Commencé en 1306 par l'accueil des juifs chassés du Languedoc[1], le Moyen Âge tardif arlésien se termine par le pogrom de 1484[2] suivi de l'expulsion des juifs de la cité[3], après le rattachement de la ville au royaume de France en 1483. Entre ces deux dates, la ville d'Arles, affectée par des guerres et la peste, va vivre un profond déclin démographique avec un plus bas de 5 000 habitants à la fin des années 1430 avant que n'apparaisse une lente reprise dans la seconde moitié du XVe siècle.
Au début du XIVe siècle, Arles bénéficie d'une prospérité à la fois intellectuelle, démographique et économique.
La ville d'Arles accueille en 1306, les juifs chassés du Languedoc. Le rabbin et philosophe juif averroïste Joseph ibn Caspi également connu sous son nom provençal de Sen Bonfos ou Don Bonafoux de l'Argentière, s’installe ainsi en Provence d'abord à Tarascon en 1306 puis à Arles en 1317 où il se lie avec Kalonymos ben Kalonymos (Shem Tov ben Shem Tov) et rédige son introduction au Pentateuque, le Tirat Kessef, qui lui valut de se brouiller avec Kalonymos ben Kalonymos et les maîtres de celui-ci. D'après Louis Stouff, la ville aurait alors compris environ 250 feux de confession juive, chiffre qui ne sera jamais plus égalé et qui restera le plus important dans l'histoire d'Arles[4]. La ville avec presque 2 200 feux[5], soit environ 11 000 habitants, est alors la deuxième ville de la Provence.
Sur le plan économique, la ville affiche une prospérité robuste grâce à la production agricole de ses affars[6], à la qualité de son élevage ovin[7] qui alimente le commerce de la laine et des peaux et à la richesse de ses salins[8]. La ville compte également de nombreux moulins à vent (23 en 1332), essentiellement sur la colline du Mouleyres et un port actif qui se développe dans la première moitié du XIVe siècle à destination de Tarascon et Aigues-Mortes.
....Rajouter une synthèse de la situation d'Arles entre 1320 et 1345 : les métiers... ; l'arrivée de négociants italiens qui deviennent des notables arlésiens ;
Pourtant, des prémices annonçaient déjà un recul du rayonnement de la cité. Sur le plan politique, la ville qui avait perdu un grand nombre de privilèges au milieu du XIIIe siècle, s'était effacée devant la capitale comtale Aix. De même pour l'archevêché d'Arles, le XIVe siècle ne s'annonce pas plus favorable que le XIIIe avec l'installation dès 1309 de la papauté à Avignon. À ce déclin déjà commencé sur le plan politique, administratif et ecclésiastique, se rajoutent au début des années 1320, les premières difficultés économiques : des récoltes insuffisantes apparaissent dès 1315 et s'aggravent dans les années 1323, 1329 et 1332.
Ce n'est toutefois qu'à partir du milieu du XVe siècle, que la situation se dégrade. La ville d'Arles, aux prises avec des disettes, subit plusieurs épidémies dont la fameuse peste noire de 1348 et une série de guerres ; elle voit sa population se réduire fortement.
La peste noire apparaît dans la ville d'Arles initialement en janvier 1348, puis à plusieurs reprises jusqu'à la fin du siècle[9]. En éliminant presque la moitié des consommateurs elle apporte un répit à la famine mais les terres désormais en friche et les surtout les guerres de la seconde moitié du XVe siècle rendent tout approvisionnement difficile. Les famines font leur réapparition en 1357 et surtout entre 1368 et 1375.
Les guerres apparaissent peu après et touchent une population fortement affaiblie par les disettes et les épidémies. Venant du continent, elles commencent en 1355 et se terminent en 1399. Essentiellement locales, elles s'inscrivent toutefois dans le contexte de l'époque, la guerre de Cent Ans.
Tout débute en 1355 quand le sénéchal de Provence, Fouques d'Agout, fait le siège du château des Baux où s'est réfugié Robert de Duras qui meurt en 1356 à la bataille de Poitiers.
La région est ensuite la proie de bandes armées désœuvrées pendant les trêves de la guerre de Cent Ans. Dès le 13 juillet 1357 des bandes de Routiers, conduites par Arnaud de Cervola dit l'Archiprêtre, appelées par les comtes des Baux, franchissent le Rhône. Ils ne repartent de Provence qu'en octobre 1358. Entre-temps, le 1er octobre, pour lutter contre ces Routiers, le sénéchal fait appel au comte d'Armagnac qui amène entre Arles et Tarascon mille sergents. Leur intervention est aussi terrible que celle des Routiers. Enfin en juin 1361, les troupes d'Henri de Trastamare venant d'Espagne arrivent jusque sous les murs d'Arles. Le territoire arlésien est ravagé. Une bulle du pape Innocent VI, datée du 8 septembre 1361, signale par exemple que l'église et les bâtiments conventuels des Prêcheurs ont été détruits et que les pierres ont été réemployées pour renforcer les remparts de la ville[10].
La ville bénéficiant alors de quelques années de tranquillité, le 4 juin 1365, Charles IV roi de Bohême se fait couronner roi d'Arles comme son prédécesseur Frédéric Barberousse, à la cathédrale Saint-Trophime par l'archevêque Guillaume de la Garde.
Mais le répit est de courte durée. À partir de 1367, les ambitions de Louis d'Anjou en Provence constituent un nouveau danger[11]. Ainsi du 11 avril au 1er mai 1368, la ville est assiégée sans succès par les grandes compagnies conduites par Bertrand Du Guesclin, représentant les intérêts de Louis d'Anjou en Provence[12],[13]. En Provence la situation est confuse. La ville de Tarascon est prise le 22 mai 1368 à l'issue de combats de rue acharnés. Les troupes du sénéchal Raymond d'Agoult sont battues à Céreste. Le mercredi 5 juillet, Bertrand du Guesclin et ses routiers sont devant Aix défendue par le vicomte de Tallard. Pendant que les Bretons préparent le siège avec leurs machines de guerre, Raymond d’Agoult, fils du sénéchal, fait attaquer Aigues-Mortes afin de bloquer les arrières français (Aigues-Mortes, est à l'époque le port français le plus utilisé sur la façade méditerranéenne). À Arles, les tensions sont exacerbées. L’archevêque d’Arles, Guillaume de la Garde, s’étant ouvertement déclaré pour Louis d’Anjou, est mis en accusation pour trahison et crime. Le sénéchal donne ordre à son lieutenant Luquet de Girardières de se saisir du temporel de l’archevêque. Finalement l'intervention d'Urbain V auprès de Charles V amène progressivement la paix avec le traité du 13 avril 1369, la trêve du 2 janvier 1370 et le traité de paix définitif du 11 avril 1371 où Louis d'Anjou abandonne ses prétentions sur Tarascon.
À l'automne 1380, l'adoption de Louis d'Anjou par la reine Jeanne remet toute la Provence en émoi. La Provence est coupée en deux : d'un côté les partisans de Louis d'Anjou conduits par les villes de Marseille et d'Arles qui soutient désormais son ennemi d'hier, de l'autre ceux de Charles Duras regroupés autour des villes d'Aix, Nice et Tarascon. De 1382 à 1387, pendant ces troubles appelés guerre de l'Union d'Aix, la confusion est à son comble. L'épisode le plus dramatique pour Arles se déroule en 1384. Au printemps de cette année, le chef tuchin allié de Charles Duras, Étienne Augier plus connu sous le nom de Ferragut, s’installe dans les Alpilles et fait régner la terreur jusqu'au Rhône et Arles qu'il prend, avec des complicités internes, dans la nuit du 24 juillet[14]. Le viguier de la ville est tué[15]. Après quelques heures de troubles, les habitants se révoltent contre les Tuchins et les chassent de la cité. Le lendemain, une répression sévère est menée contre leurs partisans[16].
Toutefois, la ville d’Arles, prudente, attend le sort des armes avant de s’engager. Ainsi ce n’est qu’après plusieurs mois d’atermoiements que la cité accueille dans ses murs le 9 décembre 1384, Marie de Blois et Louis II son fils. Après avoir négocié des contreparties et établi une nouvelle convention (1385), notamment par son représentant auprès de Marie de Blois, Pons Caysii[17], Arles reconnaît alors Louis II comme son nouveau seigneur.
Enfin, un dernier conflit surgit en 1389 quand Raimond Roger de Beaufort[18], vicomte de Turenne et neveu et petit-neveu des papes Grégoire XI et Clément VI, reprend les armes et de ses châteaux des Baux et de Roquemartine[19], fait régner la terreur dans la Provence occidentale[20] ; Arles est rançonnée deux fois, en 1392 et 1396. Finalement les Arlésiens se mobilisent et avec l'aide de Louis II et son frère Charles de Tarente de retour de Naples en août 1399, pacifient définitivement le comté entre 1398 et 1399.
Le 2 décembre 1400, la paix revenue, le mariage de Louis II et de Yolande d'Aragon est célébré dans la cathédrale Saint-Trophime.
D'après les actes notariés, la ville d’Arles est certainement une de celles où les usages et les mœurs de l’ancienne Rome persistent le plus longtemps. L’esclavage par exemple, hérité des Romains, s’y maintient longtemps. Réprouvé par la religion mais toléré par la législation, le trafic d’esclaves s'exerce encore librement dans la ville d’Arles jusqu'au milieu du XVe siècle, les officiers publics ne lui refusant pas le concours de leur ministère[21]. L'historien arlésien Émile Fassin en rapporte un exemple pour l'année 1360 :
À partir des années 1380, les chroniques de l'arlésien Bertrand Boysset constituent la documentation la plus importante sur l'histoire événementielle et quotidienne de la ville. Elles nous renseignent en particulier sur la vie d'une ville au bas Moyen Âge, sujette aux calamités de l'époque, mais tournée vers l'exploitation de son territoire.
Bertrand Boysset note les événements climatiques qui affectent le territoire arlésien comme les chutes de neige du 10 février 1387 à hauteur de trois palmes (0,75 m)[24], la crue du Rhône du 14 novembre 1396 qui noie les bas quartiers de la ville (La Roquette) sous plus de deux mètres d'eau[25] ou la destruction des ailes des moulins du Mouleyrès par le Mistral. Il évoque l'épidémie de peste qui se produit entre le 1er avril 1397 et janvier 1399[26]. Il rapporte également les faits divers de cette fin de siècle. Il cite ainsi un habitant de Pélissanne qui fut pendu le 23 décembre 1393 à Trinquetaille et dont le corps resta exposé un an avant d'être enseveli de nuit au cimetière Saint-Pierre de Trinquetaille. Il fait le récit d’une galiote de pirates de Bréganson pourchassée en avril 1395 sur le Rhône[27] Enfin, il rend compte de plusieurs événements politiques comme l’exécution capitale en 1399 du noble Gaubert de Lernet, exécution à laquelle assiste la reine Marie, mère du roi Louis[28], ou le mariage de Louis II et de Yolande d'Aragon dans la cathédrale Saint-Trophime le 2 décembre 1400[29].
Bertrand Boysset est représentatif de l'Arlésien de son époque. Il plante et taille les vignes, consomme son vin ; habitant le quartier de la Roquette, il pratique la pêche et fait construire en association, une martellière ; il connait la bourdigue pour la pêche dans les marais. Son Traité d'arpentage apporte également de précieuses informations sur les mas, les maisons et les techniques de l'époque[30].
En 1385, lorsque la seconde dynastie d'Anjou prend possession du comté de Provence, la ville d'Arles s'est profondément transformée en raison des bouleversements qui ont affecté son environnement : la peste noire, les guerres, les papes installés à Avignon et la présence de plus en plus sensible du royaume de France aux portes de la ville.
Les données disponibles ne permettent pas de suivre avec une résolution temporelle fine l'évolution de la population de la ville. Toutefois deux chiffres, celui de 1319 avec 2194 feux de cavalcade et celui de 1438 avec 910 chefs de feux chrétiens, autorisent à parler d'un effondrement démographique[31] à la fin du XIVe siècle. La peste frappe en priorité les enfants. Des onze enfants du chroniqueur arlésien Bertrand Boysset, trois ne dépassent pas 11 ans et aucun n'est en vie en 1428 lorsque sa femme dicte son testament. Les familles sont décimées et de nombreux lignages s'éteignent[32].
La peste avec son impact démographique affecte profondément l'économie agricole arlésienne : la main-d'œuvre devient rare et chère. Les guerres quasi perpétuelles depuis le milieu du XIVe siècle renforcent ce dépeuplement du territoire. Par exemple, dans la grange[33] de Poulon propriété des Hospitaliers, il y a en 1338 sept individus ; en 1373, la grange est abandonnée[34]. Globalement, cette rareté conjuguée à l'insécurité permanente détruisent les embryons de villages apparus au cours du XIIe siècle et accélèrent la transformation des mas en centres d'habitat temporaire limité aux périodes agricoles[35]. Une fois passées les semences d'automne, la majorité du territoire est abandonné, peuplé par les seuls chasseurs, bergers et pêcheurs. En Camargue où les pierres sont rares, les ruines des mas détruits figurent explicitement dans les contrats de vente des affars abandonnés. En revanche l'élevage ovin se développe en Camargue et en Crau, avec la mise en place d'une transhumance à grande échelle entraînant le déplacement de troupeaux de plusieurs dizaines de milliers de bêtes[36].
La présence des papes à Avignon détourne une partie du commerce transitant jusqu’alors par Arles. Avignon avec ses papes, son port sur le Rhône et la présence des grandes compagnies financières Toscanes devient l’étape obligatoire dans le commerce entre les Flandres et l’Orient[37]. Vis-à-vis des villes du nord, Avignon fait écran à la cité arlésienne et vis-à-vis du Levant, la cité des papes reprend une partie de l’activité de Marseille qui avec Aigues-Mortes deviennent en quelque sorte ses avant-ports. De plus, une nouvelle route, évitant Arles, se crée à partir du nouveau port de Bouc qui devient très actif à la fin du XIVe siècle au grand dam des gens d’Arles et de Tarascon furieux de l’abandon progressif de la voie du Rhône. Une enquête comtale de 1366 montre que la majorité des témoins interrogés à Avignon disent utiliser le port de Bouc plutôt que celui d'Arles[38].
Rôle moins important des ordres religieux...
Si le XIIIe siècle s'est terminé de façon catastrophique pour l'archevêché d'Arles avec la perte du pouvoir temporel, le XIVe siècle ne lui est pas plus favorable. Comme toute la société arlésienne le diocèse d'Arles souffre de la peste et des guerres, tout en étant affecté par des événements religieux spécifiques au contexte du XIVe siècle tels que la suppression de l’ordre du Temple, l’installation des papes à Avignon et le grand schisme.
Après la suppression de l’ordre du Temple par Clément V au concile de Vienne[39] (16 octobre 1311 - mai 1312), affaire où l’archevêque d'Arles Arnaud de Faugères était intervenu, les Hospitaliers qui reprennent l’ensemble des possessions templières[40] et deviennent ainsi jusqu’à la Révolution le plus grand propriétaire de Camargue, s'attirent une hostilité croissante de la population.
En revanche, ce début du XIVe voit l’arrivée dans la cité rhodanienne de nouveaux ordres mendiants, ordres auxquels les Arlésiens sont très attachés[41] ; en 1323, les Carmes s’installent à proximité du Marché-Neuf, dans le quartier des Auberges[39] où la rue actuelle des Carmes rappelle leur ancien couvent.
Mais la peste de 1348 affecte, à l’instar de la population civile, celle des clercs et des moines. La communauté de moniales du monastère Saint-Césaire passe ainsi de 108 en 1343 à 22 en 1428[42]. Avec la peste apparaissent également dans la cité les saints antipesteux, en particulier saint Roch après 1372, à la suite du transfert des reliques du saint[43] par Jean II Le Meingre[44] au couvent de la Trinité d'Arles.
Probablement en liaison avec cette épidémie, des associations laïques mais chrétiennes, les confréries, se développent à partir des années 1350 après s'être longtemps heurtées à l'autorité ecclésiastique, en souvenir de l'ancienne Confrérie des bailes. Ces associations qui ont une activité charitable, conviviale, religieuse et surtout funéraire se mêlent de manière intime et quotidienne à la vie des Arlésiens. Une vingtaine de confréries aux effectifs variables apparaissent ainsi entre 1320 et 1400. La confrérie Notre-Dame-de-Beaulieu est mentionnée en 1320, celle de Saint-Jean-Baptiste en 1400[45]. Parfois fort riches ou souvent très pauvres, ces confréries sont ouvertes à l'ensemble de la population citadine et regroupent des hommes et des femmes d'origines très différentes. « Leur prodigieux développement à partir du milieu du XIVe siècle s'explique essentiellement par cette large capacité d'ouverture »[46].
La peste et les guerres quasi permanentes de 1355 à 1398 entraînent une nouvelle géographie religieuse : disparition de paroisses urbaines, destruction des églises du faubourg et déplacement des ordres religieux comme les prêcheurs du quartier du Mouleyres, en dehors des remparts, vers le Mejan, à l'intérieur de la cité sur les bords du Rhône, en plein quartier juif.
Avec l'arrivée du pape Clément V à Avignon en 1309, le rôle des l'archevêques d'Arles subit également une profonde mutation. En résidant à Avignon et en se réservant le gouvernement de l'Église de ce diocèse, les papes d'Avignon (1309-1378) deviennent des évêques suffrageants du prélat arlésien et affaiblissent donc son autorité de métropolitain. La proximité de la papauté affecte aussi le recrutement des archevêques, désormais choisis parmi compatriotes ou parents dont on veut récompenser les services[47]. Ces prélats deviennent des oiseaux de passage dans un diocèse qui n'est qu'une étape de leur carrière ecclésiastique et plusieurs occupent même de hautes fonctions à la cour pontificale. Ils sont donc peu présents dans leur diocèse et Arles cesse d'être la résidence de ses archevêques.
Au début du Grand Schisme (1378-1418) quand deux papes rivaux (et bientôt trois) prétendent régner sur la chrétienté l’un installé à Rome et l’autre à Avignon, les comtes de Provence profitent de la situation pour usurper des droits de l'Église d'Arles. Par ailleurs, ces obédiences multiples affectent de nombreux évêchés, tel celui d'Arles qui en 1390 a deux archevêques puis après la mort de Jean de Rochechouart voit son siège archiépiscopal demeurer vacant de 1398 à 1405. Pendant ces quelques années, Pedro de Luna, anti-pape sous le nom de Benoit XIII, y nomme successivement plusieurs administrateurs pour le spirituel, s'en réservant les revenus à titre personnel[48].
En cette fin de siècle, les Arlésiens s'intéressent de près aux évènements étrangers à la région et particulièrement à ceux concernant l'Italie du sud, dont les princes de la deuxième maison d'Anjou sont rois, et à ceux relatifs à la France. Le chroniqueur Bertrand Boysset rapportent ainsi divers éléments de Naples, le soulèvement de Montpellier en 1379, sa visite à Villeneuve-lès-Avignon où il aperçoit le roi Charles VI[49]. La France est en effet une puissante voisine dont la cité doit tenir compte. Les Arlésiens se souviennent du conflit des années 1367-1372 et de la tentative de la prise de la ville par les troupes royales. Et cet intérêt pour le voisin français s'explique aussi par la présence de plus en plus forte des capétiens en Languedoc après la création à la fin du XIIIe siècle des salines royales du Peccais qui concurrencent celles d'Arles, l'annexion de la Septimanie en 1349, et la présence du port d'Aigues-Mortes toujours actif au XIVe siècle[50]. Cet intérêt -bien compris- explique probablement le choix de la communauté pour le prince capétien Louis II d'Anjou à la succession de la reine Jeanne lors de la guerre de l' Union d'Aix.
Cette période liée à l’installation de la seconde dynastie Angevine, permet paradoxalement à la ville de retrouver en 1385, lors du ralliement négocié de la ville d'Arles au jeune Louis II, une partie des droits aliénés en 1251. Mais cette restauration des droits avait déjà commencé dans les années 1350-1380, à l'époque de la reine Jeanne. Dès 1349, la ville d'Arles se dote en effet d'un corps de syndics permanents (exécutif urbain) et le 10 octobre 1352 la reine Jeanne, de passage dans la cité, lui octroie de nombreux privilèges[51]. En 1368, la reine revenant sur la convention de 1251, autorise la ville à posséder des biens et la même année, la communauté se dote d'un capitaine chargé de la défense de la ville qui reprend une partie des fonctions du viguier comtal. Cette volonté se poursuit également après la convention de 1385, comme en 1389, quand Marie de Blois, la mère de Louis II, abandonne à la ville, contre 1 000 florins, Aureille et son territoire confisqués à la famille de Lamanon[52] après la tentative de prise d'Arles par les Tuchins, ou en 1390, quand les Arlésiens obtiennent du comte une limitation des sergents comtaux dans la ville.
En cette fin de siècle, la noblesse arlésienne n'a plus le rang qu'elle tenait les siècles précédents. Fonctionnarisée[53] avec l'arrivée de la première maison d'Anjou qui a récupéré peu à peu les ressources financières des grandes familles, cette noblesse, tentée par le mirage italien, est totalement à la merci du comte après les désastres ultramontains de la fin du XIVe[54].
Son pouvoir politique s'est également effacé. Autant au début du XIIIe siècle, les grandes familles jouaient un rôle dans les luttes en Provence et, jusqu'à la fin de ce siècle, étaient respectées par le pouvoir comtal, autant en cette fin du XIVe siècle, leur importance politique, désormais quasi nulle, ne les exonère plus des pires châtiments ; cinq nobles sont exécutés après la tentative ratée de la prise d'Arles par les Tuchins en 1384 et la reine mère, Marie de Blois, n'hésite pas en 1399 à assister à l'exécution capitale d'un noble rebellé.
Le XIVe siècle est donc une période de déclin, à la fois démographique, économique et ecclésiastique, marquée également par l'effacement des grandes familles. Le recul démographique réduit de manière brutale la population arlésienne et affecte toutes ses activités en particulier l'agriculture qui manque de bras. Il entraîne la disparition de paroisses urbaines et les guerres la destruction des mas et des églises du faubourg. Mais paradoxalement les troubles politiques de la seconde moitié de ce siècle ont permis à la cité provençale de retrouver une partie de ses droits.
Après la terrible épidémie de 1347-1350 (peste noire), le plus bas niveau démographique est atteint un siècle plus tard, vers 1440, la ville étant alors passée d'environ 12 000 (en 1337) à 5 000 habitants. D’autres épidémies de peste frappent la ville en 1398, 1450 et 1482. Deux périodes sont particulièrement difficiles pour la cité : 1418-1433 et 1481-1484. La population arlésienne en est très affectée et la cité ne retrouvera ses effectifs du début du XIVe siècle qu'à la veille de la Révolution.
Le plus bas niveau démographique est atteint vers 1420 (1000 feux). Situation aggravée par des éléments exogènes. 1418-1433, avec les épidémies de 1418, 1420, 1429, la guerre permanente, les sécheresses et les récoltes insuffisantes de 1421, 1424, 1426, 1429, 1432 et la cherté du grain en 1428, 1432 et 1433.
Les épidémies du début du siècle
La peste revient dans la cité avec les épidémies de 1418, 1420 et 1429. Le 10 octobre 1428, devant la persistance de la peste, la communauté décide l'expulsion de tous les juifs étrangers[55]. En 1429, la situation démographique apparaît si catastrophique que le 2 octobre, pour attirer des habitants dans la ville d'Arles dépeuplée par la peste, le Conseil de la Communauté accorde le droit de bourgeoisie et l'exemption de tout impôt pendant dix ans aux étrangers qui viendront s'y établir[56]. Dix ans plus tard, une délibération du conseil de la communauté réduisant à 80 (au lieu de 120) le nombre des conseillers, « vu la grande mortalité causée par la peste. » [57], souligne les effets de ces épidémies.
Mourir à Arles à la fin du Moyen Âge
Source : Louis Stouff, L’Église et la vie religieuse à Arles et en Provence au Moyen Âge, pages 169-179[58].
Pour les Arlésiens, la mort est présente par les ravages de la peste et la perte de leurs enfants. Le mal sévit de manière récurrente entre 1347 et 1484. Les conséquences de ces pestes sont dramatiques sur le plan démographique, la population de la ville passant de 2200 feux en 1320 à 910 en 1438. À cette époque, voir mourir ses enfants est une chose courante. Ainsi la femme du chroniqueur arlésien Bertrand Boysset a eu onze enfants entre 1372 et 1393, mais lorsqu’elle fait son testament en 1428, aucun n'a survécu. L’étude des testaments permet de témoigner sur les interrogations des Arlésiens face à la mort : où se faire ensevelir ? Comment préparer son salut ? Comment organiser ses obsèques ? Pour les élections de sépulture, les Arlésiens restent longtemps fidèles aux cimetières des Alyscamps, contrairement à de nombreuses cités qui dès le haut Moyen Âge commencent à enterrer leurs morts dans des cimetières intra-urbains[59]. Ils abandonnent ensuite le vieux cimetière au profit de celui du cloître de leur paroisse, et parallèlement les cimetières des ordres mendiants connaissent un succès croissant. Les Arlésiens se préoccupent aussi de leur salut et prévoient de nombreux legs : à leur paroisse, à des œuvres, aux abbayes arlésiennes, à leurs confréries et au salut de leur âme. S’il reste de l’argent, le solde est consacré à des messes et aux obsèques qui sont également très codifiées. En général l’ensevelissement se déroule le jour même sauf si le décès se produit à une heure trop tardive. Le corps recouvert d’un suaire est porté par quatre hommes appartenant à la confrérie du défunt. Le lendemain, le jour du cantar, une messe est donnée. Toutefois, les Arlésiens ne sont pas égaux au moment de leur mort. Les pompes funèbres restent codifiées vis-à-vis de la hiérarchie sociale qui se fige à la porte du tombeau.
Le territoire arlésien subit entre 1426 et 1429, une série de sécheresses annuelles ; en mai 1426, puis en mai 1427, les prés sont mis en deffens. Le 10 août 1426, la communauté supprime la gabelle de 12 deniers par livre sur le blé, à cause de la rareté de ce produit, par suite de la sécheresse[60]. En 1432, le froid, à la suite d'un hiver rigoureux, gèle les oliviers et détruit les moissons. Les récoltes sont également insuffisantes en 1421, 1424, 1426, 1429. Globalement sur la période 1420-1440, la production des grains arlésiens diminue de moitié par rapport à celle des années 1300-1340.
Si au XIVe siècle, le danger était continental, au XVe siècle, les menaces viennent de la mer. Le territoire arlésien, mal protégé et facilement accessible par les bras du Rhône, est une proie facile pour tous les pirates qui écument les côtes. En 1417, le sénéchal de Provence, devant le danger des opérations de pirateries, demandent aux communautés de remettre en état leurs murailles. En 1431, deux galiotes florentines remontent une brassière du fleuve et font prisonniers plusieurs Arlésiens. En 1435 puis en 1453, des Génois remontent le Rhône et commettent des actes de violence et de rapines en Camargue.
Mais la plus grande menace ce sont les Catalans. Pendant plus d'un demi-siècle, la cité vit avec la menace des Catalans, c'est-à-dire des galères aragonaises qui pillent la Camargue et qui sont un danger permanent pour les Arlésiens. Déjà en 1410, les Catalans voulant porter secours à l'anti-pape Rodrigue de Luna assiégé à Avignon dévastent la Camargue. Le danger devient permanent à partir de 1420, date du début du conflit entre la Provence et l'Aragon. Ainsi, dès septembre 1422, la reine Yolande d'Aragon permet à la ville d'Arles de s'armer et d'armer des barques pour lutter contre les pirates catalans de plus en plus menaçants. En 1423, la flotte d'Alphonse V d'Aragon de retour d'Italie attaque la ville de Marseille pratiquement désarmée et se livre pendant trois jours (20/23 novembre) au pillage de la ville. Pendant de nombreuses années les Arlésiens et les Camarguais vont ainsi vivre avec la peur du Catalan. En juillet 1452, une galiote catalane, aux ordres du terrible corsaire Embonet (En Bonet?) fait des incursions en Camargue et enlève des Arlésiens. Le Conseil délègue un de ses membres, Jacques Reynaud, pour aller exposer cette situation au sénéchal, et le supplier de vouloir bien prendre les mesures nécessaires pour obtenir la délivrance des captifs[61]. Les Catalans reviennent en 1453 :
En dépit d'une trêve de dix ans conclue le 16 février 1463 avec le roi d'Aragon[63], vingt ans plus tard en 1470, la menace est toujours présente. Par lettre patente du 16 juin de cette même année, le roi René autorise la construction d'une tour de défense à l'embouchure du Rhône, dénommée par la suite Tour du Lion, Tour du Balouard, du Boulouard ou du Gras ; elle est terminée le 15 juin 1477 lors de la visite du duc de Calabre. Lors de sa construction, il faut envoyer le 11 juillet 1473 des renforts, les ouvriers ayant failli être enlevés par une galère catalane[64]. Le voyageur allemand Hans von Waltheym fait également référence à cette menace lors de son voyage en 1474 ; il écrit :
À compléter ; //état des campagnes avec les mas abandonnés, les églises en ruines...//
L'essor d'Avignon au XIVe siècle a été néfaste pour Arles. La cité papale constitue un écran en direction du nord, limitant le rayonnement de la ville. Les Arlésiens échouent à accroître leurs activités commerciales. Deux foires demandées en 1443 au roi René ne leur sont accordées qu'en 1475[38]. Ils ne réussissent pas à faire de leur ville un centre de grand commerce. Les grands trafics de la région se font en dehors d'Arles. Pour mener sa politique commerciale méditerranéenne, Jacques Cœur s'appuie sur Aigues-Mortes, Montpellier et Marseille et jamais sur Arles. Le commerce par la vallée du Rhône se fait avec les ports de Marseille et de Bouc, évitant la remontée du delta du Rhône[38]. Le départ du pape Benoît XIII et la guerre avec les catalans qui rendent les bras du Rhône et la Camargue peu sûrs expliquent en partie cet abandon. Les tarifs des fermes traduisent ce déclin. Ainsi la ferme des revenus du péage sur le Rhône qui reflète l'intensité du trafic arlésien est vendue par l'archevêque 600 florins par an à la fin du XIVe siècle et seulement entre 300 et 400 dans les années 1420-1450[38]. Toutefois, à partir des années 1460-1470, les trafics fluviaux et maritimes reprennent.
Source : Louis Stouff - Arles au Moyen Âge, pages 155-222[66].
Les documents fiscaux (liste des hommes payant le capage, livres terriers), les testaments et les documents municipaux permettent de saisir les métiers, activités et communautés de la société arlésienne. C’est au moment où la courbe démographique commence à se redresser vers 1437-1438, qu’il est possible de connaître la composition de la population arlésienne.
Les communautés
Arles est formée d'une communauté de citoyens, d'habitants et de gens de passage. Pour être considéré comme citoyen il faut passer, pour les non-natifs de la ville, une cérémonie appelée citadinagium. Les Arlésiens vivent en fonction des classes sociales, des métiers et des communautés religieuses qui structurent les quartiers de la ville. Une hiérarchie des fortunes peut être établie. Elle révèle des écarts considérables. L’Arlésien le plus riche, un noble, est 900 fois plus riche que le plus pauvre et au bas de l’échelle, 54 % des contribuables ne détiennent que 15 % des biens. Les gens se regroupent par métiers : dans le quartier de l'Hauture habitent les bergers de la Crau et dans celui de la Roquette les pécheurs. La communauté chrétienne est organisée en paroisses et confréries, sortes d’associations caritatives et sociales de l’époque.
Mais la ville est surtout scindée entre deux communautés religieuses : les chrétiens et les juifs qui habitent un quartier réservé, le Méjan, avec leurs propres chefs et des lois spécifiques.
Survivance de l'époque antique, il existe encore des esclaves à Arles à la fin du Moyen Âge. L’esclavage s'est en effet maintenu dans la cité jusqu’à l’annexion à la France.
Les métiers
En 1437, sur les 1.228 chefs de feu fiscalisés, seuls les trois-quarts ont une profession qui nous est connue. L’agriculture, l’élevage, la pêche et la chasse ainsi que les métiers liés à l’alimentation représentent la grande majorité des professions recensées, soit environ 70 %, les métiers concernant le commerce, le travail de la pierre et des métaux et ceux liés à l’habillement seulement 25 % et les professions intellectuelles ou officielles, marginales, moins de 5 %. Les métiers d’Arles, si on les rapproche de ceux de villes comme Paris ou Tours, sont en nombre restreint et présentent souvent la particularité d’être peu spécialisés. Globalement ils sont liés au terroir et ne sont pas orientés vers l’exportation. Une autre particularité d’Arles, c’est la spécialisation des communautés : les juifs encore nombreux en ce début de siècle (80 feux) constituent par exemple la majorité des préteurs, tailleurs, courtiers en céréales et médecins. À l’inverse, on ne les retrouve ni dans les métiers de la terre ni comme éleveurs.
Les activités
L’agriculture arlésienne se distingue par des particularités locales : une forte présence de jardins et vergers, un vignoble omniprésent destiné à une production essentiellement personnelle et de grands domaines appelés affars, propriétés de l’archevêché, des nobles ou de laboureurs enrichis. Le choc démographique entraîne une modification de l’exploitation de ces propriétés. Les documents disponibles montrent un abandon progressif de l’exploitation directe au profit de la fâcherie (métayage) puis de l’arrentement (fermage). L’activité pastorale depuis la rédaction des premiers statuts au XIIIe siècle s’est accrue et les autorités municipales se préoccupent de préserver les terres du delta, pasturas et herbagia et celles de Crau, les coussouls. Il existe deux types d’élevage des ovins : de gros troupeaux entre les mains de l’aristocratie et d’éleveurs professionnels, les nourriguiers et ceux de 50 à 400 bêtes, possédés par les bergers. Dès cette époque, la transhumance est très organisée : en 1398 plus de 21 000 bêtes appartenant à 11 propriétaires quittent la Crau pour les alpages de Digne. La Camargue est alors une terre de chasse et d’élevage bovin et équin. La pêche est réalisée en mer, sur le Rhône ou dans les marais et les pécheurs d’Arles constituent un monde à part, une communauté, dans la ville. Sur 60 recensés, 59 habitent le quartier de la Roquette et appartiennent à la même confrérie. //+ peu de gens de mer (cf. L. Stouff, Arles au Moyen Âge, page 146) //
reprise des travaux agricoles... Paradoxalement, la cité et le pays d'Arles forts demandeurs en main d'œuvre (travaux agricoles, volonté d'accueillir des artisans…) deviennent un centre important d'immigration, d'abord avec des populations de la Provence occidentale, puis du sillon rhodanien jusqu'à Genève et enfin du Cantal et de la Lozère. Ce flux migratoire sera à l'origine de la reprise démographique de la cité dans les années 1470.
.... + structuration des quartiers de la ville, cf Cavalerie
Ces nouveaux arrivants pour la plupart des Savoyards, s'installent généralement au nord de la ville, sitôt la porte franchie, à proximité de la « Porte de la Cavalerie » dans le quartier de la Cavalerie/Portagnel, qui joue pendant longtemps un rôle important en matière de commerce et d’artisanat et où se trouvent de nombreuses auberges.
....+ évolution des prénoms arlésiens en liaison avec les flux migratoires
Ces transformations démographiques et sociales se retrouvent en particulier dans la composition du stock des prénoms qui se modifie. Même s'il y a des valeurs sûres, comme les Pierre et les Guillaume, d'autres prénoms apparaissent, progressent ou disparaissent. Si parmi les noms les plus fréquents, les Jean, Jacques et Antoine connaissent une spectaculaire progression[68], en revanche la fréquence des prénoms d'origine germanique liés à l'histoire du « royaume d'Arles » (Bernard, Isnard...) ou en relation avec les anciennes familles de la noblesse provençale (Pons...) décline[69]. Certains noms sont négligés, y compris ceux des saints, même locaux[70]. L'absence ou quasi-absence la plus remarquable est celle des Paul[71]. L'immigration à partir des années 1430 et surtout après 1450 de gens venus du Nord (Savoie, Lyonnais, Bourgogne, Bretagne...) entraîne l'apparition de nouveaux prénoms tels que les Yves, Nicolas, Denis et surtout Claude qui devient l'un des prénoms les plus populaires[71].
À partir de la fin des années 1470, le contexte politique de la cité est dominé par les évènements liés au rattachement de la Provence à la France. À Arles s'y ajoutent de nombreuses particularités, dont les relations de la ville avec sa communauté juive.
peste, mais renouveau architectural// ;
modification du pouvoir municipal et des relations avec les représentants du pouvoir
L'archevêché d'Arles, dont la renommée avait déjà décliné au début du siècle, perd encore de son prestige. En 1475, à la mort de Philippe de Lévis, le pape Sixte IV réduit le diocèse d’Arles : il détache le diocèse d'Avignon attribué en 1474 à son neveu Julien de la Rovere, le futur pape Jules II, de la province d'Arles, l'érige en archevêché et lui attribue comme suffrageants les évêchés comtadins de Carpentras, Cavaillon et de Vaison. Quelques années plus tard, les archiépiscopats d'Eustache de Lévis et de son successeur Nicolas Cibo marquent la fin du monnayage d'Arles.
En janvier 1482, Palamède de Forbin, le nouveau lieutenant général de Provence nommé par Louis XI visite Arles lors de sa tournée des villes provençales et dès le 29 janvier, une ordonnance du Gouverneur de Provence précise que les Syndics seront désormais appelés Consuls.
En 1483, Arles est réunie au royaume de France peu de temps après la mort du roi René (1481), son dernier comte. À la fin du printemps, Jean de Baudricourt, gouverneur de Bourgogne, chargé par le roi Louis XI de reprendre la main en Provence, visite Arles et en destitue les fonctionnaires provençaux, remplacés par des Français. Arles participe sous ses ordres à la destruction partielle du château des Baux, soupçonné d'abriter des séditieux opposés à l'union avec la France[72].
En août 1487, les armes du roi sont apposées conjointement à celles de la ville sur tous les lieux représentatifs du pouvoir pour effacer le souvenir du comte de Provence.
En 1499, les Arlésiens prêtent serment de fidélité au roi Louis XII et demandent confirmation de leurs privilèges[73].
Les Arlésiens de la fin du XVe siècle sont très attachés au culte et même aux traditions légendaires ainsi que le montre l'incident malheureux concernant les reliques de saint Antoine en 1493[74]. Dans cette situation d'exaspération religieuse, entretenue par les prédications des frères mineurs, le climat entre les communautés chrétiennes et juives se dégrade.
Déjà, à partir de 1420, date du début du conflit entre la Provence et l'Aragon, les tensions urbaines s'accroissent compte tenu des relations entre juifs arlésiens et aragonais. Sous l’archiépiscopat d’Eustache de Lévis (1475-1489), et plus particulièrement après le rattachement de la Provence au royaume de France, les tensions se multiplient[75] et aboutissent au sac de la juiverie d’Arles le 7 juin 1484[76]. Finalement, le 23 septembre 1493, un édit de Charles VIII ordonne l'expulsion des juifs d'Arles. Cet arrêté de 1493 est le premier d’une série, précédant celui de 1496 à Tarascon, et ceux de 1500 et 1501 pour la Provence. Curieusement la motivation principale de l’arrêté arlésien ne relève pas de préoccupations religieuses, mais sociales. Ces émeutes anti-juives conduites principalement par une masse de plusieurs milliers de saisonniers attirés par les moissons et vendanges, inquiètent en effet les classes dirigeantes de la cité. Elles redoutent que ces troubles dégénèrent « par convoitise de biens » en une révolte généralisé, embrasant la ville tout entière[77]. Ces désordres traduisent certainement des transformations plus profondes de la société et annoncent, en cette fin du XVe siècle des conflits de classes dont la minorité juive, jouant un rôle de révélateur, fait les frais[78].
Le géographe et médecin allemand Jérôme Münzer de passage à Arles en septembre 1495 est impressionné par l'importance de la ville qu'il pense plus grande que Marseille et par ses monuments romains. À propos des arènes encore investies d'habitations, il écrit :
À la fin du siècle, la ville entreprend les premiers travaux de rénovation urbaine : en 1497, la place située devant Saint-Trophime est agrandie.