La Société des gens de lettres (SGDL)[1] est une associationfrançaise de promotion du droit et de défense des intérêts des auteurs. Elle a été fondée à Paris le , sur une idée de Louis Desnoyers, soutenue par Honoré de Balzac et un comité d'écrivains. C'est une association privée reconnue comme établissement d'utilité publique par décret en date du .
Son siège est situé, depuis 1928, à l'hôtel de Massa à Paris.
Les premières réunions se tiennent soit en des restaurants qui disposent de salles — ainsi, en , c'est le traiteur Lemardeley, rue de Richelieu, qui accueille l'assemblée générale et les discussions portent sur les journaux qui reproduisent sans autorisation des textes —, soit au 21, rue de Provence, adresse qui semble être celle du premier siège, en tous les cas où réside Pommier[3]. Les réactions du monde des lettres ne tardent pas, la plus virulente émane du critique Jules Janin[6]. Il faut dire qu'en 1839, la Société, qui ne dispose que d'une trésorerie ridicule[5], se lance dans un programme éditorial ambitieux, envisageant la publication de nouvelles, en douze volumes, sorte de recueils collectifs composés à partir de textes écrits par les sociétaires. Le problème est que ces publications, pourtant vendues, ne donnent droit à aucune rétribution. En quelques mois, les dessinateurs des vignettes prévues refusent à ce titre de livrer leurs travaux[7],[8].
Alexandre Dumas père devient brièvement le troisième président le et fait immédiatement campagne en faveur de la propriété littéraire et des droits des auteurs. Cette année-là paraît Babel chez Jules Renouard[9], qui est la première publication périodique officielle de la Société. Le premier numéro, qui contient comme prévu des nouvelles, s'ouvre par une introduction que Jules Claretie[5] estime écrite par Balzac et qui se termine par ces mots :
« L'esprit de corps rehausse l'individu, en ajoutant à sa responsabilité personnelle une responsabilité collective. Il est temps, pour tout le monde, de compter avec l'intelligence qui n'a jamais su compter avec personne. »
De 1841, année où démissionne Balzac pour « inefficacité de la Société » à 1869, le siège de la SGDL se situe 14, cité Trévise. En , la SGDL prévoit outre une caisse de secours pour venir en aide à ses sociétaires dans le besoin ainsi qu'une assistance juridique, de rendre hommage aux écrivains décédés et injustement calomniés : ainsi fut fait de Marie-Joseph Chénier, dans une ambiance où grondait l'esprit républicain[10]. Deux ans plus tard, le bibliophile Jacob, et néanmoins sociétaire, rappelait, non sans humour, que Narcisse-Achille de Salvandy, ministre de l'Instruction publique mais également sociétaire, versait à la dite caisse, la somme de 2 000 francs[11]. Année faste, qui permet l'édition d'un Bulletin mensuel qui va durer jusqu'en [12].
En 1847, est fondé le Cercle de la librairie (Paris) qui tente de devenir un interlocuteur de la SGDL, entre autres sur les questions de droits à l'international.
Émile Zola est admis, en qualité de sociétaire, le et est élu au comité le lendemain. Le , il est élu président de la SGDL. Alexandre Dumas avait, dès le lendemain de la mort de Balzac, tenté de lancer une souscription en faveur d'une sculpture. Échec. Quand Zola arrive à la Société, il relance l'idée en contactant le sculpteur Henri Chapu, qui meurt quelques jours plus tard. Il est donc décidé que ce sera Auguste Rodin qui réalisera une statue de Balzac, Rodin que l'on cherche à convaincre par le biais de Frantz Jourdain ; en juillet, il accepte.
En , le comité revient consterné d'une visite à l'atelier de Rodin dont le retard est jugé considérable. Zola lui obtient un délai supplémentaire de deux ans. Rodin s’attelle enfin à de multiples études, et fait finalement le choix de représenter l’auteur dans sa robe de moine dominicain qu’il revêtait pour écrire. Un an plus tard, une nouvelle commission de la SGDL, venue constater l'avancée du projet, juge l'œuvre du sculpteur « artistiquement insuffisante », la considérant comme « une masse informe, une chose sans nom, un colossal fœtus[13] ». C'est ce qui entraîne la démission de Zola. Les choses se calment, Zola est réélu membre du Comité de la SGDL le puis à nouveau président le . Il exerce son dernier mandat au comité exécutif le . Le plâtre du Balzac de Rodin, présenté au Salon de la Société nationale des beaux-arts en , déchaîne un torrent de propos haineux. Il fallut attendre 1939 pour que le bronze soit enfin fondu et érigé boulevard Raspail[14].
Question des femmes
L'accès des femmes au comité exécutif de la SGDL fut laborieux. En 1846, on compte sur près de 300 membres, seulement 20 femmes[3].
Des écrivaines tentèrent, au tout au long du XIXe siècle, d'être élues, mais leurs échecs ne sont pas dus aux « indélicatesses » de George Sand : juste après la mort de cette dernière, la SGDL est la première à lancer une souscription pour élever un monument en son honneur. Membre à part entière dès ses origines, George Sand, cependant, avait mis la société dans une situation très étrange, en 1849 : L’Écho des feuilletons, alors dirigé par M. Dufour, avait reproduit La Mare au diable. L’Écho des feuilletons se croyait dans son bon droit, en vertu de traités passées avec la Société, qui autorisaient les journaux à reproduire toute nouvelle ayant moins de 100 000 lettres, même sans la permission de l’auteur. Or La Mare au diable, qui ne se vendait pas[15], excédait de quelques centaines de lettres, les 100 000 fixées par le traité. Ainsi L’Écho des feuilletons était-il dans son tort.
Aussi George Sand et l'éditeur Casimir Delavigne firent-ils à la Société un procès qu’elle gagna, et la Société fut condamnée à lui payer 3 000 francs de dommages-intérêts qu’elle n’avait pas. Cependant les poursuites continuèrent au nom de George Sand ; le jugement fut signifié et, deux jours plus tard, on allait saisir le mobilier des bureaux, qui n’eût pas produit cent écus à la vente, mais c’était le seul bien de la Société. On recourut au baron Taylor, et les 3 000 francs furent envoyés sans retard aux hommes d’affaires de George Sand, en attendant un hypothétique remboursement de Sand[16]. L'ironie de l'histoire est que le journal en question était dirigé par M. Pommier [?], agent de la SGDL chargé lui-même de négocier ce genre de droits de reproduction[17],[18].
Il est juste en revanche de signaler qu'il fallut attendre l'élection de MmeDaniel Lesueur en 1907 pour qu'un tel événement advienne. Non seulement celle-ci accède aux fonctions de secrétaire en 1907-1908 (présidence de Victor Margueritte) puis de vice-présidente en 1908-09, 1909-10 et 1913-14 (présidence de Georges Lecomte), mais c'est encore elle qui présidera — de 1913 à sa mort — une œuvre philanthropique qui existe toujours : le « Denier des veuves de la SGDL ». Ce fut la fin de l'ostracisme qui visait les femmes de lettres. D'autres élues suivront, telles MmeJean Dornis (présidente active du Denier des veuves de la SGDL, de 1922 à 1928), Lya Berger (rapporteur en 1921-22 sous la présidence d'Edmond Haraucourt), Jeanne Landre (seconde femme vice-présidente en 1925-1926, et à nouveau en 1935-1936). Camille Marbo devient la première femme présidente en 1937, réélue en 1938 et 1946. Ces dernières années sont marquées par les présidences de Régine Deforges (élue en 1989) et Marie Sellier (élue en 2014).
En 2021, le Comité compte 14 femmes et 10 hommes[19]. En 2023, à la suite des élections du Comité et de la tenue de l'assemblée générale, le Comité compte 13 femmes et 11 hommes[20].
La SGDL occupe l'hôtel de Massa depuis [21] : c'est une construction du XVIIIe siècle de style classique qui a eu l'étrange destin d'avoir été déplacé pierre par pierre en 1928, de son emplacement d'origine, sur les Champs-Élysées, à son emplacement actuel, au bout du jardin de l'Observatoire de Paris, 38 rue du Faubourg-Saint-Jacques, dans le 14e arrondissement à Paris.
Eugène Atget, Hôtel Thiroux de Montsauge dit hôtel de Massa, siège de la Société des gens de lettres, 1906. L'hôtel à son emplacement d'origine sur les Champs-Élysées à Paris, avant son déplacement.
La SDGL est, en France, la seule association d'auteurs gérée par des auteurs, dont la vocation est de défendre le droit moral, les intérêts patrimoniaux et le statut juridique et social de tous les auteurs de l'écrit. Elle exerce une action de vigilance, de réflexion et de proposition de lois et avantages nouveaux au bénéfice de la communauté des auteurs. Elle propose ainsi aux auteurs un service de protection de leurs idées par un dépôt des manuscrits qui leur garantit l'antériorité.
Dirigée par un comité bénévole de vingt-quatre écrivains, elle est présidée, depuis le , par Christophe Hardy[22]. Patrice Locmant en est le Directeur général depuis le 8 janvier 2019.
La SGDL exerce également un rôle international, défendant les droits et le statut des auteurs dans différentes instances européennes.
Membres
Pour faire partie de la Société, il faut être auteur d'œuvres écrites, qu'elles soient littéraires, radiophoniques ou même multimédia, à condition qu'elles aient fait l'objet d'un contrat (les éditions à compte d'auteur ne sont pas prises en compte). La SGDL propose à ses membres des bureaux d'aide sociale, d'aide juridique et un service de dépôt des œuvres afin d'en garantir l'antériorité en cas de litiges. Elle organise chaque année diverses manifestations culturelles et l'attribution d'un certain nombre de prix à des œuvres publiées à compte d'éditeur, pour un montant de 75 000 euros.
Les membres sont composés de « stagiaires », d'« adhérents » et de « sociétaires ». La qualité de « stagiaire » requiert un livre édité en volume à l'exclusion des éditions à compte d'auteur. La qualité d’« adhérent », trois livres ; la qualité de « sociétaire » est conditionnée par la publication de six livres édités en volumes pour lesquels l’auteur est rémunéré selon le même principe que les catégories précitées[23].
Actions
Droits numériques des auteurs
L’enjeu des années futures est le passage à la numérisation. La SGDL n’a pu obtenir satisfaction dans ses discussions avec le Conseil permanent des écrivains et le Syndicat national de l'édition sur le « contrat séparé », la durée limitée et la rémunération des auteurs. Depuis l’automne 2011, elle travaille en lien avec le professeur Jean-François Sirinelli sur une adaptation indispensable du contrat d’édition à l’univers numérique. N’ayant pu obtenir satisfaction, la SGDL a, en quelque sorte, devancé les accords en communiquant aux auteurs des recommandations pour la négociation des droits numériques[24].
Prix des livres numériques
La SGDL s’est montrée favorable à la loi du qui permet de garantir une assiette fixe pour le calcul des droits des auteurs, et d’assurer la diversité de l’édition et de la création à condition que les librairies puissent jouer un rôle essentiel dans l’univers numérique. En outre, l’article 5 bis garantit dans le contrat d’édition une rémunération « juste et équitable » pour les auteurs et une reddition des comptes « explicite et transparente » lors de l’exploitation numérique de leurs livres.
Exploitation numérique des livres indisponibles
La SGDL, avec le Syndicat national de l'édition (SNE), le ministère de la Culture, le Commissariat général à l’investissement et la Bibliothèque nationale de France, essaie de trouver un terrain d’entente sur la numérisation et l’exploitation numérique des livres indisponibles du XXe siècle. La SGDL confirme son accord à la seule condition que les auteurs puissent refuser, sans justification, la mise en ligne, et que ceux-ci soient rémunérés.
Alors que la SGDL affirme que cette loi est conforme au droit d'auteur[25], certains estiment qu'elle le contredit sur de nombreux points[26].
Depuis le , par arrêté ministériel[27], la Sofia s'est vu confier la gestion des livres indisponibles tels que la loi les a définis[28].
Formation continue des auteurs
Il est question de mettre en place une formation continue pour les artistes auteurs en . La SGDL, tout en ne remettant pas ce projet en cause, insiste sur la nécessité que la charge financière incombant aux auteurs soit supportable pour tous. Elle propose que le taux de la cotisation prélevée sur les droits d’auteur, prévu à 0,45 %, soit ramené à 0,35 %. Par ailleurs, cette formation ne saurait concerner que les affiliés dans la mesure où la cotisation est exigée de tous.
Reddition des comptes
Dans le cadre d’un travail commun entre la SGDL et le SNE a été établi un document commun relatif à la reddition des comptes[29],[30]. En cas de litige, les auteurs et leurs éditeurs disposent désormais d’un document commun validé par le SNE.
Prix Révélation (quatre prix pour récompenser des nouveaux talents littéraires).
Grand Prix SGDL du premier roman.
Prix du Premier recueil de nouvelles.
Prix Révélation de poésie.
Prix André-Dubreuil du premier roman.
Anciens prix
Prix Balzac, créé en 1901, doté par un éditeur de Chicago ayant publié les œuvres complètes de Honoré de Balzac ; attribué jusqu'au début des années 1930[32].
Prix Maurice-Edgar-Coindreau de traduction de l'américain.
Prix Paul-Féval de littérature populaire ;
Prix de poésie Charles-Vildrac, créé en 1973.
Notes et références
Sources
Un certain nombre de dossiers de membres de la Société des gens de lettres sont conservés aux Archives nationales sous la cote 454AP[33].
Notes et références
↑Le Petit Larousse (2009) a une entrée (classée à la lettre G) intitulée « gens de lettres (Société des) [SGDL] ». Le Dictionnaire Hachette (2009) a une entrée (classée à la lettre S) intitulée « Société des Gens de Lettres (SGDL) ». Le Robert encyclopédique des noms propres (2009) a une entrée (classée à la lettre G) intitulée « Gens de lettres (Société des) [SGDL] ».
↑ abcd et eAchile Comte, « Historique, règlement et liste des membres de la SGDL », Annuaire des sociétés savantes, Paris, Victor Masson, , p. 197-214 (lire en ligne, consulté le ).
↑ abc et dJules Claretie, « La Vie à Paris : Le Déménagement de la Société des gens de lettres - Le présent et le passé », Le Temps, Paris, no 8934, , p. 2 (lire en ligne sur Gallica, consulté le ).