La date du transfert du siège d'épiscopal d'Alba, capitale des Helviens, et le nom de l'évêque ayant fait ce transfert, a fait l'objet d'un débat au XIXe siècle. R. Lauxerois a repris l'avis de Louis Duchesne affirmant que ce transfert a été fait par un certain Promotus, et non Auxonius, 5e évêque d'Alba. L'histoire racontée au XIXe siècle d'un évêque assassiné, d'une population en fuite, et d'un évêque s'installant à Mélas puis à Viviers, est fantaisiste. La Vetus Carta, premier cartulaire de la cathédrale de Viviers datant du Xe siècle, donne dans la liste des évêques comme successeur de Promotus, Lucianus siégeant regnate Alarico, sous le règne d'Alaric II, mort en 507. On a trouvé une épitaphe d'un évêque mort en 487 à Saint-Thomé. Yves Esquieu en déduit que le transfert du siège épiscopal a bien été fait par Promotus, premier évêque installé à Viviers entre 474-475 et 487. Rien dans l'épitaphe et dans la Vetus Carta ne permet de savoir pourquoi le siège a été transféré. On ne sait pas à quelle date Alba a été abandonnée. Le transfert est probablement dû aux nouvelles conditions politiques et économiques. Après Promotus, il y a l'évêque Lucianus, puis vient Venance qui appartient à la famille des rois burgondes et qui a participé au concile d'Épaone en 517, et au concile de Clermont en 535. Il serait mort en 544. D'après les Acta sanctii Venantii, c'est l'évêque Venance qui aurait relevé les murailles de la cité, orné les églises, et restauré la cathédrale.
Il est possible que la cathédrale de Viviers ait été ruinée en 736 pendant une incursion de Sarrasins, puis reconstruite. C'est peut-être à la suite de cet évènement que l'implantation de la cathédrale a été déplacée vers le sud.
Quand l'évêque Léodegaire (Léger) est élu en 1096, il trouve une cathédrale en ruine. Il entreprend sa reconstruction. La nouvelle cathédrale est consacrée le par le pape Calixte II, alors que le bâtiment n'est pas achevé. Le plan de l'abside à chapelles rayonnantes carrées, inhabituel dans la région, pourrait être inspiré de l'abbatiale de Tournus. La nef s'inscrit dans la période de diffusion des édifices à trois vaisseaux dans la vallée du Rhône, au second quart du XIIe siècle[1].
Des fouilles ont été entreprises en 1978 et 1983, place de la Plaine, au nord de la cathédrale. Elles ont mis au jour des structures paléochrétiennes et les vestiges d'un groupe de trois édifices qui devaient composer le groupe cathédral du haut Moyen Âge[2]. Ces fouilles ont aussi permis de trouver les fondations du cloître des chanoines du XIIIe siècle.
La cathédrale actuelle
Sur la base d’un édifice du XIe siècle (elle fut consacrée en 1119), succédant lui-même à un sanctuaire beaucoup plus ancien, remaniée aux XVIIe et XVIIIe siècles, la cathédrale Saint-Vincent juxtapose un élément défensif, une nef romane, et un chœur gothique flamboyant.
Au XVe siècle les chapelles rayonnantes sont reprises dans le goût gothique. Peu après, l’évêque Claude de Tournon (1498-1542) remanie l’édifice et fait bâtir le chœur de style gothique flamboyant (entre 1516 et 1521). Le dessin de la voûte est particulièrement remarquable. La richesse du programme sculpté se déploie tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du chevet, dont le couronnement est l'un des exemples des grandes réalisations du gothique flamboyant français[1].
La cathédrale est dévastée par les guerres de religion en 1562 et 1567. Sa restauration est commencée par le préchantre du chapitre, François Monnier. Les murs de la nef sont relevés et reçoivent une couverture en bois. Au début du XVIIe siècle l'abside est entouré d'un déambulatoire, ce qui oblige à tronquer les chapelles rayonnantes, qui sont soit supprimées soit rallongées[1].
Le chapitre réintègre le choeur en 1606. La chapelle de la famille de Poitiers est transformée en sacristie en 1627. Il commande une chaire et un retable pour le maître-autel[1].
Des travaux d'embellissements ont lieu au XVIIIe siècle, dont il reste particulièrement le maître-autel de marbre. La voûte est reconstruite en pierre de 1757 à 1759 par l’architecte avignonnais Jean-Baptiste Franque.
La Révolution ne semble pas avoir beaucoup affecté le monument, qui se dégrada bien plus lors de la réunion du diocèse à celui de Mende entre 1801 et 1823. Des travaux de restaurations occupent les années 1820-30 et 1860. De 1864 à 1866 le couvrement du chevet est repris, afin de restaurer la riche sculpture qui le couronne. Ces ornements, particulièrement fragiles, sont à nouveau restaurés au début du XXe siècle, puis en 1983[1].
Dans son état actuel, le chœur, dont la largeur et la richesse contrastent avec les petites dimensions et la simplicité de la nef à trois travées sans transept, possède deux rangs de stalles. Des tapisseries des Gobelins ornent les murs. Le maître-autel baroque (XVIIIe siècle) est fait en mosaïque de marbres polychromes.
Reprise de la voûte par Franque : voûte d'arêtes à double arêtier.
La voûte du chœur.
Voûte de la chapelle latérale.
Le clocher, dit encore « campanile » ou tour Saint-Michel, remonte à la construction du XIe siècle. Aujourd’hui relié à la nef par un porche, il constituait la porte d’entrée du quartier canonial. Sa base carrée, ornée de bandes lombardes, abritait un baptistère, elle est maintenant murée. Au-dessus se trouve une chapelle dédiée à saint Michel Archange, à la sculpture particulièrement soignée. Un étage supérieur devait constituer l’amorce d’un clocher inachevé (XIIe siècle). Un étage octogonal fut rajouté au XIVe siècle, portant sa hauteur à 40 m. Le clocher comporte quatre cloches. L'apparence extérieur du bâtiment a peu changé depuis la fin du Moyen Âge. À l'intérieur, les colonnette et chapiteaux de la chapelle ont été restitués au XIXe siècle[3].
En 1906, son inventaire, prévu le dans le cadre de la loi de séparation des Églises et de l'État, est reporté au . Ce jour-là, en présence de manifestants barricadés à l'intérieur et d'une foule estimée à un millier de personnes, Joseph-Michel-Frédéric Bonnet présent, lit une protestation remarquée par les manifestants. À la sienne s'ajoute celle de M. Pavin de Lafarge, conseiller général. Les autorités ne peuvent pénétrer dans l'édifice qui demeure occupé jour et nuit par une centaine de paroissiens. Le , en présence de troupes militaires réquisitionnées pour l'occasion, l'opération se déroule après défonçage des portes. Là aussi une foule nombreuse réunie par le tocsin était présente.
Des dates récentes :
1994 : les paroisses catholiques de Viviers, Saint-Thomé et Valvignères forment l’« ensemble inter-paroissial de Viviers » ;
2013 : à compter du , la cathédrale Saint-Vincent est confiée à un recteur, secondé par une équipe rectorale, chargé de l'organisation de célébrations et rassemblements diocésains et de l'accueil des visiteurs[8]… ;
2019 :
le , environ 500 fidèles, les prêtres et diacres du diocèse se réunissent auprès de Jean-Louis Balsa pour la messe chrismale et les 900 ans de la consécration de l'édifice[9].
le , un séisme secoue la région Le Teil - Viviers fragilisant la cathédrale qui demeure fermée par sécurité durant plus d'une année.
2020 : après un mois de travaux de maçonnerie la cathédrale accueille de nouveau les fidèles. La première célébration est la messe de minuit le , présidée par Jean-Louis Balsa, évêque de Viviers[10].
Plusieurs éléments aux fonctions liturgiques précises prennent place dans le chœur :
la cathèdre : siège de présidence ne pouvant être occupé que par l’évêque. Elle donne son nom à l’édifice : la « cathédrale » ou église de l’évêque. De « style Empire », elle date du XIXe siècle. Ce fauteuil épiscopal est classé monument historique au titre d'objet depuis le [13] ;
Le Christ en croix dominant l’assemblée a été sculpté en 1599 ou 1609 par le menuisier de Romans-sur-Isère : Antoine Rousset. Il est classé monument historique au titre d'objet depuis le [14].
Les socles en cuivre travaillés sont l’œuvre de l’artiste de Tournon-sur-Rhône : Jean Huard. Le porte livre de l’ambon et la table de verre de l’autel sont une création de Jean-Marie Dumolard [15],[16]« Pour les chrétiens, ce verre - matière minérale - rappelle une autre matière minérale : la pierre, « le roc qu’est le Christ ». L’unité de facture entre l’ambon et l’autel leur évoque aussi le Christ : « Il est, dit le concile Vatican II, réellement présent dans l’Eucharistie et dans la Parole proclamée dans l’assemblée »[17]. En 2017-2018 l'environnement immédiat de ces deux éléments a été revu avec l'enlèvement d'une partie de l'ancienne table de communion et de diverses estrades supports, le tout permettant d'alléger l'ensemble du chœur, de libérer de l'espace autour et d'en faciliter l'accès[18].
la Présence : le pain consacré à la messe, élément extrêmement sacré, devenu Corps du Christ pour les catholiques. Signalée par une lumière invitant à la dévotion et à l’adoration, elle est placée ici dans le tabernacle de l’ancien maître-autel datant du XVIIIe siècle.
Mobilier
Une partie du mobilier de la cathédrale est recensé dans la base Palissy. Quelques pièces parmi les plus importantes :
Tabernacle
D’une manière générale, un tabernacle est la réserve où l’on garde le pain consacré à la messe, destiné à être porté à ceux qui ne peuvent participer aux célébrations, en particulier les malades ou les personnes âgées. Ici le tabernacle de la cathédrale est placé au sein de l’ancien maître-autel réalisé en 1727 par des marbriers génois ( ?) installés à Marseille. L’ensemble a été consacré en 1728. Constitué de marbre blanc incrusté de marbres polychromes formant sur certaines parties une marqueterie avec des détails réalistes comme des oiseaux, il est classé monument historique[19].
Saint Jean-Baptiste et Saint Vincent , XVIIe siècle, provenant d’une annexe de la cathédrale : la chapelle Saint-Jean. Ces deux statues sont en bois doré [22] ;
Jean Magrou (1869-1945), Monument funéraire de MgrBonnet, 1928, marbre, classé monument historique au titre d'objet depuis les et [23].
École française du XVIIe siècle, Vierge à l'Enfant.
Conférant à la cathédrale un caractère ardéchois plus marqué, ils portent la signature de sœur Françoise Ménétrier.
Orgues
La cathédrale est dotée de deux orgues répertoriées à l’Inventaire général du patrimoine culturel :
le grand-orgue placé au-dessus du portail principal, datant de 1841, est signé John Abbey ; il possède 31 jeux sur trois claviers manuels et pédalier, les transmissions sont électriques [31] ;
l’orgue de chœur date de 1869. Il porte la signature de la Maison Merklin-Schutze[32].
Les verrières du chœur sont décorées par les armoiries d’évêques de Viviers et du chapitre de la cathédrale[34].
Le chœur
Cathèdre de l’évêque, stalles et tapisseries.
Tabernacle, ancien maître-autel et tapisseries.
Dalle funéraire des évêques de Viviers inhumés dans le chœur de la cathédrale.
Les cloches
La tour Saint-Michel est dotée de quatre cloches sonnant à la volée :
Marie-Jeannette, donne un si2 et pèse 2 439 kg ;
Théodorine-Joséphine, donne un mi3 pour 860 kg ;
Arsène-Élisabeth, sol3 pour 446 kg ;
Antoinette-Sophie, do4 avec 238 kg.
Fondues à Lyon par Gédéon Morel en 1847, elles sont répertoriées sur l’Inventaire général du patrimoine culturel [35].
Voir aussi
Bibliographie
Archives départementales de l’Ardèche : La Croix de l’Ardèche, numéros consultés et .
Correspondance électronique privée entre le recteur de la cathédrale et M. Pasquion, .
Églises en Ardèche, Document du Service Diocésain de la Pastorale des Réalités du Tourisme et des Loisirs du diocèse de l’Ardèche et de la Commission d’Art Sacré, 2010.
Jean Ribon, Reflets de l’Ardèche, Pages d’histoire civile et religieuse.- Édition et Région, La bouquinerie, Valence.- 2007.- 376 p.
S. Pasquion, Talencieux et ses environs à travers les âges, Tome 1, 2 et 3., dossier disponible à la Bibliothèque Communautaire du Bassin d’Annonay, 2002 – 2004.
Yves Esquieu, Cathédrale de Viviers Ardèche, Aix-en-Provence, 2001.
Yves Esquieu, La cathédrale Saint-Vincent de Viviers, p. 317-331, dans Congrès archéologique de France. 150e session. Moyenne vallée du Rhône. 1992, Société française d'archéologie, Paris, 1995
Yves Esquieu, Rollins Guild, Le campanile de la cathédrale de Viviers, p. 333-350, dans Congrès archéologique de France. 150e sessionn. Moyenne vallée du Rhône. 1992, Société française d'archéologie, Paris, 1995
Yves Esquieu, Viviers - Cathédrale, p. 214-217, dans Les premiers monuments chrétiens de la France, tome 1, Sud-Est et Corse, Picard éditeur, Ministère de la Culture et de la Francophonie, Paris, 1995 (ISBN2-7084-0442-3)
Robert Saint-Jean, Jean Nougaret, Vivarais Gévaudan romans, p. 73-82, Éditions Zodiaque (collection La nuit des temps no 75), La Pierre-qui-Vire, 1991 (ISBN2-7369-0186-X)
Yves Esquieu, Ardèche. Viviers, découverte d'une sculpture romane, p. 37, Bulletin monumental, 1988, volume 146, no 1 (lire en ligne)
Yves Esquieu, La cathédrale de Viviers et les bâtiments du cloître, XIIe – XIIIe siècles, p. 121-148, dans Bulletin monumental, 1983, volume 141, no 2 (lire en ligne)
Yves Esquieu, Ardèche, Viviers : quelques notes sur les découvertes archéologiques, p. 316-318, Bulletin monumental, 1982, volume 140, no 4 (lire en ligne)
Jacques de Banne (1591-1657), Mémoyres des Antiquités de l'Église cathédrale de Viviers, recherchées par moy, Jacques de Banne, chanoine d'icelle, et de plusieurs autres choses arrivées en divers temps et particulièrement de celles qui se sont passées durant ma vie ; p. 240
Jacques de Banne, Chronologie des Evesques de Viviers et encore de ceux qui ont siégé en la ville d'Abs auparavant que le siège fut transféré en cette ville, et plusieurs Mémoyres touchant l'ancienneté, dotation et privilèges de l'église cathédrale de Viviers. Le tout tiré des actes très authentiques
Jacques de Banne, Mémoires de Jacques de Banne, chanoine de Viviers, publiés d'après le manuscrit de la Bibliothèque Nationale, avec une introduction, des notes et une table par Auguste Le Sourd, Imprimerie de Habauzit, Aubenas, 1917 (lire en ligne)
collectif, Viviers : une petite cathédrale... une longue histoire : Cahier de Mémoire d'Ardèche et Temps Présent n°143, Privas, Mémoire d'Ardèche et Temps Présent, .
↑ abcd et eYves Esquieu, « La cathédrale Saint-Vincent de Viviers », Congrès archéologique de France, vol. 1992, no 150, , p. 317-331 (lire en ligne).
↑Voir l'historique et la planche VII du dossier de l'inventaire général de la cathédrale.
↑Yves Esquieu, Rollins Guild, « Le campanile de la cathédrale Saint-Vincent de Viviers », Congrès archéologique de France, vol. 1992, no 150, , p. 333-350 (lire en ligne).