La rue Saint-Denis, située dans les 1er, 2e et 10e arrondissements de Paris, est l'une des plus anciennes rues de la ville : son axe est tracé dès le Ier siècle par les Romains. Il s'agit de la voie triomphale des entrées royales dans la capitale.
Cette voie est ainsi nommée car c'est la route qui conduit directement du pont au Change à la ville de Saint-Denis, où était située la nécropole des rois de France, et dont elle a pris le nom.
Historique
C'est au bord de ce chemin qui conduisait à l'ancien Catalocum, nommé depuis Saint-Denis, parce que ce saint vint prêcher la foi chrétienne dans les Gaules vers l'an 245 et y fut inhumé, qu'ont vraisemblablement été construites les premières maisons des Parisiens lorsqu'ils commencèrent à sortir de leur île du côté nord.
Moyen Âge
C'était par la rue Saint-Denis que les rois et les reines entraient solennellement dans Paris. Toutes les rues, sur leur passage, jusqu'à la cathédrale, étaient tapissées d'étoffes de soie et de draps camelotés. Des jets d'eau de senteur embaumaient l'atmosphère. Le vin, l'hypocras, et le lait coulaient de toutes les fontaines.
Froissard nous apprend qu'à l'entrée d'Isabeau de Bavière, il y avait à la porte aux Peintres, rue Saint-Denis, « un ciel nué et étoilé très richement, et Dieu par figure séant en sa majesté le Père, le Fils et le Saint-Esprit, et dans ce ciel, petits enfants de chœur chantoient moult doucement en forme d'anges ; et lorsque la reine passa dans sa litière découverte, sous la porte de ce paradis, deux anges descendirent d'en haut, tenant en leur main une très riche couronne d'or, garnie de pierres précieuses, et la mirent moult doucement sur le chef de la reine en chantant ces vers[1] : “Dame enclose entre fleurs de lys, / Reine êtes-vous de Paradis ? / De France et de tout le pays, / Nous remontons en Paradis” ».
La partie entre la place du Châtelet et la rue de la Ferronnerie, c'est-à-dire ce qui était compris de cette rue dans la seconde enceinte de Paris se nommait en 1284 « rue de la Sellerie-de-Paris » ; en 1293, « rue de la Sellerie-de-la-Grand'rue » ; en 1310, « Grand'rue de Paris » et, en 1311, « Grand'rue des Saints-Innocents » car elle conduisait directement à l'église des Saints-Innocents. Elle a ensuite porté les noms de « Grant chaussée de Monsieur », « Grant chaussée de Monseigneur Saint-Denis », « Grant chaussiée de Monsieur Saint-Denis », « Grand'rue Saint-Denis » et enfin « rue Saint-Denis[2],[1] ». Le nom de « Grant-Chaussiée-Monsieur-Denis » et de ses dérivés est dû au pèlerinage au tombeau de saint Denis mis à l'honneur au Ve siècle par sainte Geneviève[3].
Par une extension nouvelle de Paris sous le règne de Louis XIV, la rue Saint-Denis était bâtie dans sa totalité, telle qu'elle est aujourd'hui.
Au début des guerres de religion habitait au no 31 de cette rue un riche marchand, Philippe de Gastine, que le parlement condamna pour avoir secrètement fait un temple protestant de sa maison qui fut rasée et remplacée par un monument expiatoire. Ainsi se forma la place Gastine. Mais le monument, qui « estoit une haute pyramide de pierre, ayant un crucifix au sommet, dorée et diaprée, avec un récit en lettres d'or, sur le milieu, de ce que dessus, et des vers latins, le tout si confusément et obliquement déduit que plusieurs estimoyent que le composeur de ces vers et inscriptions (on dit que c'estoit Estienne Jodelle, poète français homme, sans religion, et qui n'eut onc autre dieu que le ventre), s'estoit mocqué des catholiques et des huguenots », fut transféré par pièces aux Saints-Innocents[5],[3].
Par une extension nouvelle de Paris sous Louis XIV, elle englobe la « rue de la Sellerie » qui lui faisait suite hors de Paris, en venant aboutir à la porte monumentale qui nous est restée de ce règne et prend le nom de « rue de la Sellerie-de-Paris ». C'était une rue de gala, par laquelle rois et les reines faisaient traditionnellement leur entrée solennelle à Paris. Les couvents, centres religieux et hôpitaux qui y étaient nombreux, comme le Saint-Sépulcre, Saint-Magloire, le cloître Sainte-Opportune ou les Saints-Innocents. Mais cela n'empêchait pas le commerce d'y fleurir.
La poste aux chevaux lui conserve son rôle de voie essentielle aux grands voyages, puisque le seul relais installé dans Paris l’est rue Saint-Denis, à l’hôtel du Grand-Cerf[6]. C’est donc par la rue Saint-Denis que de nombreux voyageurs, arrivant à Paris par les voitures de poste, découvrent la capitale.
Une décision ministérielle du 22 prairialan V (), signée Bénézech, et une ordonnance royale du 31 janvier 1837, ont fixé la moindre largeur de cette voie publique à 13 mètres.
Le , à l'occasion de l'entrée solennelle dans Paris de Charles X, la rue Saint-Denis est en liesse.
Le , à l'annonce d'une possible victoire électorale des Libéraux, la rue s'anime de feux de joie et de pétards qui finissent vite en émeutes et en barricades.
En 1830, durant les Trois Glorieuses, la voie se couvre de barricades. Jusque fin juillet, la rue est le théâtre d'affrontements sanglants entre les insurgés et la troupe.
En 1848, lors de la Révolution et des Journées de Juin, les habitants se révoltent à nouveau et la rue se couvre de barricades.
Du 2 au 4 décembre 1851, la rue proteste contre le Coup d'État de Louis-Napoléon Bonaparte. Victor Hugo écrit alors : « La rue Saint-Denis toute entière présentait cet aspect changé que donne à une rue toutes les portes et toutes les fenêtres fermées et tous les habitants dehors. Regarder les maisons, c'est la mort, regarder la rue c'est la tempête ».
S'il y reste quelques sex-shops, on y trouve surtout des boutiques de vêtements (notamment l'extrémité du quartier du Sentier, spécialisé dans le commerce de textile de gros), ainsi que des bars, des restaurants, des boutiques de tatouage. Un effort de la mairie, grâce à un programme de réhabilitation du quartier, permet une nouvelle diversité dans la rue. Tous types d'activités et de populations y cohabitent, ce qui crée un véritable dynamisme, notamment au niveau de la fontaine des Innocents.
No 32 (angle de la rue de La Reynie) : ancien magasin « Au Chat Noir », qu'occupent tour à tour un marchand de soieries puis un confiseur[16].
No 40 : un procès-verbal dressé le 30 nivôse an X (20 janvier 1802) par le commissaire de police de la division de Bonne Nouvelle relate un accident survenu dans la cour de cette maison. L'écroulement du mur mitoyen la séparant de l’ancien couvent des Filles-Dieu blesse Guillaume Véron, gantier, et Henriette Meunier, sa femme, et tue leurs deux petits-enfants [17].
No 142 (angle du 28 rue Greneta) : emplacement de l'hôpital de la Trinité, fondé au XIIe siècle sous le nom d' « hôpital de la Croix-de-la-Reine » pour héberger les voyageurs arrivés après la fermeture des portes de l'enceinte de Philippe Auguste[19],[20] ; l'établissement, son portail et son église sont démolis en 1817. Une maison financée par Claude Aubry, un marchand d'éventails, s'adosse à l'hôpital au début du XVIe siècle. En même temps, la fontaine de la Reine est construite sur sa façade. La fontaine actuelle, seconde du nom, est édifiée en 1732 par l'architecte Jean Beausire.
No 188 : débouché de la rue du Ponceau, à l'emplacement du « ponceau » qui enjambait un égout à ciel ouvert. Cet égout circulaire longeait, à l'intérieur de l'enceinte de Charles V, les enclos du Temple et de l'abbaye Saint-Martin-des-Champs puis se dirigeait vers la rue du Faubourg-Montmartre pour se jeter dans le grand égout. Il est recouvert en 1605 entre les rues Saint-Denis et Saint-Martin, ce qui entraîne la disparition du ponceau. Une fontaine était installée à proximité.
Nos 224-226 : emplacement du couvent des Filles de Saint-Chaumont ou couvent des Filles de l'Union chrétienne, fondé en 1673, reconstruit en 1734-1735 par Jacques Hardouin-Mansart de Sagonne, dont les murs sont en partie conservés. C'est le seul vestige des établissements pieux ou charitables qui bordaient la rue Saint-Denis.
Hervé VII de Léon possédait rue Saint-Denis la « maison d'ardoise » provenant des biens de son épouse Marguerite d'Avaugour. Celle-ci la vend, en 1343 ou 1344, à la confrérie Saint-Jacques aux Pèlerins moyennant 620 livres « pour la delivrance de la personne du dit mons. Hervieu de Léon qui, si comme ils disoient, estoit prisonnier du roy d’Angleterre en la ville de Londres »[21].
Philippe Cachau, Jacques Hardouin-Mansart de Sagonne, dernier des Mansart (1711-1778), thèse d'histoire de l'art soutenue à Paris-I en 2004, t. II, p. 1116-1120.
Le Sentier-Bonne-Nouvelle, Délégation artistique de la Ville de Paris, Paris, 1999.
Jean de La Tynna, Dictionnaire topographique, étymologique et historique des rues de Paris, 1817.
Maurice Vimont, Histoire de la rue Saint-Denis, de ses origines à nos jours. préface de M. Dupont-Ferrier, Paris, 1936, 3 tomes en 2 vol, lire en ligne sur Gallica