Hervé Guibert, né le à Saint-Cloud et mort le à Clamart, est un écrivain et journalistefrançais. Il écrit des nouvelles et romans dont certains font partie du genre littéraire appelé autofiction. Pratiquant assidûment la photographie, il est également reconnu pour ses textes sur ce medium[1].
Biographie
Hervé Guibert naît dans une famille parisienne de la classe moyenne. Son père est vétérinaire d’État et inspecteur des services vétérinaires. Il a une sœur, Dominique, qui est son aînée de cinq ans. Ses grand-tantes, Suzanne et Louise, marquent son univers familial et son enfance.
Après une éducation scolaire dans le 14e arrondissement de Paris, il poursuit des études secondaires à La Rochelle, où il fait partie d’une troupe de théâtre : « la Comédie de La Rochelle et du Centre-Ouest ».
Revenu à Paris en 1973, il échoue au concours d'entrée de l’IDHEC à 18 ans.
Vie amoureuse
Trois hommes occupent une place importante dans sa vie sentimentale et son œuvre :
Thierry Jouno, directeur du centre socioculturel des sourds à Vincennes, rencontré en 1976 et qui sera l'homme de sa vie ;
Vincent M., un adolescent de dix-sept ans rencontré en 1982, qui lui inspire son roman Fou de Vincent.
Il entretient également une relation épistolaire avec Roland Barthes, qui s'interrompt quand ce dernier réclame des relations intimes en échange d'un texte[2].
Proche du photographe Hans Georg Berger(en) depuis 1978, il séjourne à plusieurs reprises dans sa résidence de Santa Caterina, sur l’île d'Elbe[3], où il écrit plusieurs de ses livres[4] et se laisse photographier[5].
En , il apprend qu’il est atteint du sida. Il est très proche de Thierry Jouno – atteint du sida également, et qui mourra peu après lui le –, de ses deux enfants et de sa compagne Christine. Il épouse cette dernière le . C'est un mariage d'amour et de raison[9],[10].
Cette même année, il est l'invité de Bernard Pivot dans l'émission littéraire Apostrophes. Dans son dernier ouvrage Cytomégalovirus, il décrit quotidiennement l'avancée de la maladie qui le mine[11].
Il réalise un travail artistique sur le sida, qui le prive de ses forces[12],[13]. Le film La Pudeur ou l'Impudeur, achevé avec la productrice Pascale Breugnot quelques semaines avant sa mort, est diffusé à la télévision le [14].
Atteint du cytomégalovirus, presque aveugle, il tente de se suicider la veille de ses 36 ans en absorbant de la digitaline. Il meurt deux semaines plus tard, le , à l'hôpital Antoine-Béclère, des suites de cet empoisonnement[15]. Il est enterré au cimetière de Rio nell'Elba, sur la rive orientale de l'île d'Elbe. En sa mémoire, une stèle cubique portant son nom est érigée dans le Jardin du souvenir, à proximité de l’ermitage de Santa Caterina.
Travail littéraire
Les textes d'Hervé Guibert se caractérisent par une recherche de simplicité et de dépouillement. Son style évolue sous l'influence de ses lectures (Roland Barthes[16], Bernard-Marie Koltès ou encore Thomas Bernhard, ce dernier marquant ouvertement le style du roman A l'ami qui ne m'a pas sauvé la vie).
Hervé Guibert compose de courts romans aux chapitres de quelques pages, qui se fondent souvent sur des faits biographiques transformés en fiction[17],[18]. L'intrigue est brutalement exposée (ainsi dans Mes parents), le vocabulaire parfois recherché et les descriptions de tortures ou d'amours charnelles très crues[19].
Il travaille avec Patrice Chéreau, qui coécrit le scénario de L'Homme blessé ; ce film obtient le César du meilleur scénario en 1984. Il se lie d'amitié avec Sophie Calle[20],[21]. Journaliste, il collabore dès 1973 à plusieurs revues et interviewe des artistes tels Isabelle Adjani, Zouc ou Miquel Barceló ; en retour, ce dernier effectue plus de 25 portraits de lui. Travaillant au service culturel du journal Le Monde jusqu’en 1985, il écrit des critiques de photographie et de cinéma[22].
Rétrospectives photo
En 2011, la Maison européenne de la photographie organise la première rétrospective de l'œuvre photographique d'Hervé Guibert[23]. En marge de cette exposition, les éditions Gallimard publient un livre qui présente plus de 200 de ses photographies réalisées entre 1976 et 1991[24]. En 2021, l'institution présente à nouveau de nombreuses photographies d'Hervé Guibert au sein de l'exposition Love Songs, photographies de l'intime.
En 2018, l'exposition Les Palais des monstres désirables réunit à la galerie Les Douches des photos de jeunesse regroupées par Christine Guibert et Agathe Gaillard[25].
En 2019, une rétrospective a lieu à la Fondation Loewe de Madrid[10].
En janvier 2021, l'écrivain Mathieu Lindon publie Hervelino, un livre dans lequel il rend hommage à leur amitié, débutée en 1978 par l'entremise de Michel Foucault, et revient notamment sur les deux années qu'ils passent ensemble à la fin des années 1980 à Rome, où ils sont tous deux pensionnaires de la Villa Médicis[8].
L'ensemble de l'oeuvre d'Hervé Guibert suscite l'admiration de l'autrice Nina Bouraoui, et notamment Le Mausolée des amants, car « on y décèle toutes les trames de ses autres romans, ses phobies, ses peurs, errances, ses personnages, dont Vincent, un de ses amants, et T., l’homme de toute sa vie… »[30],[31],[32].
En avril 2021, l'écrivain Baptiste Thery-Guilbert fait de lui un personnage principal dans son roman Pas dire[33],[34].
À l'occasion de la journée internationale de lutte contre le VIH/sida du 1er décembre 2021, la chaîne Arte présente le documentaire inédit Hervé Guibert, la mort propagande, du réalisateur David Teboul[35],[36].
↑Arnaud Genon, « Fracture autobiographique et écriture du sida : l'autofiction chez Hervé Guibert », in Autofiction(s), actes du colloque de Cerisy-la-Salle, Presses universitaires de Lyon, 2010.
↑Antoine de Gaudemar, La Maladie de l'amour, entretien avec Hervé Guibert, Libération, 1er mars 1990.
↑Arnaud Genon, « Du corps jouissant au corps souffrant », La Faute à Rousseau, no 37, octobre 2004.
↑Arnaud Genon, « La pudeur ou l'impudeur d'Hervé Guibert : l'accomplissement par l'image du développement de soi », L'intimité, Presses universitaires Blaise Pascal, 2005, p. 81-90.
↑Arnaud Genon, « Ce que dit l’autofiction : les écrivains et leurs fractures » (Sur Camille Laurens, Hervé Guibert et Serge Doubrovsky), Raison publique no 14, « L’art de l’intime », 2011
↑Natacha Rossel, « Théâtre – Christophe Honoré, l’urgence de cicatriser le traumatisme du Sida », 24 heures, (ISSN1424-4039, lire en ligne, consulté le )
↑Benoit Migneault, « Pas dire », sur Fugues, (consulté le ) : « L’un des personnages du récit, écrivain de son état, semble par ailleurs être une référence directe à Hervé Guibert, dont il porte le prénom, sans aucun doute un hommage à l’un des grands témoins littéraires de cette période. »
↑« Tout dire », sur Lettres québécoises (consulté le )
Bruno Blanckeman, "Mourir en direct. Littérature et témoignage : le cas Hervé Guibert", Esthétique du témoignage, sous la direction de Carole Dornier et Renaud Dulong, EHESS, 2005.
Jean-Pierre Boulé, Hervé Guibert : l'entreprise de l'écriture du moi, L'Harmattan, 2001, compte rendu sur le site Fabula.
François Buot, Hervé Guibert : le Jeune Homme et la mort, Grasset 1999.
Marie Darrieussecq, "Le Fantôme Guibert", Senso. Magazine des sens et des mots, no 29, hiver 2007.
André-Michel Gardey, "Hervé Guibert : de l'impudeur au réel de l'image du sida et réflexion psychanalytique sur le corps", Clinique méditerranéenne. Psychanalyse et psychopathologie freudienne, no 64, 2001.
Arnaud Genon, Hervé Guibert. Vers une esthétique postmoderne, L'Harmattan, Coll. Critiques littéraires, 2007.
Arnaud Genon, L'Aventure singulière d'Hervé Guibert, Articles et chroniques, Mon Petit Éditeur, coll. Essai, 2012.
Arnaud Genon, Roman, journal, autofiction : Hervé Guibert en ses genres, Mon Petit Éditeur, coll. Sciences Humaines, 2014.
Christian Soleil, Hervé Guibert, Actes graphiques 2002.
Lionel Souquet, « Des aveugles d'Hervé Guibert, ou le narcissisme à l'épreuve de la cécité », Revue de la S.A.P.F.E.S.U., Buenos Aires, año XXII, no 27, , p. 87-91.
Collectif, Le Corps textuel d'Hervé Guibert, textes réunis et édités par Ralph Sarkonak, au jour le siècle 2, Lettres modernes, Minard, 1997.
Robert Pujade, "Hervé Guibert : une leçon de photographie", Lyon, Université Claude Bernard / Insa, 2008.
Frédéric Andrau, Hervé Guibert ou les morsures du destin, Éditions Séguier, 2015.
Fabio Libasci, “Le passioni dell’io. Hervé Guibert lettore di Michel Foucault”, Milano, Mimesis, 2018.