En pétrologie on a l'habitude d'appeler aussi alumine le composant Al2O3 de la composition chimique d'une roche, exprimée en pourcentages d'oxydes, même si les minéraux porteurs d'aluminium n'ont pas cette formule chimique. On dit par exemple de la bauxite, le principal minerai d'aluminium, qu'elle est riche en alumine.
L'alumine est amphotère, c'est-à-dire qu'elle réagit comme un acide en présence d'une base et comme une base en présence d'un acide. Elle forme des aluminates avec de nombreux oxydes métalliques. L'alumine γ, cubique, se présente comme une poudre blanche hygroscopique insoluble dans l'eau mais lentement soluble dans les bases fortes et les acides forts. Elle forme par frittage des solides à la surface poreuse dont la qualité dépend étroitement du procédé et de la température de fabrication. Elle est utilisée comme phase stationnaire en chromatographie. L'alumine γ se transforme dès 800 °C en alumine α, qui est insoluble dans les acides et dans les bases.
L'alumine est un très bon isolant électrique, avec une rigidité diélectrique de 35 kV mm−1 et une résistivité de 1012 Ω m à 20 °C (tombant à 107 Ω m à 1 000 °C) mais présente à température ambiante une conductivité thermique de 35,6 à 39 W m−1 K−1, relativement élevée pour une céramique. Elle se forme facilement à la surface de l'aluminiummétallique au contact de l'oxygène de l'air, et constitue une couche mince de passivation, épaisse d'environ 4 nm, qui protège l'intérieur du volume d'aluminium contre la progression de l'oxydation[9]. Un certain nombre d'alliages, comme le cuproaluminium (cuivre avec une fraction d'aluminium), utilisent cette propriété pour renforcer leur résistance à la corrosion.
L'épaisseur et les propriétés de cette couche d'oxyde peuvent être améliorées par traitement de surface de type anodisation. La couche ainsi formée est généralement amorphe mais peut être partiellement cristallisée à l'aide de techniques d'oxydation plasma ou à arc électrique. Ces couches d'alumine peuvent ensuite être renforcées par combinaison avec de l'eau pour former un hydrate d'alumine qui est translucide. Il est possible d'adjoindre des colorants dans la couche superficielle lors de cette opérations pour obtenir des teintes esthétiques.
Hormis le quartz SiO2, les constituants de la bauxite ne se dissolvent pas dans les bases. La filtration du mélange basique permet d'éliminer l'hématite Fe2O3, puis le mélange est refroidi pour former un précipité d'hydroxyde d'aluminium Al(OH)3 qui laisse les silicates en solution :
L'oxyde d'aluminium produit tend à être multiphase, c'est-à-dire qu'il ne contient pas que du corindon, mais également d'autres polymorphes. La composition de l'alumine ainsi produire peut être ajustée en fonction des conditions opératoires ; elle détermine notamment la porosité des surfaces et la solubilité du matériau, ce qui a des impacts sur son coût, son prix de vente et le contrôle de la pollution résultante.
La première usine à exploiter ce procédé est l'usine de Gardanne (anciennement Pechiney) en 1894. Cette usine produit toujours à ce jour des alumines hydratées et calcinées suivant ce procédé. L'alumine d'une grande variété de sources peut être extraite par le biais du procédé Orbite, beaucoup moins polluant, mais encore non utilisé à l'échelle industrielle.
L'alumine est exploitée industriellement pour obtenir de l'aluminium par le procédé électrolytique Héroult-Hall. Elle est aussi utilisée comme matériau réfractaire (résistant aux très fortes températures) et comme céramique, et peut être également utilisée sous forme de corindon pour fabriquer des abrasifs. On fabrique des tuyaux de poêle en alumine pour le chauffage à bois et à fioul.
Applications
L'alumine est utilisée dans des applications très diverses. Environ 90 % de la quantité globale est utilisée pour produire de l'aluminium, généralement par électrolyse (procédé Hall-Héroult), le reste étant essentiellement utilisé dans des applications tirant profit de sa résistance chimique, thermique et électrique[10]. Elle est par exemple utilisée comme matériau réfractaire, comme céramique, comme abrasif ou encore dans des applications de polissage. Un volume important est utilisé dans la production de zéolithes, de pigments dans les revêtements en dioxyde de titane et d'agents retardants ou antifumée.
Comme abrasif, l'alumine sert par exemple de substitut bien meilleur marché aux diamants industriels, qu'ils soient naturels ou synthétiques. De nombreux types de papier de verre utilisent des cristaux d'alumine. Le fait qu'elle garde peu la chaleur et ait une capacité thermique peu élevée en font un matériau largement utilisé pour les applications d'usinage par abrasion ou de rectification.
Les couches minces d'oxyde d'aluminium préparées à partir d'ozone présentent un courant de fuite de dix à cent fois plus faible que celles préparées à partir de vapeur d'eau.
En 2014, d'après les douanes françaises, la France est nette importatrice d'alumine. Le prix moyen à l'import était de 310 €/t[15].
Notes et références
↑ abc et dEntrée « Aluminium oxide » dans la base de données de produits chimiques GESTIS de la IFA (organisme allemand responsable de la sécurité et de la santé au travail) (allemand, anglais), accès le 23 février 2019 (JavaScript nécessaire).
↑ a et b(en) Raymond C. Rowe, Paul J. Sheskey et Marian E. Quinn, Handbook of Pharmaceutical Excipients, Londres, Pharmaceutical Press and American Pharmacists Association, , 6e éd., 888 p. (ISBN978-0-85369-792-3), p. 377.
↑ a et b« Aluminium Oxide » dans la base de données Hazardous Substances Data Bank (consulté le 4 juin 2010).
↑(en) Igor Levin et David Brandon, « Metastable Alumina Polymorphs: Crystal Structures and Transition Sequences », Journal of the American Ceramic Society, vol. 81, no 8, , p. 1995-2012 (DOI10.1111/j.1151-2916.1998.tb02581.x, lire en ligne).
↑(en) Timothy Campbell, Rajiv K. Kalia, Aiichiro Nakano, Priya Vashishta, Shuji Ogata et Stephen Rodgers, « Dynamics of Oxidation of Aluminum Nanoclusters using Variable Charge Molecular-Dynamics Simulations on Parallel Computers », Physical Review Letters, vol. 82, no 24, , p. 4866-4869 (DOI10.1103/PhysRevLett.82.4866, Bibcode1999PhRvL..82.4866C, lire en ligne).
↑(en) K. A. Evans, « Properties and uses of aluminium oxides and aluminium hydroxides », A. J. Downs, The Chemistry of Aluminium, Indium and Gallium, Blackie Academic, 1993 (ISBN978-0751401035).
↑(en) G. S. Higashi et C. G. Fleming, « Sequential surface chemical reaction limited growth of high quality Al2O3 dielectrics », Applied Physics Letters, vol. 55, no 19, , p. 1963-1965 (DOI10.1063/1.102337, Bibcode1989ApPhL..55.1963H, lire en ligne).
↑(en) J. B. Kim, D. R. Kwon, K. Chakrabarti et Chongmu Lee, « Improvement in Al2O3 dielectric behavior by using ozone as an oxidant for the atomic layer deposition technique », Journal of Applied Physics, vol. 92, no 11, , p. 6739-6742 (DOI10.1063/1.1515951, Bibcode2002JAP....92.6739K, lire en ligne).
↑(en) Jaebum Kim, Kuntal Chakrabarti, Jinho Lee, Ki-Young Oh et Chongmu Lee, « Effects of ozone as an oxygen source on the properties of the Al2O3 thin films prepared by atomic layer deposition », Materials Chemistry and Physics, vol. 78, no 3, , p. 733-738 (DOI10.1016/S0254-0584(02)00375-9, lire en ligne).
International Aluminium Institute (Les valeurs incluent l'alumine destinée à la production d'aluminium — la proportion la plus importante — ainsi que l'alumine destinée à d'autres utilisations.
Voir aussi
Bibliographie
(en) Handbook of Porous Solids, vol. 3, Wiley-VCH, 2002