrêt de Tulle. Il s'agit de la reprise d'un texte de Pierre Calvas, paru dans la Revue d'histoire pénitentiaire no 3 (2005). Le titre est resté inchangé : « Les généraux de l'OAS à la prison de Tulle : réalités et rumeurs » (texte intégral).
↑Gustave Chaix d'Est-Ange, Dictionnaire des familles françaises anciennes ou notables à la fin du XIXe siècle. XIII. Cun-Des., , 428 p. (lire en ligne), p. 302.
↑Dominique Lormier, Bordeaux brûle-t-il ? : La Libération de la Gironde, Les Dossiers d'Aquitaine, , 172 p. (ISBN978-2-905212-57-3, lire en ligne), p. 74.
↑Raphaël Spina Histoire du STO, Perrin, ch. 27 §3.
↑Hélie de Saint Marc et Laurent Beccaria, Mémoires, les champs de braises, Paris, Tempus, , 264 p. (ISBN9782262011185), p. 225.
↑H. de Saint Marc, cité dans Mourier, op. cité infra.
↑Autobiographie Mémoires - Les champs de braise, p. 101.
↑Anne-Marie Briat, Des chemins et des hommes : La France en Algérie (1830-1962), Jean Curutchet, coll. « Mémoire d'Afrique du Nord », , 267 p. (ISBN978-2-904348-50-1, lire en ligne).
↑Jean-Louis Gérard, Dictionnaire historique et biographique de la guerre d'Algérie, Jean Curutchet, , 206 p. (ISBN978-2-402-11694-7, lire en ligne), p. 174.
↑Manceron considère par ailleurs que ce livre est publié « dans le but de démentir et de disqualifier les travaux historiques, témoignages, articles de presse et films qui avaient, en 2000 et 2001, apporté de nouveaux éclairages précis sur la conduite de l’armée française dans la guerre d’Algérie, et de leur opposer une version mise à jour du discours officiel justifiant ces méthodes. »