La ville de Kiev, ancienne métropole russe et ukrainienne, appartient au royaume polono-lituanien du XIVe au milieu du XVIIe siècle comme capitale du palatinat de Kijów (Kiev). Elle est annexée par l'Empire russe en 1667 mais la campagne proche, à l'ouest du fleuve Dniepr, reste polonaise jusqu'aux partages de la Pologne à la fin du XVIIIe siècle, ce qui limite son développement[1].
La région de Kiev est érigée en gouvernement (goubernia) par un oukaze de Pierre le Grand, le . En 1719, le gouvernement est divisé en quatre provinces, autour de Belgorod, Kiev, Orel et Sevsk. En 1727, les provinces de Belgorod, Sevsk et Orel sont regroupées dans le gouvernement de Belgorod, laissant seule la province de Kiev dans le gouvernement de Kiev.
Un édit de Catherine II du , effectif en , réorganise le gouvernement en vice-royauté (namestnitchestvo). Elle est divisée en plusieurs ouiezds : Kiev, Gorodichtché, Goltva, Khorol, Kozelets, Loubny, Mirgorod, Ostior, Pereïaslav, Pyriatyn et Zolotonocha. En 1789, Gorodichtché est rattachée au gouvernement de Iekaterinoslav. En 1791, la vice-royauté de Kiev est subdivisée en dix okrougs et des ouïezds supplémentaires sont établis : Bogouslav, Gadiatch, Kanev, Zenkov, Korsoun et Lokhvitsa. Les armes de la vice-royauté représentent l'archange saint Michel tenant un bouclier d'azur dans une main et une épée dans l'autre.
Au milieu du XIXe siècle, le gouvernement de Kiev compte 50 300 km2 (dont 22 000 de terres arables et 10 000 de forêts) pour une population de 1 640 000 habitants, en grande majorité des « Petits Russiens », c'est-à-dire Ukrainiens. Les « Grands Russiens » (Russes au sens étroit) sont concentrés dans les villes, de même que les Juifs, qui tiennent une place importante dans l'économie, et la noblesse polonaise. Les familles polonaises des Branicki et Potocki possèdent de vastes domaines dans la province[1].
Kiev concentre presque toute l'industrie de la province : 3 000 ouvriers travaillent le drap tandis que 72 sucreries produisent 400 000 pouds (6 600 tonnes) de sucre (1848). La ville abrite aussi des forges, tanneries, verreries, distilleries d'alcool, briqueteries; fabriques de voitures, etc. Une importante foire se tient chaque année sur la place des Contrats (où se renégocient les baux agricoles) : son chiffre d'affaires, en 1856, s'élève à 6 millions de roubles. Les autres villes ne sont que des bourgs au rayonnement limité comme Bohouslav (7 000 habitants), Ouman (7 000 habitants), Tcherkassy (6 000 habitants), Radomychl, Zvenyhorodka, Lypovets, Skvyra, Bila Tserkva, etc.[1].
Le gouvernement de Kiev est une des régions agricoles les plus prospères de l'Empire. Sa production annuelle est estimée à 10 millions d'hectolitres de céréales, 13 millions de pouds de betteraves à sucre, plus le lin, le chanvre, le tabac, etc. Le bétail est représenté par 525 000 bovins, 125 000 chevaux, 850 000 moutons, 250 000 porcs. Les produits agricoles représentent l'essentiel de ses exportations. Par contre, la production minière est à peu près nulle[1].
Selon le recensement de la population de l'Empire de 1897, le gouvernement compte alors 3 559 229 habitants, dont une population urbaine de 459 253 habitants (soit 12,9 %). La ville principale est Kiev avec 247 723 habitants. Sur le plan linguistique, on compte :
3 034 961 « Russes » au sens large dont 2 819 145 « Petits Russiens » (85,2 % de la population)
430 489 Juifs (12,1 %) ; la plupart s'exprimaient en yiddish, mais parlaient de plus en plus le russe
En ce qui concerne la religion, le recensement enregistre :
2 983 736 orthodoxes (83,8 %) ;
433 738 juifs (12,2 %) ;
106 733 catholiques (3,0 %).
Fin du régime impérial
Les campagnes de la région de Kiev connaissent des troubles pendant la révolution russe de 1905. En , le premier ministre Piotr Stolypine envoie aux autorités provinciales une circulaire secrète, mais qui sera rendue publique par les journaux peu après, visant à réprimer les agitateurs étrangers qui propagent le séparatisme parmi les Ukrainiens. En , l'assassinat d'un enfant à Kiev donne lieu à des fausses accusations de meurtre rituel contre un technicien juif, Menahem Mendel Beilis, qui sera acquitté en 1913. En , au cours d'une visite à Kiev en compagnie du tsar Nicolas II, Stolypine est assassiné à l'opéra de Kiev. L'assassin étant d'origine juive, bien que les rabbins locaux aient condamné ce crime, la mort de Stolypine donne lieu à des manifestations d'antisémitisme et 10 000 Juifs quittent la ville par crainte d'un pogrom[3].