Quatrième fils de Léonce Balluet d'Estournelles de Constant de Rebecque, garde des Eaux et Forêts dans la Sarthe[2], et d'Henriette Monnier, originaire de Poligny[3], Paul Henri Balluet d'Estournelles de Constant de Rebecque naît le dans la maison de sa grand-mère, Louise, au no 30 de la Grande-Rue[4]. Receveuse des postes et romancière, Louise est la demi-sœur du député et écrivain Benjamin Constant[5],[3].
Dans sa jeunesse, Paul est élève au lycée Louis-le-Grand de Paris de 1862 à 1870, en internat[6],[7]. Exempté d'obligations militaires en raison de son statut de fils aîné d'une veuve, il cherche néanmoins à s'engager à l'aube de la guerre franco-allemande de 1870, mais sa mère l'en empêche. Elle l'envoie en Grèce, chez sa sœur Jeanne[2]. Il obtient ainsi son baccalauréat ès lettres au lycée français d'Athènes le [6],[8].
À son retour en France, à Paris, il obtient une licence en droit en , puis un diplôme de grec moderne à l'École des Langues orientales l'année suivante[9],[8]. Parallèlement, suivant sa passion pour la Grèce, il rédige, dès 1875, trois essais pour le bulletin de l'Association pour l'encouragement des études grecques en France. Il écrit également deux articles pour la Revue des deux Mondes, en mars et , avant d'être publiés dans un ouvrage de synthèse intitulé La vie de province en Grèce en 1878[8]
Carrière diplomatique
Paul d'Estournelles de Constant intègre le Ministère des Affaires étrangères. Il obtient la 3e place du concours de recrutement, en [6],[8] et fait ainsi partie de la première génération de ceux qui accèdent à la carrière diplomatique par ce biais, après la mise en place de ce nouveau mode de recrutement[9].
Élève-consul, il effectue son premier déplacement à l'étranger, en Russie, au mois de , pour y acheminer les dépêches diplomatiques. En juillet, il est nommé délégué par intérim à la commission de délimitation du Monténégro, en qualité de secrétaire.
En , il revient à Paris en tant que commis-principal à la direction du personnel. À la fin du mois d'octobre de la même année, il rejoint Londres comme secrétaire d'ambassade de seconde classe[10]. Son travail est alors remarqué par Paul Cambon, ministre résident de France en Tunisie.
En , il rejoint ce dernier à Tunis en qualité de secrétaire de premier secrétaire. Paul Cambon le charge de négocier avec l'Angleterre la suppression des capitulations[9] ainsi que de le seconder dans la mise en place de l'organisation administrative du protectorat[10]. Il séjourne brièvement en France à la fin de l'année 1882 après le rapatriement du corps de sa mère, décédée à Tunis le . Il négocie avec le gouvernement britannique pour obtenir la suppression de sa cour consulaire à Tunis. La signature d'un accord en lui vaut de recevoir la Légion d'honneur[10].
Le , il se marie selon le rite protestant[11] avec Margaret Sedgwick Berend, une enseignante dont le père est un banquier américain d'origine allemande. La cérémonie a lieu à Paris. Le couple a cinq enfants : Arnaud, en 1887, Jacqueline, en 1888, Paul, en 1897, Marguerite, en 1897 et Henriette, en 1902[9].
En , il est rappelé à Paris par le Ministère des Affaires étrangères, en qualité de rédacteur à la direction publique, puis comme commissaire spécial de la section des pays placés sous le protectorat français à l'exposition universelle de 1889[10].
Par un avancement rapide, en 1890, il est nommé ministre plénipotentiaire et chargé d'affaires à Londres, poste qu'il occupe jusqu'en 1895[12]. Sur cette même période, il est un conseiller personnel de Paul Cambon. Ses différentes expériences à l'étranger lui permettent de tisser un important réseau de relations.
Député puis sénateur de la Sarthe
En , Paul d'Estournelles de Constant se met en disponibilité alors qu'il vient d'être nommé ministre plénipotentiaire de première classe. Il se lance en politique et se présente aux élections législatives partielles[13],[14]. Il est élu député de la circonscription de Mamers dès le premier tour de scrutin, en remplacement de Prosper Legludic, élu sénateur[12],[14].
Dès 1904, et plus officiellement dès 1905, Paul d'Estournelles de Constant préside l'Association de Conciliation Internationale, avec laquelle il tente d'influer les politiques internationales vers l'arbitrage, le désarmement et la paix[17].
En 1899, puis en 1907, Paul d'Estournelles de Constant représente la France, avec Léon Bourgeois et Louis Renault, aux Conférences de La Haye. Il se donne pour but d'œuvrer au règlement pacifique des conflits internationaux par la promotion de la médiation, et surtout de l'arbitrage international. Il aide Léon Bollée, principal soutien de l'Américain Wilbur Wright, pionnier de l'aviation, dans ses expérimentations aéronautiques réalisées entre le et le , au Mans et dans la Sarthe, sur l'hippodrome des Hunaudières puis au camp militaire d'Auvours.
Paul d'Estournelles de Constant reçoit le prix Nobel de la paix le , conjointement avec le député belge Auguste Beernaert, pour leurs efforts dans la construction du droit international, notamment dans l'organisation des conférences de La Haye de 1899 et 1907 qui débouchent sur la création d'une Cour permanente d’arbitrage[18]. Il est le troisième Français à recevoir cette distinction après Frédéric Passy, en 1901, et Louis Renault, en 1907[19]. La nouvelle de cette nomination a peu d'écho dans la presse nationale, car seul le journal La Croix l'annonce en une[18].
Le baron d'Estournelles était un fervent opposant à la politique coloniale et à l'augmentation des budgets militaires, favorable à un rapprochement franco-allemand et convaincu du bienfait du modèle de la démocratie américaine dans le monde. Il a influencé le pacifiste allemand Otto Umfrid.
À partir de l'entrée en guerre en 1914, il se rallie à l'union sacrée et développe ses relations aux États-Unis, espérant que l'entrée en guerre de ces derniers réduise la durée du conflit et aboutisse à une paix fondée sur l'arbitrage international.
Le baron d'Estournelles de Constant avait une bonne connaissance des Balkans et de l'Albanie[20].
Le sénateur français Paul d’Estournelles de Constant est l’un des plus remarquables protagonistes et l’un des porte-parole les plus brillants des intérêts de l’Albanie. Il est l’un des rares hommes d’État à s’être mis totalement à la disposition de l’internationalisation de la question albanaise et de l’admission du nouvel État comme sujet du droit international à la Ligue des Nations. D’Estournelles de Constant a agi intensivement, surtout dans les années 1920-1921[21],[22],[23].
Tout au long de sa vie, Paul d'Estournelles de Constant fait preuve d'une grande curiosité et s'intéresse particulièrement aux domaines de l'art et de l'écriture[13]. Il compte parmi ses amis Ernest Renan, qui est témoin de son mariage, les écrivains Paul Bourget et Paul Valéry, ou encore le philosophe Henri Bergson. Il s'entretient régulièrement avec son beau-frère, l'égyptologue Gaston Maspero et entretient une vive amitié avec le peintre Claude Monet.
Paul d'Estournelles de Constant, qui réalise de nombreuses aquarelles au cours de ses voyages, se montre admiratif du travail de Claude Monet, et les deux hommes s'écrivent chaque semaine. Passionné par l'impressionnisme, il apprécie également les œuvres du sculpteur Auguste Rodin, qu'il rencontre par l'intermédiaire de l'industriel américain Andrew Carnegie, et qui réalise son buste. Ami de Carnegie, d'Estournelles de Constant se fait l'intermédiaire entre lui et Pierre et Marie Curie pour financer leur laboratoire[13].
Paul d'Estournelles de Constant décède le 15 mai 1924 à l'âge de 71 ans. Il est incinéré à Paris puis ces cendres sont déposées dans la sépulture familiale au cimetière de Clermont-Créans[24].
Détail des fonctions et des mandats
Mandats parlementaires
- : Député de la Sarthe, circonscription de Mamers
↑Kaliopi Naska, « Paul d'Estournelles de Constant, l'admission de l'Albanie à la Société des Nations et la défense de son indépendance et de sa souveraineté nationale », Relations internationales, vol. 2008/2 (n° 134), , p. 5 - 18 (DOI10.3917/ri.134.0005, lire en ligne)
↑Kaliopi Naska, D' Estournelles de Constant dhe Shqipëria : trajtesë dhe dokumente = D'Estournelles de Contant et l'Albanie : étude et documents, Argeta, (ISBN9789994330898, lire en ligne)
Laurent Barcelo, Paul d'Estournelles de Constant : l'expression d'une idée européenne, L'Harmattan, coll. « Chemins de la mémoire », , 465 p. (ISBN978-2-7384-3767-9).
Laurent Barcelo, « L'Engagement européen de P. d'Estournelles de Constant (1852-1924) : Un sarthois Prix Nobel de la Paix », Revue Historique et Archéologique du Maine, Le Mans, Société historique et archéologique du Maine, 3e série, t. 20, , p. 45-60.
Laurent Barcelo, « L'européisme de Paul d'Estournelles de Constant », dans René Plessix et Jean-Pierre Poussou (dir.), La vie politique et administrative des petites villes françaises du Moyen Âge à nos jours, Mamers, Société d'histoire des petites villes, , p. 415-425.
Stéphane Tison et Nadine Akhund, En guerre pour la paix. Correspondance Paul d'Estournelles de Constant et Nicholas Murray-Butler (1914-1919), Paris, Alma, , 550 p. (ISBN978-2-36279-263-2).
Titre original de la première édition: La politique française en Tunisie: le Protectorat et ses origines. Paris: Plon, 1891.
(en) Biographie sur le site de la fondation Nobel (le bandeau sur la page comprend plusieurs liens relatifs à la remise du prix, dont un document rédigé par la personne lauréate — le Nobel Lecture — qui détaille ses apports)