La vicomté de Léon, dans le nord-ouest de la Bretagne, a existé depuis au moins le milieu du XIe siècle et a disparu à la fin du XIIIe siècle. Son territoire était plus vaste que celui de l'ancien évêché de Léon. Il débordait alors de l'évêché à l’est de Morlaix et s’étendait au sud sur le pays de Daoulas, la presqu'île de Crozon et même sur des territoires à l’ouest de Quimper[1].
La partition de 1179 a donné un vaste apanage au profit d'une branche cadette, formant ainsi la seigneurie de Léon[2].
La liste des vicomtes de Léon est très incertaine[3] ; on dispose de plusieurs généalogies manuscrites, mais parfois contradictoires[4].
Vers 824, le roiLouis le Pieux organise une expédition contre un chef breton dénommé Guyomarch, sans doute un ancêtre des vicomtes de Léon, dont plusieurs se prénommèrent par la suite Guyomarch[5].
N.B. : Seuls Even Le Grand, avec peut-être son fils, et, bien plus tard, Hervé II ont porté le titre de comte. Tous les autres se sont intitulés vicomtes.
On peut proposer la liste suivante[3], forcément incomplète, les premiers vicomtes de Léon restant inconnus :
Le mythique comte Even (ou Neven), souvent surnommé "Even le Grand" en raison de ses victoires contre les Normands, en particulier à Runeven en Plouider en 936, serait né vers 900 ; la tradition en fait le fondateur de Lesneven. Dom Morice en fait le père de Guyomarch Ier, comte de Léon et de Hamon, vicomte de Léon, au début du XIe siècle et le cartulaire de Landévennec le cite comme donateur dans deux actes concernant les paroisses de Lanrivoaré et Lanneuffret[5]. (Un certain Alain est aussi juste cité comme père de Guyomarch Ier de Léon.) Il serait aussi le père de Morvan, vicomte de Léon, qui aurait vécu vers 1050 et serait le père d'Ehuarn[6]. Le comte Even tient sa cour au château de Brest. Sa fille, Azénor, fera l’objet d’une légende qui, bien plus tard, fera qu’on donne son nom à l’une des tours du château.
Peut-être Alain Ier de Léon, père de Guyomarch Ier.
Guyomarch Ier, actif en 1021-1055, fils d'Even ou d'Alain.
Morvan, mentionné en 1031/1055 avec Guyomarch Ier, père d'Ehuarn. Selon Joëlle Quaghbeur, Morvan et Ehuarn appartiendraient à la famille du Faou[7],[8].
Alain II de Léon, fils aîné de Guyomarch Ier.
Ehuarn[9], qui aurait possédé Châteaulin, le Faou et la Roche-Morvan. Selon Joëlle Quaghebeur cet Ehuarn (IIe) est en fait, un « vicomte de Cornouaille » c'est-à-dire un vicomte du Faou qui avait une épouse du lignage de Léon[7],[8].
Hervé IIe de Léon, mort vers 1169, fut l'époux d'une fille naturelle d'Étienne de Blois, prétendant au trône d'Angleterre, rival d'Henri II «Plantagenêt». Il est présent à l'assemblée d'Oxford en 1139 pour y défendre les droits de son beau-père et obtient momentanément le titre de Earl of Wiltshire, mais doit quitter l'Angleterre en 1141 sans rien y conserver. Blessé, il serait devenu borgne en 1163. Le papeAdrien IV lui confère le titre de comte en 1156 (mais ce titre ne sera pas conservé par ses descendants) et affranchit l'abbaye de Saint-Mathieu en 1157 de toute servitude. Un document de 1163 le montre seigneur de Lesquélen[10] en Plabennec où se voit encore aujourd'hui la motte féodale. Il est, ainsi que son fils Guyomarch, capturé par le vicomte du Faou en 1163 (blessé, il serait alors devenu borgne) et tous deux sont emprisonnés dans la forteresse de Châteaulin. Ils furent délivrés par un autre fils d'Hervé IIe, l'évêque Hamon de Léon, aidé des troupes de Conan IVe de Bretagne et le vicomte du Faou, ainsi que son fils et son frère, furent enfermés dans le château de Daoulas où ils moururent de faim et de soif.
Guyomarch Ve de Léon, mort vers 1210, ne contrôle plus qu'une partie du Léon, perdant entre autres le contrôle de Morlaix, en raison de l'opposition de son père au roi Henri II d'Angleterre, contre qui il se bat, réussissant, avec l'aide de son frère Hervé, à reprendre le contrôle de la ville ainsi que de Châteauneuf-du-Faou, en 1186. Il finit toutefois par accepter l'autorité de Geoffroy IIe de Bretagne. En 1196, il soutient Constance de Bretagne, veuve de Geoffroy IIe «Plantagenêt», et son fils le duc Arthur qu'il accueille à Brest. Il est présenté parfois comme un personnage brutal et cynique. C'est probablement lui qui a fait construire le donjon du château de la Roche-Maurice.
Conan Ier de Léon (dit "le Bref"), décédé avant 1231, fut capturé, ainsi que Arthur, Ier duc de Bretagne en 1202 alors qu'ils assiégeaient Mirebeau où était réfugiée Aliénor d'Aquitaine, grand-mère du duc Arthur, mais qui soutenait son fils le roi Jean sans Terre dans la revendication du trône d'Angleterre laissé vacant par le décès du roi Richard cœur de Lion en 1199. Emprisonné au château de Chinon, il est libéré en par les troupes du roi Philippe Auguste. Entre 1214 et 1216, le Léon est envahi par Pierre de Dreux, dit Mauclerc, qui conquiert Lesneven en 1216. La rébellion menée par de nombreux nobles bretons et à laquelle participe Conan "le Bref", est matée lors de la bataille de Châteaubriant en 1222, et ces nobles doivent accepter Pierre Mauclerc, époux d'Alix de Thouars, héritière du duché, comme nouveau duc de Bretagne. Conan Ier avait épousé la sœur (dont le nom reste inconnu) d'Alain, comte de Goëlo et héritier de la Penthièvre.
Amé de Léon, « fille jadis Hervé vicomte de Léon »[12], obtient elle aussi des compensations financières en 1298 pour renoncer définitivement à ses droits sur la vicomté de Léon. Elle a épousé Prigent de Coëtmen, vicomte de Tonquédec. Elle meurt sans avoir eu d'enfants ; c'est Rolland de Dinan, un de ses petits-cousins, fils de Geoffroy de Dinan et petit-fils d'un homonyme Rolland de Dinan, marié avec une autre Amé qui était la sœur de Hervé IVe de Léon[13].
Le lignage des vicomtes de Léon disparaît donc à la fin du XIIIe siècle, le ducJean IIe cède un temps la vicomté à son fils puîné Pierre de Bretagne qui en raison de ses dettes la revend à son frère aîné Arthur, IIe duc de Bretagne en 1293. Par contre, la seigneurie de Léon, issue de la branche cadette, passe aux mains de la famille de Rohan en 1363, dont les descendants s'attribuent le titre de "Prince de Léon" à partir de 1530.
La partition de la vicomté de Léon
Entre 1154 et 1189, Henri II «Plantagenêt» règne sur la Normandie, le comté d'Anjou et l'Angleterre. De par son mariage avec Aliénor d'Aquitaine, il contrôle aussi l'Aquitaine. La Bretagne se trouve au centre de cet immense territoire. Les vicomtes de Léon font face à l'emprise des Plantagenêts et se révoltent sans succès au moins six fois à partir de 1167. À chaque révolte, Henri II d'Angleterre vient en personne ou délègue son armée pour mater le comte de Léon. En 1180, le combat est définitivement perdu et la vicomté de Léon est démantelée[14].
Les vicomtes de Léon vont donc continuer à contrôler Brest et Lesneven, mais pas Morlaix qui devient une ville ducale. Le duc de BretagneJean Ier le Roux s'empare de Lesneven en 1216 et de Brest en 1240, provoquant la disparition de la branche aînée des vicomtes de Léon. En revanche, malgré quelques vicissitudes, la branche cadette parvient à se maintenir autour de son fief de la Roche-Maurice pendant 8 générations (de Hervé Ier à Hervé VIIIe). Vers 1240 elle se révolte et tente de contrer l'avancée du duc de Bretagne en Léon. Le château de la Roche-Maurice est probablement alors détruit.
« La condition des vassaux des seigneurs était rude (...). Par exemple ceux du vicomte de Léon et de la terre de Rivelen[17], que l'on appelait "taillis et serfs", estoient obligés de demeurer an et jour [un an et un jour], les uns à Lesneven, les autres à Chasteaulin (Châteaulin) pour rendre à leur seigneur tous les services qu'il lui plairait d'exiger » s'ils voulaient s'affranchir[18].
↑André-Yves Bourgès, "L’expansion territoriale des vicomtes de Léon à l’époque féodale", Bulletin de la Société archéologique du Finistère, tome CXXVI, 1997
↑Celle d'Augustin du Paz, qui date du début du XVIIe siècle, a été perdue et n'est connue qu'indirectement par les auteurs qui y font référence ; celle de Guy Autret de Missirien date de 1636 ; d'autres sont dues à Dom Lobineau dans son Histoire de Bretagne, à dom Morice, à Pierre Le Baud et à Albert Le Grand qui ont utilisé certaines sources désormais disparues
↑Joëlle Quaghbeur, La Cornouaille du IXe au XIIe siècle, Rennes, (ISBN2 868477437), p.306.
↑Jean Gallet, "Seigneurs et paysans bretons du Moyen-Âge à la Révolution", éditions Ouest-France Université, 1992, (ISBN2-7373-1023-7)
↑Depuis au moins 1410, la coutume et condition de Rivelen s’appliqua à certaines des terres détenues par les Rohan, héritiers des sires de Léon, dans leurs fiefs situés dans l’évêché de Cornouaille : châtellenies de Daoulas, de Crozon et de Porzay en Cornouaille
↑Arthur de la Borderie, "Essai sur la géographie féodale de la Bretagne, avec la carte des fiefs et des seigneuries de cette province", Rennes, Plihon, 1889.
Patrick Kernévez, André-Yves Bourgès Généalogie des vicomtes de Léon (XIe, XIIe et XIIIe siècles). Bulletin de la Société archéologique du Finistère, tome CXXXVI, 2007, p. 157-188.
André-Yves Bourgès, L’expansion territoriale des vicomtes de Léon à l’époque féodale, dans Bulletin de la Société archéologique du Finistère, tome CXXVI, 1997.