Fils d'un banquier de Constantinople[1], Meguerditch Portoukalian naît dans cette ville[2], dans le quartier de Kumkapı[3], le [4]. Il fait ses études primaires dans des écoles arméniennes de la capitale ottomane[3] puis continue en autodidacte[2]. Dans sa jeunesse, il est rapidement exposé à la politique, assistant notamment à des sessions de l'Assemblée nationale arménienne qui siège dans le même bâtiment que son école[3]. En 1862, il entre au Gymnasium Sahakian[5].
Il devient ensuite un précepteur privé et travaille pour une maison d'édition française[5]. Il fonde sa propre maison d'édition, pour laquelle il traduit La Dame de Monsoreau d'Alexandre Dumas en arménien[5].
En 1867, on lui propose d'enseigner auprès des Arméniens des provinces orientales de l'Empire ottoman et il s'installe à Tokat[5]. Il y dirige un collège, qui est fermé après son arrestation en janvier 1873 après qu'il a critiqué le gouvernement[2] (selon Louise Nalbandian, son arrestation est le fait de bourgeois arméniens locaux[5]). Il retourne ensuite à Constantinople où il publie le journal antigouvernemental Asia[2], qui est cependant mal reçu par l'intelligentsia arménienne stambouliote[6]. Il écrit aussi à la même époque pour des périodiques comme Manzume et Méghou Hayastani[7].
Meguerditch Portoukalian s'établit ensuite en province, où il devient membre fondateur de la Société araratienne en 1876[7] et fait appel aux intellectuels arméniens pour diffuser les idées des Lumières[2]. La Société araratienne le met à la tête de son programme éducatif dans la ville de Van ; en route vers cette dernière, il traverse les six vilayets et rencontre de nombreux Arméniens provinciaux[7].
En 1877-1878, au moment de la guerre russo-turque, Meguerditch Portoukalian fuit dans l'Empire russe[7] et traverse les villes d'Arménie et de Transcaucasie, époque pendant laquelle il écrit sous le pseudonyme de Hrant et appelle à la lutte armée contre le despotisme turc[2]. Ainsi, il participe à la création de la Société de la Croix noire de Van, sur le modèle du carbonarisme italien, qui préconise la lutte[2]. Représentant de la Société araratienne, il se rend à Tiflis et rencontre en 1878 le leader arménien Ardzrouni, qui l'assure de son soutien[7]. Il rentre alors à Constantinople mais y reste moins d'un an[7].
À l'automne 1878, il retourne à Van, où il ouvre une école normale (Varjapetanots)[7]. Cependant, parmi les Arméniens de Van, une faction réactionnaire et pro-gouvernementale menée par les Boghossian, s'oppose au projet pédagogique libéral porté par l'école, lui-même soutenu par une autre faction menée par les Aboghossian[8]. Ce conflit intracommunautaire attire l'attention des autorités qui font fermer l'école, l'accusant de promouvoir des idéaux révolutionnaires[8].
Meguerditch Portoukalian retourne à Constantinople en 1881, puis de nouveau à Van peu de temps après[8]. Il y fonde un nouvel établissement scolaire, le Gymnasium central (Getronagan varjaran), mais finit par être banni de Van par les autorités locales le , tandis que l'école est fermée le 3 juin[8].
Exil à Marseille
En 1885, Meguerditch Portoukalian est contraint à l'exil, passe par Constantinople[2] puis s'installe en France[8], à Marseille, où il fonde en 1885 le premier journal révolutionnaire arménien, Armenia[9],[10], qu'il publie jusqu'à sa mort en octobre 1921[11].
La manchette d'Armenia.
Idées
Meguerditch Portoukalian est influencé par le modèle bulgare d'accession à l'indépendance, qui repose sur la lutte armée de haïdouks et l'intervention des grandes puissances[2]. Selon Claire Mouradian, « il est le premier à avoir une conception pan-nationale de l'émancipation des Arméniens » malgré l'influence très locale de son parti[2].
Claire Mouradiann, « La vitalité d'une presse en diaspora », dans Collectif, Presse et mémoire : France des étrangers, France des libertés, Éditions de l'Atelier, (ISBN978-2708228719, lire en ligne), p. 35-45