Une bière trappiste, ou trappiste[1], est une bière brassée par ou sous contrôle des moines trappistes. Ces bières trappistes sont généralement de fermentation haute et doivent être brassées dans le respect des critères définis par l'Association internationale trappiste si elles veulent pouvoir arborer le logo Authentic Trappist Product (ATP) délivré par cette association privée.
Critères d'appellation
L'appellation « bière trappiste » désigne une bière brassée par des moines trappistes ou leurs agréés.
Dès 1935[2] les moines cherchèrent à protéger l'appellation « trappiste » pour leurs bières, sans succès. Cette situation perdura jusque dans les années 1960. En effet, certaines bières d'inspiration trappiste avaient été commercialisées avec des mentions telles que, par exemple, Trappist, Trappistenbier ou encore Bière trappiste. C'est à partir de février 1962, date d'un jugement[3] du tribunal de Gand qui donna raison aux moines, que la situation commença à se normaliser.
Comme le précise le jugement du tribunal de Gand : « Lorsqu’un commerçant donne à sa clientèle une fausse indication concernant l’origine et abuse donc de la renommée dont jouissent certaines personnes, villes ou contrées, ces personnes ou les habitants de ces villes et contrées ont le droit de poursuivre ce commerçant pour concurrence déloyale ; cette protection vise tant le nom des personnes que le surnom que ces personnes auraient acquis. »
« Toute publicité comportant une comparaison entre les bières des parties en cause doit être considérée comme concurrence déloyale. »
Au cours de ce procès, la partie demanderesse (Abbaye d'Orval et Brasserie d'Orval) prétendait « ...que le mot “trappiste” est utilisé communément pour désigner une bière brassée et vendue par des religieux appartenant à l’ordre des Trappistes ou par des personnes qui auraient obtenu à cet effet l’autorisation de cet ordre », se positionnant uniquement sur la notion d'origine.
Le tribunal jugea pour sa part que « celui qui utilise le mot Trappist pour désigner une bière vise aussi bien une bière brassée par un religieux de l’ordre des Trappistes ou son agréé ; qu’une bière présentant certaines caractéristiques (à haute fermentation et teneur d’alcool) ; que Trappist est donc en même temps une dénomination d’origine et générique ; qu’il n’y a pas de motifs pour séparer l’origine du genre. »
Sans s'aligner strictement sur la définition proposée par la partie demanderesse, le tribunal reconnut que le mot « trappiste » désigne bien une bière brassée par des moines trappistes ou leurs agréés.
Il en résulta la condamnation de la brasserie de Veltem pour concurrence déloyale, celle-ci utilisant la dénomination Trappist pour sa bière Veltem Trappist. Les moines trappistes bénéficièrent dès lors d'une assise juridique solide pour faire respecter l'appellation qui était jusqu'alors utilisée par de nombreuses autres marques concurrentes[4].
De nos jours, l'Association internationale trappiste définit l'appellation « trappist(e) » comme étant une appellation d'origine, clairement distincte du logo Authentic Trappist Product.
Logo Authentic Trappist Product
Depuis 1997, afin de renforcer le caractère protecteur de l'appellation, certains critères ont été définis par l'Association internationale trappiste (AIT), en vue de délivrer un logo Authentic Trappist Product, garantissant le respect de certains critères spécifiques.
Cette bière doit être brassée à l'intérieur des murs d’une abbaye trappiste ou à proximité.
La brasserie doit refléter clairement tant un lien de subordination indiscutable avec le monastère Trappiste bénéficiaire que l'appartenance à la culture d'entreprise propre au projet de vie monastique. La bière doit être brassée et commercialisée par les moines trappistes ou sous leur contrôle.
Une partie des bénéfices est affectée à la subsistance des moines et à l’entretien du site de l’abbaye ; le reste est versé à des œuvres caritatives de la communauté monastique.
L'AIT précise également que « les brasseries trappistes respectent strictement toutes les normes en matière de sécurité, de santé et d’information du consommateur. De même, le style de la communication et la publicité se caractérisent par la probité, la sobriété et la réserve qui siéent à l’environnement religieux dans lequel les bières sont fabriquées. » Au-delà des trois critères, l'AIT porte donc son attention sur une certaine éthique de fabrication et de commercialisation, afin de délivrer le droit pour un produit trappiste d'arborer le logo.
Les autres bières s'inspirant des caractéristiques des bières trappistes les plus courantes (fermentation haute et degré d'alcool élevé) seront plutôt qualifiées de bière d'abbaye.
En Belgique, une vingtaine de ces bières d'abbaye comme l'Affligem, la Leffe ou la Grimbergen sont commercialisées sous le logo Bière belge d'Abbaye reconnue. Il existe de nombreuses autres bières dites "d'abbaye" brassées hors de Belgique (Mallersdorf, Andechs, Saint-Wandrille etc.).
Les bières trappistes sont donc brassées par des moines trappistes ou leurs agréés (autres moines ou civils), tandis que les bières d'abbaye sont aussi brassées par des civils ou des moines, mais sans lien avec une abbaye trappiste.
Certaines bières sont brassées occasionnellement ou produites en volume limité comme la « Chimay dorée », ou vendues uniquement à l'abbaye comme les trois bières de « Westvleteren ».
Certaines abbayes produisent une bière moins forte parfois connue sous le terme « single ». Cette production est à l'origine principalement destinée aux moines qui souhaitent avoir une bouteille avec leur repas comme l' « Orval Vert ». Les bières plus fortes (double, triple) peuvent être proposées les dimanches et autres jours religieux.
À noter que les bières trappistes sont — comme toutes les bières naturelles — évolutives dans le temps et gagnent à bénéficier d'un repos prolongé (jusqu'à plusieurs années) pour mieux en apprécier les saveurs complexes. Toutefois, dans le temps, la pétillance diminue jusqu'à disparaitre. On parle alors de « bière plate ». Le breuvage n'en reste pas moins consommable.
La Westvleteren, brassée à l'abbaye Saint-Sixte de Westvleteren[7], à Vleteren en Flandre-Occidentale. C'est une des plus petites brasseries trappistes. La Westvleteren est une bière rare car les moines de l'abbaye ont décidé de ne pas augmenter la production — 4 800 hectolitres[8] — malgré son succès. Ainsi, pour s'en procurer il faut réserver par internet puis se rendre à l'abbaye le jour de la sortie de la bière[8], même si quelques magasins spécialisés en vendent sans autorisation. Il en existe trois types : la blonde (5,8 %), et deux brunes (8 et 10,2 %)[9].
Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, l'abbaye a octroyé des licences de fabrication à la brasserie voisine de Watou pour la fabrication d'une gamme connue sous le nom de St. Sixtus destinée à des ventes plus commerciales. En 1992, l'abbaye Saint-Sixte a dénoncé ces licences et la brasserie Watou possède maintenant sa propre gamme : la St. Bernardus qui, bien que présentée comme une bière trappiste, n'en possède pas le label ATP.
La Chimay, brassée à l'abbaye Notre-Dame de Scourmont, dans la province de Hainaut, se décline en ambrée (capsulée rouge, 7 %), triple (capsulée blanche, 8 %), brune (capsulée bleue, 9 %) plus la Chimay bleue vieillie en barrique (10,5 %) et la dorée (capsulée dorée, 4,8 %). Elles sont usuellement appelées Chimay rouge, blanche, bleue et dorée. Cependant l'appellation « Chimay blanche » est peu utilisée et remplacée par « Chimay triple » pour éviter la confusion avec les bières blanches, populaires en Belgique. La « Chimay dorée » est historiquement réservée comme bière de table à la communauté monastique et ses hôtes. Son degré d'alcool est assez faible. Elle garde néanmoins les arômes d'une trappiste. Il existe aussi de nombreuses productions limitées pour des événements spéciaux, souvent en bouteille de 75 cl. Depuis le 1er mai 2021, les amateurs de bière ont l’occasion de découvrir la nouvelle trappiste de Chimay, la « Chimay 150 » capsule verte, 10 %, une bière blonde de caractère qui rejoint l’assortiment permanent de la brasserie.
La légende populaire raconte qu'une comtesse de Toscane ayant perdu un anneau d'or dans un lac de la "Vallée d'Or" déclara que si Dieu la lui rendait, elle le remercierait en construisant un monastère. C'est lorsqu'elle vit une truite sauter hors de l'eau avec l'anneau dans sa bouche qu'elle tint parole...
Comme pour toutes les trappistes, les secrets de fabrication sont bien gardés. Ce qui est certain, c'est que cette bière résulte d'une double fermentation et d'une levure spécialement préparée par les moines. Il existe une version plus légère appelée « Orval vert » réservée aux moines. La version en fût titre pour sa part 4,5 %.
L'Orval
La Rochefort, brassée à l'abbaye Notre-Dame de Saint-Rémy, dans la province de Namur qui existe en quatre versions : « 6 » (7,5 % - capsule rouge), « 8 » (9,2 % - capsule verte), « 10 » (11,3 % - capsule bleue), « Triple extra » (8,1% - capsule violet). La différence entre le chiffre et le pourcentage d'alcool s'explique par l'utilisation d'une ancienne unité de mesure d'alcool le (degré "Belge") qui exprime le centième de la gravité du moût avant fermentation.
Les trois Rochefort Trappistes
Achel : en janvier 2021 l'Achel a perdu son dénomination "Authentic Trappist Product" (ATP) mais restait néanmoins une bière trappiste. Le processus de brassage n'avait plus lieu sous la supervision de moines sur place, mais, comme l'abbaye Saint-Benoît (Sint Benedictus) relevait de l'abbaye de Westmalle, l'abbé de l'abbaye de Westmalle visitait l'Achelse Kluis chaque semaine et supervisait le brassage et d'autres activités dans l'Achelse Kluis[10]. En janvier 2023, l'Achel a perdu sa reconnaissance comme « bière Trappiste » car l'abbaye a été vendue à un particulier[11].
Localisation des 2 brasseries trappistes néerlandaises.
Aux Pays-Bas, existent également deux bières créées par des moines trappistes.
La Trappe, brassée à l'abbaye Notre-Dame de Koningshoeven, près de Tilbourg, en dix versions : la 'Blond' (6,5 % d'alcool) (la plus connue), la 'Dubbel' (7 %), la 'Tripel' (8 %), la 'Quadrupel' (10 %) (brune) et sa version 'Quadrupel Oak Aged' (10 %) (la bière est vieillie en barriques en bois), la ‘Witte Trappist’ (5,5 %) (la trappiste blanche), la ‘Bockbier’ (7,3 %) (bière bock, multicéréale), la ‘Isid'Or' (7,5 %) (ambrée), la ‘Puur' (4,7 %) (première bière trappiste biologique ) et la 'Nillis' (0 %) (première bière trappiste sans alcool).
Le statut de bière trappiste de la Trappe a été l'objet de controverses : depuis l'accord passé avec la brasserie Bavaria en 1999, les moines avaient demandé le retrait du logo Authentic Trappist Product. La mention trappistenbier a cependant toujours été légalement présente. Après de nombreuses discussions avec l'association trappiste internationale, l'abbaye de Tilbourg a obtenu de nouveau le droit, depuis septembre 2005, d'apposer le logo Authentic Trappist Product sur ses bières.
La France est le berceau de l'ordre trappiste, créé en 1892, mais dont les prémices remontent au XVIIe siècle en Normandie. La Révolution, qui poussa de nombreux religieux à s'exiler à l'étranger, ainsi que la Première Guerre mondiale, ont eu raison de nombreuses brasseries. Celle de l'abbaye de Sept-Fons a cessé son activité de brassage monastique au début du XXe siècle (le brassage séculier, sous couvert des brasseries de la Meuse, y cessa définitivement vers 1930). L'abbaye Sainte-Marie du Mont des Cats est une abbaye cistercienne qui a brassé de la bière de 1835 à 1905 environ. C'est par ailleurs de l'abbaye du Mont des Cats que sont originaires les fondateurs de l'abbaye Saint-Sixte de Westvleteren[14], où est brassée une bière trappiste réputée.
La Mont des Cats n'existe qu'en ambrée et titre 7,6 %.
La Mont des Cats
Autriche
Les bières produites par les moines trappistes de l'abbaye d'Engelszell dans le nord de l'Autriche sont officiellement reconnues depuis le [17] comme des produits trappistes authentiques, c'est-à-dire portant le logo Authentic Trappist Product délivré par l'Association internationale trappiste[18].
L'Engelszell se décline en cinq versions, la brune 'Gregorius', l'ambrée 'Benno', la blonde 'Nivard', la blanche 'Weiße' et une blonde de type kellerbier 'Zwickl'.
Italie
Le [19], l'appellation ATP est accordée à la Tre Fontane Tripel (8,5 %), une bière produite par l'abbaye de Tre Fontane (sud de Rome). La production sera limitée à 1 000 hectolitres par an. En 2018 vient s'ajouter la Scala Coeli (6,3 %)[13].
Angleterre
Le [19], l'appellation ATP est accordée à la Tynt Meadow (7,4 % - brune), une bière produite par l'abbaye de Mount Saint Bernard (Leicestershire)[13].
Espagne
Cerveza Cardeña Trappist est la bière Trappiste espagnole, de l’abbaye de San Pedro de Cardeña, mais ne possède pas le logo ATP[5].
Liste des quarante-neuf types de bières trappistes ATP
Depuis 2018, avec l'admission de la bière anglaise "Tynt Meadow"[13], les marques de bière trappiste ayant obtenu le label officiel Authentic Trappist Product (ATP) sont au nombre de onze : cinq belges, deux néerlandaises, une autrichienne, une américaine, une italienne et une anglaise (cf. tableau ci-dessous, par ordre alphabétique). Les onze abbayes détentrices de ces onze marques produisent au total quarante-neuf types de bière.
La trappiste française Mont des Cats ainsi que la Cerveza Cardeña Trappist (Espagne) n'entrent pas dans ce tableau car elles ne possèdent pas le logo ATP, pour les raisons expliquées dans cet article.
La Achel Trappist n'entre pas dans ce tableau car elle ne possèdent plus le logo ATP depuis janvier 2022. Fin janvier 2023, elle n'est plus une bière trappiste (voir plus haut).
Le 14 mai 2022, l'abbaye Saint-Joseph (États-Unis) annonce la fermeture de sa brasserie. Ceci met fin à la première et unique brasserie trappiste hors d'Europe[22].