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Bénédicte Savoy, née le 22 mai 1972 à Paris, est une universitaire et historienne de l'art française.
Elle est professeure d’histoire de l’art à l’université technique de Berlin. De 2016 jusqu'à 2021, elle a occupé la chaire internationale « Histoire culturelle des patrimoines artistiques en Europe, XVIIIe – XXe siècle » au Collège de France à Paris[1].
En tant que spécialiste des « translocations » d'œuvres d'art (y compris les vols d'œuvres d'art et l'art de pillage), elle a rédigé en 2018, avec Felwine Sarr, un rapport sur la restitution du patrimoine culturel africain pour le président Emmanuel Macron[2]. Ce rapport a été contesté par différents experts, dont l'ancien président du musée du Quai Branly[3], ainsi que les journaux spécialisés tels que La Tribune de l'art[4] et La Gazette Drouot[5].
Ancienne élève des lycées Fénelon et Henri IV à Paris, Bénédicte Savoy séjourne en 1988-1989 dans une famille d’accueil à Berlin-Ouest où elle fréquente le lycée Beethoven.
En 1992, elle est reçue deuxième à l'École normale supérieure de Fontenay-Saint-Cloud et en 1996 première à l'agrégation d'allemand[6]. Avant son installation à Berlin en 1993, elle participe aux premières créations théâtrales d’Olivier Py : Gaspacho, un chien mort (1991) et Les Aventures de Paco Goliard (1992)[7].
Elle consacre ses premiers travaux universitaires au peintre Anselm Kiefer (sous la direction de Jean-Noël Vuarnet), puis soutient en 2000 un doctorat intitulé « Les spoliations artistiques de la France en Allemagne autour de 1800 » sous la direction de Michel Espagne. Cette thèse est publiée en deux volumes, aux éditions de la Maison des Sciences de l'Homme en 2003, avec une préface de Pierre Rosenberg de l'Académie française[8].
Nommée « professeure junior » au département d’histoire de l’art de l’université technique de Berlin en 2003, elle y est depuis 2009 titulaire d’une chaire consacrée à l’« Histoire de l’art comme histoire culturelle » (« Kunstgeschichte als Kulturgeschichte »).
De 2007 à 2012, Bénédicte Savoy a été élue à la Junge Akademie[9]. En 2016, elle devient membre de l'Académie des sciences de Berlin Brandebourg[9]. L'année suivante, elle est admise à l'Académie allemande pour la langue et la littérature[9]. Elle a également été membre du cluster d’excellence « Topoi - The Formation and Transformation of Space and Knowledge in Ancient Civilization » à Berlin de 2007 à 2019[10].
Ses recherches portent sur l’histoire culturelle et sociale des arts, sur l’histoire des musées, sur les questions de spoliations artistiques.
Bénédicte Savoy travaille notamment sur le regard italien et allemand sur les spoliations artistiques commises par Napoléon[11]. En 2010, elle est commissaire générale de l’exposition « Napoleon und Europa. Traum und Trauma » au hall des expositions de la République fédérale (de) à Bonn (avec Yann Potin)[12], exposition reprise sous une forme adaptée au musée de l'Armée.
Elle assure avec David Blankenstein le commissariat général de l’exposition « Les Frères Humboldt. L’Europe de l’esprit »[13] à l’Observatoire de Paris pour Paris Sciences Lettres (PSL) en 2014 et de l'exposition « Wilhelm und Alexander von Humboldt »[14] au Deutsches Historisches Museum à Berlin qui s'est tenue de novembre 2019 à avril 2020.
En 2024, Bénédicte Savoy occupe la « Cátedra del Prado », une chaire académique invitée au musée du Prado à Madrid[15].
Après une intervention en tant que professeur invitée de Carlo Ossola en 2015[16], Bénédicte Savoy occupe entre 2016 et 2021 la chaire internationale Histoire culturelle du patrimoine artistique en Europe, XVIIIe – XXe siècles[17] au Collège de France. Sa leçon inaugurale, intitulée « Objets du désir, désirs d'objets », est consacrée aux spoliations artistiques[18]. En 2019, elle est publiée en allemand sous le titre Die Provenienz der Kultur (en français : La Provenance de la culture)[19]. Le texte a également été publié en italien dans la revue Il Giornale dell'Arte[20].
Sa leçon inaugurale a été critiqué par une partie de la presse spécialisée dans les questions patrimoniales pour son analyse de la statue de Bartholdi représentant Champollion installée dans la cour du Collège de France[21].
En mars 2018, elle se voit également confier par le président de la République Emmanuel Macron une mission d'étude, avec l'écrivain et économiste sénégalais Felwine Sarr, auteur en 2016 de l'essai Afrotopia[22], sur la question des restitutions, temporaires ou définitives, aux pays d'origine du patrimoine africain, ramené dans des institutions culturelles françaises pendant la période de la colonisation[23]. Leur rapport est remis en français et en anglais officiellement le 23 novembre 2018, et publié en ligne[24] ainsi qu'au Seuil en coédition avec les éditions Philippe Rey[25].
L'orientation du rapport est vivement critiquée ou remise en question par plusieurs spécialistes dont le journaliste et historien de l'art Didier Rykner, qui en juge l'inspiration politique et qui s'inquiète de la sécurité des œuvres restituées[26]. Le magazine Le Point critique un rapport au titre et au vocabulaire inspiré par les études postcoloniales et un rapport teinté de « repentance »[27]. On reproche aussi aux deux rédacteurs du rapport de ne pas être spécialistes de l'art africain ni de la colonisation et de n'avoir sollicité pour l'écrire que des « amis experts », selon leurs propres termes. L'historien de l'art africain Bertrand Goy rappelle pour sa part que la plus grande majorité des œuvres arrivées en Europe n'est pas issue de pillages, mais du commerce (à une époque où personne n'imaginait qu'elles auraient un jour une forte valeur marchande), alors que de nombreux conservateurs de musée rappellent que les vols artistiques ont aussi été internes à l'Afrique, sans provoquer les mêmes débats entre musées du continent. Les très mauvaises conditions de conservation dans certains musées africains sont enfin pointées du doigt, tout comme le précédent du musée royal de l'Afrique centrale — devenu AfricaMuseum — de Tervuren (Belgique), qui avait restitué 114 œuvres au Zaïre dans les années 1970-1980[28], dont il ne reste que 21 pièces en 2018, la plupart ayant été depuis volées ou revendues dans l'illégalité[29].
Bénédicte Savoy s'étant défendue contre ces critiques, en particulier concernant la méthode, Didier Rykner a répondu en apportant des éclaircissements concernant ce qu'il estime représenter des incohérences, des partis-pris idéologiques et la superficialité du processus ayant abouti au rapport[30]. Lors de la remise du rapport « Rapport sur la restitution du patrimoine culturel africain : vers une nouvelle éthique relationnelle » le 23 novembre 2018, Emmanuel Macron annonce la restitution prochaine de 26 œuvres au Bénin, validant ainsi son orientation[31]. Cette restitution fait l'objet d'une loi promulguée fin 2020[32].
Ce rapport et sa mise en œuvre valent à Bénédicte Savoy et Felwine Sarr d'être classés au troisième rang en 2020 dans le classement annuel des personnes les plus influentes dans le monde de l'art international établi par ArtReview[33]. L'année suivante, le magazine américain Time les classe parmi les personnes les plus influentes du monde[34].
En 2020, leur rapport sur la restitution des biens culturels africains et la réaction publique qui en a découlé ont valu à Bénédicte Savoy et Felwine Sarr la troisième place dans le classement annuel des « Personnes les plus influentes du monde de l’art international », établi par le magazine ArtReview[49]. De plus, le magazine Time les a classés parmi les « 100 personnes les plus influentes de l'année 2021 »[50].
Bénédicte Savoy est l’auteure d’une vingtaine d’ouvrages parmi lesquels, en français : Patrimoine annexé. Les biens culturels saisis par la France en Allemagne autour de 1800, 2 vol., Paris 2003, préface de Pierre Rosenberg ; Dictionnaire des historiens de l’art allemands (avec Michel Espagne), Paris, 2010 ; Les frères Humboldt. L’Europe de l’esprit, catalogue d’exposition (avec David Blankenstein), Paris, 2014. Son enquête de 2011 sur la présence à Berlin du buste de Nefertiti (Nofretete. Eine deutsch-französische Affäre, 1912-1931, Cologne 2011) a été relayée par la presse allemande (Der Spiegel)[52] et française (Le Monde)[53].
Bénédicte Savoy co-dirige avec Andreas Beyer et Wolf Tegethoff le dictionnaire de référence Allgemeines Künstlerlexikon (AKL) aux éditions De Gruyter. Chez De Gruyter, elle co-dirige également les collections « Ars et Scientia » (avec Gregor Wedekind et Michael Thimann) et « Contact Zones » (avec Lars Blunck et Avinoam Shalem).
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