Pierre Belon[2], né en 1517 au lieu-dit La Souletière à Cérans-Foulletourte près du Mans et mort en , est un naturalistefrançais. Esprit très en avance sur son époque, il est considéré comme l'un des plus grands scientifiques du XVIe siècle.
Il suit les cours de botanique de Valerius Cordus à Wittenberg et voyage avec lui en Allemagne. On raconte qu'il est arrêté à son retour, soupçonné de luthéranisme ; mais un admirateur de Ronsard fait libérer Belon, ami du poète[5]. Il s'intéresse aussi à l'ichtyofaune et écrit l'un des premiers traités illustrés sur les poissons des cours d'eau de France.
En 1538[6], il s'occupe du jardin de Touvoie « une vaste pépinière d'arbres et d'arbustes exotiques[7] », l'un des premiers jardins botaniques de France.
Avant son voyage également, il écrit un abrégé de L'histoire des plantes de Leonhart Fuchs, qui sera traduit en espagnol[8].
Il s'agit de l'un des premiers voyages naturalistes de l'histoire. Il s'arrête ainsi dans les Îles grecques, à la recherche des plantes décrites par Dioscoride. Il revient en France en 1549, et obtient du roi Henri II une pension de deux cents écus, qui lui permet de poursuivre ses recherches. Il relate son voyage dans Voyage au Levant, les observations de Pierre Belon du Mans, de plusieurs singularités et choses mémorables, trouvées en Grèce, Turquie, Judée, Égypte, Arabie et autres pays estranges, édité en 1553[3].
Fin de vie
Belon fait un autre voyage, en 1557, en Italie, en Savoie, dans le Dauphiné et en Auvergne[9].
Il meurt de façon mystérieuse à 49 ans, sans doute assassiné par un rôdeur en , alors qu'il traverse le bois de Boulogne.
Contributions
Animaux marins
Il publie de remarquables études sur les animaux marins : L'histoire naturelle des estranges poissons marins, avec la vraie peincture et description du daulphin, et de plusieurs autres de son espèce, en 1551, et La Nature et diversité des poissons, avec leurs pourtraicts représentez au plus près du naturel, en 1555. Le terme de poisson y regroupe tous les animaux marins : de la baleine à l'otarie, du crustacé à l'anémone en passant par l'hippopotame ou la loutre. Il semble probable qu'il rassemble là les animaux considérés par l'Église catholique comme consommables les jours maigres. Mais cette hypothèse n'explique pas pourquoi il évoque même le caméléon. Malgré cela, il tente d'établir un embryon de classification, notamment en évoquant les vrais poissons et leurs subdivisions basées sur des observations anatomiques : cartilage ou squelette osseux, ovipare ou vivipare. Sa classification est meilleure que celle de Guillaume Rondelet (publiée trois ans après la sienne) et mieux observée. Pierre Belon décrit, pour la première fois en Europe, de nombreux animaux alors inconnus. Il décrit environ 110 espèces de poissons.
Oiseaux
Son Histoire de la nature des oyseaux, avec leurs descriptions et naïfs portraicts retirez du naturel de 1555 est supérieure. Dans ce traité, de 381 pages, il décrit tous les oiseaux qu'il connaît. Il les regroupe suivant leur comportement et leur anatomie : les oiseaux de proie, les oiseaux d'eau, les omnivores, les petits oiseaux, subdivisés à leur tour en insectivores et en granivores. L'ouvrage comporte 14 gravures.
Belon connaît moins de langues que Conrad Gessner, mais, ses observations sont bien meilleures, étayées notamment par des observations dans la nature, ainsi que des descriptions anatomiques résultant manifestement de nombreuses dissections. Il compare les becs et les serres, tente de rassembler des formes anatomiques communes. Il compare le squelette d'un être humain et d'un oiseau, ce qui est la première tentative d'anatomie comparée[10]. Cette idée ne sera reprise que quelques centaines d'années plus tard par Félix Vicq d'Azir et Étienne Geoffroy Saint-Hilaire. Mais Belon lui-même n'exploite que fort peu ses observations sur les similarités entre ces deux squelettes et n'en tire pas de conclusion pratique. De plus, il commet des erreurs notables, comme de placer les chauves-souris dans la catégorie des oiseaux.
Son livre est maintes fois vanté dans les siècles suivants, pourtant il reste presque ignoré par ses contemporains car, la même année, paraît l’Historia animalium de Conrad Gessner. Parfois des descriptions de certaines espèces ne coïncident pas avec les illustrations[11], ce qui porte confusion chez les auteurs ultérieurs[12].
Son second livre d'ornithologie est Pourtraicts d'oyseaux publié à Paris, en 1557. Il comporte 174 gravures, la plupart faites à partir des propres dessins de Belon.
Plantes
Il s'intéresse également à la botanique et, notamment, à l'acclimatation des végétaux exotiques. Il publie, en 1553, un traité sur les conifères et autres végétaux à feuillage persistant (De arboribus coniferis, resiniferis, aliisque, nonnullis sempiterna fronde virentibus...), l'un des premiers traités sur ces végétaux. En 1558, il préconise dans Les Remonstrances sur le défault du labour et culture des plantes et de la cognoissance d'icelles... l'acclimatation des végétaux exotiques ; c'est lui d'ailleurs, qui, le premier en France, sème des platanes.
On lui doit l'introduction en France de l'arbre de Judée, du chêne-liège, du pistachier, du cèdre, du jujubier, du genévrier d'orient, et de la myrte. Dans ses descriptions de botanique, sans doute influencé par ses connaissances d'apothicaire, il accorde une grande attention aux propriétés thérapeutiques des végétaux qu'il cite.
Philippe Glardon, L'histoire naturelle au XVIe siècle : introduction, étude et édition critique de La nature et diversité des poissons de Pierre Belon (1555), Genève, Droz, 2011 (ISBN9782600014380 et 2600014381)
Édition en fac-similé avec introduction et notes par Philippe Glardon, Genève, Droz (T.H.R. 306), 1997
Les observations de plusieurs singularitez et choses mémorables trouvées en Grèce, Asie, Judée, Égypte, Arabie et autres pays estranges, rédigées en trois livres, Paris, G. Corrozet, 1553
Les observations de plusieurs singularites & choses memorables, trouvees en Grece, Asie, Judee, Égypte, Arabie, & autres pays etranges, redigees en trois livres. Revues derechef, & augmentees de figures, avec une nouvelle table de toutes les matieres traitees en iceux, Anvers, Jean Steelsius (Christophe Plantin), 1555
Voyage au Levant (1553). Les observations de Pierre Belon du Mans, texte établi et présenté par Alexandra Merle, Chandeigne, 2001
Travels in the Levant : the observations of Pierre Belon of Le Mans on many singularities and memorable things found in Greece, Turkey, Judaea, Egypt, Arabia and other foreign countries (1553), dir. Alexandra Merle et James Hogarth, Kilkerran, Scotland, Hardinge Simpole, 2012
Cronique de P. Belon du Mans, médecin, manuscrit 4651, Bibliothèque de l'Arsenal
Réécrite plusieurs fois, cette œuvre (1562-1565) défend le camp catholique. Belon y reprend les matériaux de sa relation de voyage, qu'il utilise comme autant d'arguments.
Édition critique par Monica Barsi : L'énigme de la Chronique de Pierre Belon, Milan, Edizioni universitarie di lettere (Sezione di francesistica), 2001, 390 p. (ISBN88-7916-168-7)
Traductions
Histoire des plantes de M. Leonhart Fuschsius, avec les noms grecs, latins, & francoys. Augmentees de plusieurs portraictz, avec ung extraict de leurs vertuz (en lieu, & temps) des plus excellens Autheurs. Nouvellement traduict en francoys par Pierre Belon[15], Paris, Pierre Haultin, 1549[16]
Combien Belon [...]
Doit avoir en France aujourd'huy
D'honneur, de faveur et de gloire,
Qui a veu ce grand univers,
et de longueur et de travers
et la gent blanche et la gent noire[18],[3]
↑Sur ce livre : Stéphane Schmitt, « Introduction » à Pierre Belon (1517-1564) L’Histoire de la nature des oyseaux, avec leurs descriptions et naïfs portraicts retirez du naturel, escrite en sept livres, Paris, G. Cavellat, 1555.
↑Critica botanica, Leyde, 1737, p. 92 ; Genera plantarum, Leyde, 1742, p. 72.
↑(en) M. Wong, Dictionary of scientific biography, vol. 1, New York, Charles Scribner's sons, , « Belon, Pierre », p. 595–596
Annexes
Bibliographie
« Pierre Belon », dans Jean-Pierre Niceron, Mémoires pour servir à l'histoire des hommes illustres, chez Briasson, Paris, 1733, tome 24, p. 36-45(lire en ligne)
Monica Barsi, « Le traitement des sources dans la Cronique de Pierre Belon du Mans, médecin (1562-1565) », dans Esculape et Dionysos. Mélanges en l'honneur de Jean Céard, Genève, Droz, 2008, p. 203-215.
Jean Céard, « Pierre Belon, zoologiste », dans Actes du Colloque Renaissance-Classique du Maine, Le Mans, 1971, p. 129-140
Paul Delaunay, Pierre Belon, naturaliste [deuxième fascicule], Le Mans, Imprimerie Monnoyer, 1926, 271 p.; l'ouvrage regroupe les sept articles publiés par Paul Delaunay, « L'aventureuse existence de Pierre Belon du Mans », dans la Revue du seizième siècle: (1e article) t. 9, Fasc. 3/4 (1922), p. 251–268; (2e article) T. 10 (1923), pp. 1-34; (3e article) T. 10 (1923), pp. 125-147; (4e article) T. 11 (1924), pp. 30-48; (5e article) T. 11 (1924), pp. 222-232 ; (6e article) T. 12 (1925), pp. 78-97; (7e article) T. 12 (1925), pp. 256-282.
Philippe Glardon, « Les comparaisons et les monstres : Figures structurales de la description zoologique dans L'histoire de la nature des oyseaux de Pierre Belon du Mans », dans Anthropozoologica : Bulletin de L'Homme et l'Animal, 13, 1990, p. 27-43