Le soulèvement du ghetto de Varsovie est une révolte armée, organisée et menée par la population juive du ghetto de Varsovie contre les forces d'occupation allemandes entre le et le . C'est l'acte de résistance juive pendant la Shoah le plus connu et le plus commémoré[1].
Histoire
Le débute la Grande Action : les Allemands commencent à déporter les Juifs au camp d'extermination de Treblinka[2]. Début , les autorités allemandes décident d’accélérer la déportation de la population civile du ghetto vers les camps d'extermination afin de le « liquider » définitivement. Dans le cadre de l'Aktion Reinhard, la population du ghetto est en effet déjà passée de 450 000 à environ 70 000 personnes.
Le , ces deux groupes s'opposent par la force à une nouvelle vague de déportation. Après quatre jours de combats de rue, le ghetto est paralysé et les déportations suspendues.
Heinrich Himmler donne donc l'ordre à son représentant en Pologne, le Höhere SS- und Polizeiführer (HSSPf) Friedrich-Wilhelm Krüger, dans une lettre du , de détruire complètement le ghetto. Il écrit : « Pour des raisons de sécurité, j'ordonne que le Ghetto de Varsovie soit détruit (…), après que tous les éléments de maisons ou les matériaux ayant de la valeur ont été récupérés[4] ». Le , la police allemande et les forces SS entrent dans le ghetto sous le commandement du SS-OberführerFerdinand von Sammern-Frankenegg afin de faire reprendre les déportations. Bien qu'équipés de chars, d'artillerie et de lance-flammes, les quelque 2 000 policiers et SS rencontrent une très vive résistance et le plan prévoyant la maîtrise complète du ghetto en trois jours est un échec complet[5].
Aussi Ferdinand von Sammern-Frankenegg est-il remplacé par Jürgen Stroop, qui met quatre semaines à anéantir le ghetto, en recevant chaque jour ses ordres du HSSPf Friedrich-Wilhelm Krüger et de Himmler en personne. Krüger lui recommande ainsi de faire exploser la synagogue de Varsovie[6]. Les forces juives polonaises alignent 400 insurgés du ŻZW conduits par Dawid Moryc Apfelbaum et Paweł Frenkel et environ 500 combattants de la ŻOB (Organisation juive de combat) sous les ordres de Mordechaj Anielewicz. La résistance polonaise non juive, c'est-à-dire l'Armée Intérieure polonaise (Armia Krajowa, AK) fournit quelques hommes, mais aussi des armes[5]. Marek Edelman, seul commandant survivant de l'insurrection, donne un nombre de combattants plus restreint : « Je me souviens d'eux tous, des garçons et des filles, 220 au total », âgés de 13 à 22 ans[7].
Marek Edelman a 24 ans lorsqu'il prend le commandement de l'un des trois groupes de combattants, constitué de cinquante insurgés[7]. Après la mort des premiers dirigeants et le suicide de Mordechaj Anielewicz le , c'est lui qui dirige l'insurrection. Ayant survécu aux combats, il participe l'année suivante à l'Insurrection de Varsovie.
La nourriture manquait terriblement. Marek Edelman indique : « nous ne mourions pas de faim. On peut vivre pendant trois semaines simplement avec de l'eau et du sucre », que lui et ses hommes trouvaient chez ceux qui avaient été déportés[7].
Durant les combats, environ 7 000 résidents du ghetto ont été tués, 6 000 ont été brûlés vifs ou gazés durant la destruction totale du quartier, les Allemands déportèrent les survivants, afin de les faire mourir, dans les camps d'extermination de Treblinka et Majdanek et dans les camps de concentration de Poniatowa et de Trawniki.
Le , le soulèvement est écrasé.
Après la destruction des états-majors de la ŻOB et de la ŻZW et la chute du ghetto, de petits groupes de survivants continuent la lutte armée dans les ruines jusqu'au mois de . Certains groupes de combattants parviennent également à sortir du ghetto et continuent la lutte, rejoignant les partisans dans les forêts de la région.
Conséquences
Les conséquences morales et historiques de l'insurrection du ghetto de Varsovie furent importantes. La résistance dépassa les prévisions allemandes, même si l'issue était certaine au vu du déséquilibre des forces. Izrael Chaim Wilner (dont le pseudonyme était Jurek), soldat de la ŻOB, a résumé le sens de ce combat en ces termes : « My nie chcemy ratować życia. Żaden z nas żywy z tego nie wyjdzie. My chcemy ratować ludzką godność » (« Nous ne voulons pas sauver notre vie. Personne ne sortira vivant d'ici. Nous voulons sauver la dignité humaine »). Elle remet aussi en cause le cliché et stéréotype raciste du Juif passif[8].
La plus célèbre photographie du ghetto de Varsovie est celle représentant un groupe de femmes et enfants juifs poussés hors de leur cachette par les soldats allemands en 1943, pour être envoyés à Treblinka[9]. Y sont reconnaissables[10],[11],[12] :
le garçon au premier plan, qui est peut-être Artur Dab Siemiatek, ou bien Levi Zelinwarger (près de sa mère Chana Zelinwarger), ou encore Harry-Haim Nieschawer ou enfin Tsvi Nussbaum ;
Chana Zelinwarger, avec la tête tournée, deux sacs aux bras et les mains levées ;
Hannah (Hanka) Lamet, la petite fille à gauche qui lève la main (assassinée à Majdanek) ;
Matylda Lamet Goldfinger, la mère de Hanka, deuxième en partant de la gauche ;
Ahron Leizer (Leo) Kartuziński (ou Kartuzinsky) de Gdańsk, en arrière plan avec un sac blanc sur l'épaule ;
Golda Stavarowski, la première femme à droite, au fond, qui ne lève qu’une main ;
Cette photographie est notamment récupérée dans deux œuvres d'art controversées juxtaposant le soulèvement du ghetto de Varsovie avec la souffrance palestinienne, l'une par Alan Schechner en 2003 intitulée L'Héritage des enfants victimes de mauvais traitements : de Pologne en Palestine[14] et l'autre par Norman G. Finkelstein en 2009 avec le sous-titre « Les petits-enfants des survivants de l'Holocauste font aux Palestiniens exactement ce qui leur a été fait par les nazis allemands »[15].
Bibliographie
Michel Borwicz, L'Insurrection du ghetto de Varsovie, Paris, Julliard, collection « Archives », 1966.
(pl) Dariusz Libionka, Laurence Weinbaum (2011), Bohaterowie, hochsztaplerzy, opisywacze, Varsovie, Stowarzyszenie Centrum Badań nad Zagładą Żydów (ISBN978-83-932202-8-1).
Femmes du ghetto présentées par les Allemands comme des combattantes du HeHalutz (« Pionniers », une organisation de jeunesse sioniste fondée en 1905).
Photographie (Agfacolor) du soulèvement du ghetto de Varsovie par Zbigniew Borowczyk[16].
Notes et références
↑Georges Bensoussan (dir.), Jean-Marc Dreyfus (dir.), Édouard Husson (dir.) et al., Dictionnaire de la Shoah, Paris, Larousse, coll. « À présent », , 638 p. (ISBN978-2-03-583781-3), p. 462.
↑(pl) Władysław Bartoszewski et Zofia Lewinówna, Ten jest z ojczyzny mojej : Polacy z pomocą Żydom 1939-1945, Cracovie, Wydawnictwo Znak, (ISBN978-83-240-2790-3), p. 98.
↑(de) Tatiana Berenstein (éd.), Faschismus – Getto – Massenmord. Dokumentation über Ausrottung und Widerstand der Jugen in Polen während des zweiten Weltkrieges, Röderberg-Verlag, Frankfurt-am-Main, 1960, page 349.
↑(en) Celina Jeffery et Gregory Minissale, Global and Local Art Histories, Cambridge Scholars Publishing, , 295 p. (ISBN978-1-4438-0730-2, lire en ligne), p. 284 & ss.
↑(en) Michael Rothberg, « FROM GAZA TO WARSAW: MAPPING MULTIDIRECTIONAL MEMORY », Criticism, vol. 53, no 4, , p. 523–548 (ISSN0011-1589, lire en ligne, consulté le )
↑(pl) « Szymon Pietrzykowski: Wielkopolscy Żydzi, uczestnicy powstania w getcie warszawskim – Abraham Eger/Ajger i Abraham Diamant », Institut de la mémoire nationale, 2023 (lire en ligne).