Fils du lieutenant de vaisseau Claude Théodore Faullain de Banville et de Zélie Huet, Théodore de Banville a fait ses études au lycée Condorcet à partir de 1830. Encouragé par Victor Hugo et par Théophile Gautier, il se consacra à la poésie, et fréquenta les milieux littéraires parmi les plus anticonformistes. Il méprisait la poésie officielle et commerciale, fut l’adversaire résolu de la nouvelle poésie réaliste et l’ennemi de la dérive larmoyante du romantisme.
Il collabore aussi comme critique dramatique et chroniqueur littéraire aux journaux le Pouvoir (1850), puis le National (1869) ; il devient une figure très importante du monde littéraire et participe à la Revue fantaisiste (1861), où se retrouvent les poètes qui furent à l’origine du Parnasse et de tous les mouvements de ce siècle.
Il rencontre Marie-Élisabeth Rochegrosse (1828-1904)[2] en 1862 (ils se marieront treize ans plus tard, le ), et organise la première représentation de Gringoire en 1866. Il publie Les Exilés en 1867, recueil qu’il dédie à sa femme et qu’il considéra comme le meilleur de son œuvre. Il adopte son beau-fils, Georges-Antoine Rochegrosse, et contribue à la culture littéraire et artistique de celui qui deviendra un des peintres les plus en vue de la IIIe République.
Le 2 septembre 1867, il a fait l'éloge de Baudelaire sur sa tombe au cimetière du Montparnasse (6e division), en présence de moins de cent personnes. Banville s'est aussi occupé, avec Asselineau, de la troisième édition des Fleurs du mal de Baudelaire.
En 1870, Arthur Rimbaud, âgé de 16 ans, initié à la poésie de son temps par la revue collective Le Parnasse contemporain, lui envoie une lettre (datée du ), en y joignant plusieurs poèmes (Ophélie, Sensation, Soleil et chair), dans l’espoir d'obtenir son appui auprès de l’éditeur Alphonse Lemerre. Banville répond à Rimbaud, mais les poèmes ne sont pas publiés.
En novembre 1871, Théodore de Banville héberge Arthur Rimbaud, mais dès le mois de mai, ce dernier dans ses lettres dites « du voyant » exprime sa différence et, en , dans son poème parodique Ce qu'on dit au poète à propos de fleurs, exprime une critique ouverte de la poétique de Banville.
En 1872, avec son Petit Traité de poésie française, Banville rompt avec le courant symboliste.
Il publie presque une œuvre par an tout au long des années 1880.
Il meurt à Paris le , la veille de ses 68 ans, peu après la publication de son seul roman, Marcelle Rabe. Il est inhumé au cimetière du Montparnasse (13e division).
Appréciation
Théodore de Banville a particulièrement travaillé, dans son œuvre, les questions de forme poétique[3], et a joué avec toutes les richesses de la poésie française. Il lui a été reproché d'avoir manqué de sensibilité et d'imagination, mais son influence salutaire permit à de nombreux poètes de se dégager de la sensiblerie mièvre qui survivait au véritable romantisme.
Théodore de Banville unit dans son œuvre le romantisme et le parnasse, dont il fut l’un des précurseurs. Il professait un amour exclusif de la beauté et la limpidité universelle de l’acte poétique, s’opposant à la fois à la poésie réaliste et à la dégénérescence du romantisme[4], contre lesquels il affirmait sa foi en la pureté de la création artistique.
Œuvre
Proses et poésies
Les Cariatides, poésies, 1842
Querelle, poésie, Roses de Noël
Les Stalactites, poésies, 1846
Odelettes, poésies, 1856
Odes funambulesques et Le Sang de la Coupe, poésies, 1857. Ces recueils lui apportent la consécration et marquent une évolution vers plus de souplesse et de charme.
Esquisses parisiennes, poésies, 1859
Améthystes, poésies, 1863
La Mer de Nice - Lettres à un ami, Poulet-Malassis, 1865
Les Camées parisiens, 1866 (en trois séries indépendantes, parues séparément, à petit nombre, entre 1866 et 1873 chez René Pincebourde)
Les Exilés, poésies, 1867
Nouvelles odes funambulesques, poésies, 1869
Idylles prussiennes, 1870-1871
Petit traité de poésie française, 1871. Texte à partir duquel il se détourne peu à peu de la poésie contemporaine à la suite d'un violent désaccord avec le symbolisme.
Théophile Gautier, ode, 1872
Trente-six Ballades joyeuses, 1873
Rondels composés à la manière de Charles d'Orléans et Les Princesses, sonnets, 1874
Les Occidentales et Rimes dorées, 1875
Roses de Noël, 1878
Contes pour les Femmes, 1881
Contes féeriques, 1882
Mes souvenirs, 1882
Petites Études : La Lanterne magique, G. Charpentier, éditeur, 1883
Gringoire, comédie historique, Théâtre Français, . Dédiée à Victor Hugo, qui avait mis en scène un jeune poète dans Notre-Dame de Paris, publié en 1899 à la librairie Conquet-Carteret et Cie, 1899, avec des illustrations de Jacques Clément Wagrez.
Moulins, sa ville natale, lui a dédié une avenue, ainsi qu'un parc (près de la gare) où trône sa statue de bronze, œuvre du sculpteur Jean Coulon. Le plus ancien lycée de la ville porte son nom.
Un square est dédié à Théodore de Banville dans le quartier du port de Nice, face à la mer. Citation gravée dans la pierre du square : « Les villes ont leur destinée écrite et le sort de Nice est de régner sans partage parmi ces filles de la Méditerranée qui sont vêtues de flots transparents et de roses fleuries. »
↑Marie-Élisabeth Rochegrosse, née Bourotte, est la mère du peintre Georges-Antoine Rochegrosse. Son premier mari, Jules Jean Baptiste Rochegrosse, meurt en 1874.
↑Dans la préface de son Anthologie de la Poésie Française, Gide cite une phrase de Banville qui lui semble une définition parfaite de ce qu'est la poésie : « cette magie, qui consiste à éveiller des sensations à l'aide d'une combinaison de sons… cette sorcellerie grâce à laquelle des idées nous sont nécessairement communiquées, d'une manière certaine, par des mots qui cependant ne les expriment pas. »
↑On reprochait à l'époque à Alphonse de Lamartine d'engager le romantisme sur la voie de la mièvrerie.
↑Histoire d'Édouard Manet et de son œuvre par Théodore Duret.
Œuvres poétiques complètes, Édition critique publiée sous la direction de Peter J. Edwards, Éditions Honoré Champion, en 9 volumes :
Les Cariatides, textes établis, notices, variantes et notes par Peter S. Hambly, préface à l’édition critique par Edgard Pich, 2000 (ISBN978-2-7453-0352-3)
Odes funambulesques, édition critique par Peter J. Edwards, 1995 (ISBN978-2-85203-420-4)
Les Exilés. Améthystes. Les Princesses, édition critique par François Brunet et Eileen Souffrin-Le Breton 1994 (ISBN978-2-85203-343-6)
Occidentales. Rimes dorées, textes établis, notices, variantes et notes par Peter J. Edwards, 1998, TLMC 25, 560 p. (ISBN978-2-85203-900-1)
Idylles prussiennes ; Trente-six ballades joyeuses ; Rondels ; Roses de Noël, édition critique par Ph. Andrès et R. Lloyd, 1999 (ISBN978-2-7453-0102-4)
Nous tous. Sonnailles et clochettes, édition critique par Peter S. Hambly, 1997 (ISBN978-2-85203-690-1)
Dans la Fournaise, texte établi, notice, variante et notes par Peter S. Hambly, poèmes non recueillis et inédits, 2001 (ISBN978-2-7453-0438-4)
Compléments. Poèmes et manuscrits retrouvés, réception critique de l'œuvre poétique, texte établi, variantes et notes par Peter J. Edwards et Peter S. Hambly, 2009 (ISBN978-2-7453-1876-3)
Lettres à Auguste Poulet-Malassis, établissement du texte et annotation par Peter J. Edwards, avec la participation de Peter S. Hambly, introduction par Eileen Souffrin-Le Breton, Éditions Honoré Champion, 2006 (ISBN978-2-7453-1235-8)
Critique littéraire, artistique et musicale choisie, Tome I : Poésie et poètes, beaux-arts, musique. Tome II : Romanciers, prosateurs, théâtre, préfaces et lettres, choix de textes, introduction et notes par Peter J. Edwards et Peter S. Hambly, Éditions Honoré Champion, 2003, 2 vol (ISBN978-2-7453-0783-5)
Études
Philippe Andrès, Théodore de Banville. Un passeur dans le siècle, Éditions Honoré Champion, 2009 (ISBN978-2-7453-1816-9).
Raymond Lacroix, Théodore de Banville. Une famille pour un poète, éd. Pottier, Moulins, 1990
Raymond Lacroix, La saga d'un Banville au XIXe siècle, éd. Pottier -CSP, Creuzier-le Vieux, 2007
Philippe Andres, La femme et ses métamorphoses dans l'œuvre de Théodore de Banville, Éditions Honoré Champion, 1994
Jean-Pierre Bertrand, « La poétique du fil : Odes funambulesques de Théodore de Banville », Études françaises, vol. 43, no 2, , p. 73-83 (lire en ligne)
Barbara Bohac, « Poésie lyrique et caricature dans les Odes funambulesques de Théodore de Banville », Études françaises, vol. 51, no 3, , p. 27-52 (lire en ligne)
Barbara Bohac, « Satire politique et culture médiatique dans Idylles prussiennes de Théodore de Banville », Études françaises, vol. 59, no 2, , p. 85–115 (lire en ligne)