De la dynastie des Sévères, son surnom vient de sa nomination comme grand-prêtre du dieu syrien Élagabal à l'âge de 13 ans. Il est mis sur le trône impérial l'année suivante dans le cadre des intrigues consécutives à la mort de Caracalla, sous l'égide de sa grand-mère Julia Maesa. Scandalisant la société romaine par son comportement, il perd le soutien des troupes stationnées à Rome au bout de quatre ans de règne et est assassiné lors d'une émeute, laissant le trône à Sévère Alexandre, un cousin qu'il a récemment intronisé comme son César.
L'historiographie romaine, très défavorable, réduit son règne à une série de transgressions et d'outrances tant sur le plan des institutions que celui des cultes traditionnels ou des mœurs. Cette description a été réévaluée par les historiens contemporains.
Sources
Dion Cassius
Né dans une famille sénatoriale, Dion Cassius occupe plusieurs charges importantes du règne de Commode (180-192) et Caracalla (211-217), Il est proche de Septime Sévère (193-211), le fondateur de la dynastie éponyme, et d’Alexandre (222-235), sucesseur d’Héliogabale sous lequel il est consul. L'ouvrage étant fragmentaire, les passages de l'Histoire romaine concernant la dynastie des Sévères ne nous sont connus que par un épitomé de Jean Zonaras, auteur byzantin du XIIe siècle[1]. Son Histoire romaine couvre près d'un millénaire, de l'arrivée légendaire d'Énée en Italie à l'année 229. Son récit est généralement considéré comme plus fiable que l'Histoire Auguste ou d'autres récits de cette époque[2],[3]. Il passe la plus grande partie du règne d'Héliogalabe hors de Rome et indique avoir dû s'appuyer sur des informations de seconde main[4]. Dion se réfère régulièrement à Héliogabale comme à Sardanapale, pour le distinguer du dieu Élagabal et prolonger la damnatio memoriae en l'associant à un autocrate connu pour sa vie dissolue[5]. L'historienne Clare Rowan qualifie le récit de Dion Cassius de mélange d'informations fiables et d'« exagération littéraire ». Les mariages d'Héliogabale et son mandat de consul sont confirmés par des documents numismatiques et épigraphiques[6], mais Dion est inexact sur plusieurs passages[7],[8],[9].
Hérodien
Un autre contemporain d'Héliogabale est Hérodien, fonctionnaire romain ayant vécu entre 175 et 245. Son Histoire des empereurs romains de Marc-Aurèle à Gordien III, abrégée en Histoire romaine, est un témoignage oculaire du règne de Commode jusqu'au début du règne de Gordien III (238-244). Son travail recoupe largement l'Histoire romaine de Dion, et les textes, écrits indépendamment les uns des autres, s'accordent le plus souvent sur Héliogabale et son règne court mais mouvementé[10]. Arrizabalaga écrit qu'Hérodien est à bien des égards « moins détaillé et pointilleux que Dion »[11], et il est jugé moins fiable par de nombreux érudits modernes, bien que Rowan considère son récit du règne d'Héliogabale plus fiable que celui de Dion[6] et son manque de prétentions littéraires et savantes le rendent moins partial que les historiens sénatoriaux[12]. Il est considéré comme une source importante pour les réformes religieuses qui ont eu lieu sous le règne d'Héliogabale[13], qui ont été confirmées par des preuves numismatiques[14],[15] et archéologiques[16].
Histoire Auguste
La Vie d'Héliogabale dans l'Histoire Auguste, source de nombreuses histoires sur la dépravation d'Héliogabale, est un ouvrage pseudo-historique fictivement dédiée à l'empereur Constantin Ier et comprend de nombreuses affirmations controversées. Il est généralement entendu qu'il a en fait été écrit vers la fin du IVe siècle, sous le règne de l'empereur Théodose Ier[17]. Elle est riche en détails négatifs attribués à Héliogabale, qui sont autant d'allusions de propagande anti-Constantin, compréhensibles pour un lecteur du IVe siècle : basse origine de sa mère, goût du luxe et des bijoux, volonté d'imposer son monothéisme au détriment des autres cultes romains, monothéisme qui lui aurait donné la victoire sur son adversaire, refus de monter au Capitole pour célébrer son triomphe, etc.[18]. Les sections 13 à 17, relatives à la chute d'Héliogabale, sont moins controversées parmi les historiens[19]. L'auteur des récits les plus scandaleux de l'Histoire augustéenne concède lui-même que « ces deux choses et quelques autres qui passent la croyance ont été, je pense, inventées par des gens qui voulaient déprécier Héliogabale pour gagner les faveurs d'Alexandre »[20].
Sa mère, Julia Soæmias, est la nièce par alliance de Septime Sévère (époux de sa tante Julia Domna en secondes noces) et la cousine de Caracalla. Elle est issue de la famille princière des anciens rois d'Émèse (aujourd'hui Homs).
Sa famille a une grande influence en Syrie où Héliogabale sert, dans son enfance, comme prêtre du dieu Élagabal. Après la mort de Caracalla, Héliogabale est nommé empereur à 14 ans, à la suite d'une restauration des Sévères orchestrée par sa grand-mère Julia Maesa contre Macrin.
Il naît en 203 ou 204[réf. nécessaire] dans un lieu non connu avec certitude : Émèse (aujourd'hui Homs), Rome ou Velletri, où sa famille détient un domaine[21].
Enfance
Varius Avitus Bassianus détient dès l'âge de treize ans la charge de grand-prêtre du dieu Élagabal, dieu solaire d'Émèse en Syrie.
Succession de Caracalla (217-218) et avènement (16 mai 218)
Les femmes de la branche syrienne de la famille impériale se réfugient à Émèse avec Sextus Varius. Julia Mæsa, sa grand-mère, Julia Soæmias, sa mère, et Julia Mamæa, sa tante (mère de Sévère Alexandre), parviennent à convaincre la légion de Syrie (Legio III Gallica, stationnée à Raphana[22], au sud de Damas, de proclamer Sextus empereur, en raison de sa ressemblance physique avec Caracalla : Julia prétend qu'il est le fils de Caracalla.
Il est proclamé empereur le 16 mai 218 à Raphana, prenant le nom de Marcus Aurelius Antoninus, déjà abusivement porté par Caracalla (dont le nom de naissance est Lucius Septimius Bassanus) : « [il] s’était arrogé le nom d’Antonin, soit comme une preuve qu’il était issu de cette famille, soit parce qu’il savait que ce nom était tellement cher aux peuples »[23].
Macrin, qui se trouve à Antioche, est pris de court. Vaincu le 8 juin à Immae à une quarantaine de kilomètres d'Antioche, Macrin est contraint de fuir. Il est arrêté à Chalcédoine et assassiné un peu plus tard en Cappadoce : le jeune Sextus/Marcus se retrouve à quatorze ans seul maître de l'Empire romain.
Un empereur faible plutôt que sanguinaire
Si l'on examine soigneusement les récits rapportés par les historiens antiques, on conclut qu'il est, en réalité, plus dépensier que cruel et plus extravagant que méchant. Ses biographes, partiaux, ont en effet fortement exagéré ses vices. Ces écrivains antiques, en racontant sa vie, se montrent plus moralistes qu'historiens. Par des descriptions violemment contrastées, ils opposent un empereur qu'ils décrivent comme totalement pervers à son cousin et successeur, Alexandre Sévère, présenté, avec tout autant d'exagération, comme le parangon de toutes les vertus.
Héliogabale laisse les rênes du gouvernement à sa grand-mère, Julia Mæsa, et à sa mère, Julia Soæmias : « Il fut tellement dévoué à Semiamira sa mère, qu’il ne fit rien dans la république sans la consulter »[23]. C'est cette emprise féminine, plus que la superstition de l'empereur, ses caprices puérils, ses dépenses inconsidérées, qui horripilent les « vieux Romains » et précipitent sa chute. L’ambition de sa mère semble si dévorante qu’elle manque de prudence face aux lois romaines qui relèguent les femmes à l'arrière-plan. Elle impose même sa présence au Sénat. Ce détail, par-dessus tout, choque les contemporains : « Lors de la première assemblée du sénat, il fit demander sa mère. À son arrivée, elle fut appelée à prendre place à côté des consuls. Elle prit part à la signature, c’est-à-dire qu’elle fut témoin de la rédaction du sénatus consulte. De tous les empereurs il est le seul sous le règne duquel une femme, avec le titre de clarissime, eut accès au sénat pour tenir la place d’un homme »[23].
Héliogabale prend la route de Rome avec une procession qui transporte une pierre noire tombée du ciel sur un char d'or tiré par des chevaux blancs, qu'il conduit à reculons jusqu'au Palatin atteint durant l'été 219[24]. « Il fit construire et consacra à Héliogabale un temple sur le mont Palatin auprès du palais impérial. Il y fit transporter tous les objets de la vénération des Romains : la statue de Junon, le feu de Vesta, le Palladium et les boucliers sacrés. […] Il disait en outre que les religions des Juifs et des Samaritains, ainsi que le culte du Christ, seraient transportés en ce lieu, afin que les mystères de toutes les croyances fussent réunis dans le sacerdoce d’Héliogabale »[23]. Les religions nouvelles d'Isis, de Sérapis, ou de Cybèle, de Mithra ou des chrétiens comptent leurs fidèles à Rome, sans menacer pour autant le vieux panthéon romain. Mais, Héliogabale semble vouloir imposer son dieu comme unique, au-delà de son assimilation à Jupiter. Les Romains sont scandalisés lorsqu'il enlève la grande VestaleAquilia Severa pour l'épouser, en désir de syncrétisme symbolique, « pour que naissent des enfants divins », dit-il au Sénat. Mais, peu porté sur la gent féminine, Héliogabale ne consomme pas le mariage et se sépare rapidement de sa femme[25]. Ensuite, ses « mariages » homosexuels, notamment avec deux « colosses » grecs prénommés Hiéroclès et Zotikos, choquent les historiens romains[1]. La fin de son règne est rythmée par des orgies homosexuelles avec des prostitués mâles (exolètes) recrutés pour l'occasion, à en croire l'Histoire Auguste[26] et Aurélius Victor[27]. Il portait des vêtements de femme et demandait à être désigné par le pronom « elle ». D'après les historiens Dion Cassius et Jean Zonaras, il souhaitait accéder à une « double nature sexuelle » grâce à une incision « à l'avant du corps »[28]. Les historiens utilisent le plus souvent[pas clair][29] le masculin à son sujet, comme les sources de l'époque[30].
Politique religieuse
Par son souci de promouvoir un culte unique, le culte solaire, à un moment où il est nécessaire de restaurer l'unité de l'empire, la politique religieuse d'Héliogabale peut se rapprocher du « césaropapisme », qui est ensuite celle des empereurs païens puis chrétiens du Bas-Empire. D'ailleurs, cinquante ans après, l'empereur Aurélien vise à peu près le même objectif en instituant Sol Invictus comme divinité de l'Empire.
Héliogabale laisse les chrétiens en paix. Il est vraisemblable qu'il ait entendu parler de la religion chrétienne dont les disciples étaient nombreux en Syrie ; Anicet, pape de 155 à 166, était comme lui originaire d'Émèse.
On peut noter qu'à l'époque de l'assassinat d'Héliogabale, une émeute populaire antichrétienne est rapportée à Rome, au cours de laquelle l'évêque de Rome Calixte aurait perdu la vie. Selon la tradition : écharpé par la foule, il aurait été défenestré, jeté dans un puits puis lapidé[31].
Nomination de Sévère Alexandre comme César
Après trois années de règne, Héliogabale bénéficie encore du soutien de l'armée. Il le perd par maladresse. En juin 221, sa grand-mère, Julia Mæsa, pressentant que les vices de son petit-fils finiraient par les perdre lui et sa famille, le convainc d'adopter son cousin Alexianus Bassianus, sous le nom de Sévère Alexandre, et de l'associer au pouvoir avec le titre de « César »[32].
Ce jeune homme est l’antithèse d'Héliogabale : sévère, avisé, vertueux, patient et sage. Il parvient à se rendre populaire auprès de la seule force qui compte réellement dans l'Empire, l'armée.
Mort
Aussi, quand les soldats apprennent qu'Héliogabale cherche à se débarrasser de son cousin, ils commencent à lui être hostiles. Héliogabale veut alors faire arrêter les meneurs, mais une foule furieuse envahit le palais impérial et massacre l'empereur.
Son corps est traîné à travers les rues de Rome, puis les émeutiers tentent de jeter le cadavre aux égouts, mais, comme les conduits sont trop étroits, il est finalement jeté dans le Tibre depuis le pont Æmilius ()[33].
Suites : la damnatio memoriae d'Héliogabale
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Son cousin, Sévère Alexandre, devient empereur et la pierre noire retourne à Émèse.
Une damnatio memoriae est prononcée. Normalement, toutes les inscriptions le concernant doivent être détruites, ainsi que ses statues.
218 : accession à l'Empire : Imperator Cæsar Divi Antonini Magni Filius Divi Severi Pii Nepos Marcus Aurelius Antoninus Pius Felix Augustus.
220 : ajout du surnom « grand-prêtre du dieu Soleil invincible Elagabal » : Imperator Cæsar Divi Antonini Magni Filius Divi Severi Pii Nepos Marcus Aurelius Antoninus Pius Felix Augustus Sacerdos Amplissimus Dei Invicti Solis Elagabali.
222 : titulature à sa mort : Imperator Cæsar Divi Antonini Magni Filius Divi Severi Pii Nepos Marcus Aurelius Antoninus Pius Felix Augustus, Sacerdos Amplissimus Dei Invicti Solis Elagabali, Pontifex Maximus, Tribuniciæ Potestatis V, Consul IV, Pater Patriæ.
La damnatio memoriae dont Héliogabale fit l'objet rend important d'identifier les sources dont nous disposons à son égard.
Auteurs modernes
Edward Gibbon
Pour les lecteurs de l’ère moderne, Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain d’Edward Gibbon (1737-1794) a encore renforcé la réputation scandaleuse d’Héliogabale. Gibbon non seulement accepta et exprima son indignation face aux allégations des historiens anciens, mais il aurait pu ajouter quelques détails qui lui étaient propres ; par exemple, il est le premier historien connu à affirmer que Gannys était un eunuque[34]. Ainsi, Gibbon a écrit :
« Confondre l'ordre des saisons et du climat, se jouer des passions et des préjugés de ses sujets, renverser toutes les lois de la nature et de la décence, étaient au nombre de ses amusements les plus délicieux. Une longue suite de concubines et une succession rapide d'épouses, parmi lesquelles se trouvait une vestale enlevée de force à son asile sacré, ne suffisaient pas à satisfaire l'impuissance de ses passions. Le maître du monde romain affectait de copier les manières et les vêtements du sexe féminin, préférant la quenouille au sceptre, et déshonorait les principales dignités de l'empire en les distribuant à ses nombreux amants ; dont l'un était publiquement investi du titre et de l'autorité de l'empereur, ou, comme il s'appelait plus correctement, de l'époux de l'impératrice. Cela peut paraître probable, les vices et les folies d'Héliogabale ont été ornés par la fantaisie et noircis par les préjugés. Cependant, en nous limitant aux scènes publiques présentées au peuple romain et attestées par des historiens graves et contemporains, leur infamie inexprimable surpasse celle de toute autre époque ou de tout autre pays[35]. »
James George Frazer
L'anthropologue du XXe siècle James George Frazer (auteur de Le Rameau d'or) a pris au sérieux les aspirations monothéistes de l'empereur, mais l'a également ridiculisé : « Le délicat prêtre du Soleil [était] le réprouvé le plus abandonné qui ait jamais été assis sur un trône… C'était l'intention de ce despote éminemment religieux mais fou de remplacer le culte de tous les dieux, non seulement à Rome mais dans le monde entier, par le culte unique d'Héliogabale ou du Soleil »[36]. La première biographie longue fut The Amazing Emperor Heliogabalus[37] (1911) de J. Stuart Hay, « une étude sérieuse et systématique »[38] plus sympathique que celle des historiens précédents, qui soulignaient néanmoins l'exotisme d'Héliogabale, qualifiant son règne de de « richesse immense et de prodigalité excessive, de luxe et d'esthétisme poussés à leur extrême extrême, et de sensualité dans tous les raffinements de son habitude orientale »[39].
Historiens contemporains
Certains historiens récents dressent un tableau plus favorable du règne de l’empereur.
Martijn Icks, dans Images of Elagabalus (2008 ; réédité sous le titre The Crimes of Elagabalus en 2011 et 2012), doute de la fiabilité des sources anciennes et soutient que ce sont les politiques religieuses peu orthodoxes de l'empereur qui ont aliéné l'élite du pouvoir de Rome, au point que sa grand-mère a jugé bon de l'éliminer et de le remplacer par son cousin. Il a décrit les histoires anciennes concernant l'empereur comme « faisant partie d'une longue tradition d'« assassinat de personnalité » dans l'historiographie et la biographie anciennes »[40].
Leonardo de Arrizabalaga y Prado, dans The Emperor Elagabalus: Fact or Fiction? (2008), critique également les historiens de l’Antiquité et émet l’hypothèse que ni la religion ni la sexualité n’ont joué un rôle dans la chute du jeune empereur. Prado suggère plutôt qu'Héliogabale était le perdant dans une lutte de pouvoir au sein de la famille impériale, que la loyauté des gardes prétoriens était à vendre et que Julia Maesa avait les ressources nécessaires pour déjouer et corrompre son petit-fils. Dans cette version des événements, une fois qu'Héliogabale, sa mère et son entourage immédiat ont été assassinés, une campagne de diffamation a commencé, aboutissant à une caricature grotesque qui a persisté jusqu'à nos jours[41]. D'autres historiens, dont Icks, ont critiqué Prado pour être trop sceptique à l'égard des sources primaires[42].
Warwick Ball, dans son livre Rome in the East, écrit un récit d'excuse de l'empereur, arguant que les descriptions de ses rites religieux étaient exagérées et devraient être rejetées comme de la propagande, de la même manière que les descriptions païennes des rites chrétiens ont depuis été rejetées. Ball décrit les processions rituelles de l'empereur comme une action politique et religieuse saine, arguant que le syncrétisme des divinités orientales et occidentales mérite des éloges plutôt que du ridicule. En fin de compte, il peint Héliogabale comme un enfant forcé de devenir empereur qui, comme on l'attend du grand prêtre d'un culte, a continué ses rituels même après être devenu empereur. Ball a justifié les exécutions par Héliogabale de personnalités romaines éminentes qui critiquaient de la même manière ses activités religieuses. Enfin, Ball affirme la victoire éventuelle d'Héliogabale dans le sens où sa divinité serait accueillie par Rome sous sa forme Sol Invictus 50 ans plus tard. Ball prétend que Sol Invictus en est venu à influencer les croyances chrétiennes monothéistes de Constantin, affirmant que cette influence demeure dans le christianisme à ce jour[43].
Représentations antiques ayant échappé à la damnatio memoriae
Héliogabale est connu par un ensemble de représentations ou de dédicaces qui ont échappé à l'opération de damnatio memoriae.
Inscription de Lyon
Bien que court, son règne est marqué par la dédicace que les habitants de Lyon (Lugdunum) lui accordent dans le sanctuaire fédéral des Trois Gaules. Un bloc de pierre, retrouvé lors de la destruction du pont de la Guillotière à Lyon, mesurant 57 cm × 180 cm × 55 cm, donne une inscription restituée par les archéologues Amable Audin et Pierre Wuilleumier :
« À l'empereur César Marc Aurèle Antonin, fils d'Antonin le Grand divinisé, petit-fils du divin Sévère, pieux, heureux, auguste, grand pontife, revêtu de la 3e puissance tribunitienne, consul pour la 3e fois, proconsul, père de la patrie, les citoyens romains résidant dans les trois provinces de Gaule, ont élevé (cette statue) officiellement, par les soins des allecti et à la fois summi curatores, Julius Saturnius de la province de Lyonnaise, … ilius Sabinus, de la province de Belgique, Aventinius Verissimus, de la province d'Aquitaine[45]. »
Probablement datée des années 220-221, la dédicace mentionne l'existence d'un organisme fédéral qui participe au culte impérial du sanctuaire des Trois Gaules. Les fonds de cette association sont gérés par les allecti, également summi curatores. Les provinces sont énumérées dans leur ordre hiérarchique : Lyonnaise, Belgique, Aquitaine[46].
Camée de Paris
Le cabinet des médailles de la BNF détient un camée représentant Héliogabale nu, se présentant dans de « triomphantes dispositions intimes », sur un char tiré par deux femmes nues et à quatre pattes[47].
L'Histoire Auguste mentionne ce fait, dont les historiens pensaient qu'il s'agissait d'une calomnie. Ce camée évoque des rites naturistes orgiaques qui se déroulaient au cours du culte du Dieu solaire instauré par l'empereur, où les ébats sexuels semblent avoir tenu une grande place[48].
Héliogabale dans les arts et la littérature
La vie de Héliogabale a notamment inspiré les artistes du mouvement décadent de la fin du XIXe siècle. L'idée que l'on a pu se faire de sa personnalité a pu servir de support aux œuvres suivantes :
Algabal (1892), un recueil de poèmes de Stefan George centré sur la figure d'Héliogabale.
De berg van licht (1905-1906), roman en trois volumes de l'écrivain néerlandais Louis Couperus.
Sainte Dorothée, un poème d'Algernon Charles Swinburne, qui évoque le martyre de la sainte sous le règne de l'empereur.
Antonin Artaud, Héliogabale ou l'Anarchiste couronné, Denoël et Steele, 1934. rééd. coll. L'imaginaire, Gallimard, 1997 (1979) (ISBN2-07-028472-7). Biographie écorchée où les grands principes de l'humain décadent se mêlent à la religion… pour l'unité. Très beau texte d'Artaud, particulièrement mal documenté d'un strict point de vue historique.
Jean Genet, Héliogabale, Gallimard, 2024. Une pièce inédite rédigée en 1942 et dont un manuscrit a été enfin retrouvé à la Houghton library.
Gabriel Matzneff, Le carnet arabe, 1971. Récit d'un voyage en Orient. Lors de la visite d'Émèse, Matzneff s'attarde beaucoup sur l'empereur. L'ensemble du livre est marqué par la figure du jeune empereur ; en dédicace, on peut lire : « À la mémoire tant ternie d'Héliogabale, grand prêtre d'un autre Soleil, adolescent couronné d'Émèse qui enfiévra l'Empire et qui vécut comme la plupart des hommes n'osent pas rêver. »
Le scandaleux Héliogabale, empereur, prêtre et pornocrate. (2006), un roman d'Emma Locatelli.
Le divin Héliogabale, César et prêtre de Baal, essai historique de Roland Villeneuve, éd. Guy Trédaniel, Paris, 1984.
La dernière prophétie, une série de bande dessinée de Gilles Chaillet dans les tomes 2 (Les dames d'Émèse, 2003) et 3 (Sous le signe de Ba'al, 2004).
Heliogabale est également le nom d'un groupe de noise rock français qui existe depuis 1992 dans lequel chante l'actrice Sasha Andres. Ils ont sorti 5 albums à ce jour[49].
↑ a et bDion Cassius, Histoire, LXXIX, 15-1 ; Hérodien, Histoire romaine, V et suiv.
↑Maggie L. Popkin, The Architecture of the Roman Triumph (2016), p. 170: « Dion est généralement considéré comme notre source la plus fiable pour cette période [l'ère Sévère] »
↑Martin M. Winkler, The Fall of the Roman Empire: Film and History (2012), p. 63: « Dion, un proche contemporain [de Marc-Aurèle] et généralement considéré comme la source la plus fiable de son époque ».
↑Leonardo de Arrizabalaga y Prado, Varian Studies Volume One: Varius (2017), p. 131
↑Modèle:Harvtxt : "Modern scholars have regarded Herodian as unreliable. However, […] his lack of literary and scholarly pretensions make him less biased than the senatorial historians."
↑Lucien Jerphagnon, Histoire de la Rome antique, les armes et les mots, éditions Hachette Littératures, 2008, p. 401-402 et Matthieu Gounelle, Les Météorites, éd. PUF, coll. « Que Sais-je », Paris, 2009 (ISBN978-2-13-057428-6).
↑Robert Turcan, Héliogabale et le sacre du Soleil, Albin Michel, 1985.
↑Michel-Yves Perrin dans Yves-Marie Hilaire (dir.), Histoire de la papauté, 2 000 ans de mission et de tribulation, éd. Tallandier/Seuil, 2003, p. 47.
↑Chastagnol, André, « Rencontres entre l'Histoire Auguste et Cicéron (à propos d'Alex. Sev., 6, 2) », Mélanges de l'école française de Rome, Persée - Portail des revues scientifiques en SHS, vol. 99, no 2, , p. 905–919 (DOI10.3406/mefr.1987.1572, lire en ligne, consulté le ).
↑Christian Bonnet et Bertrand Lançon, L'Empire romain de 192 à 325 : du Haut-Empire à l'Antiquité tardive, éd. 1997, p. 96 [lire en ligne].
↑Bill Leadbetter, « An eccentic book on Elagabalus (or Varius) – Leonardo de Arrizabalaga y Prado (2020), The Emperor Elagabalus: Fact or Fiction? » (book review), Journal of Roman Archaeology, vol. 27, , p. 677–680 (DOI10.1017/S1047759414001731, S2CID220616205, lire en ligne)
Dion Cassius, Roman history, books 71-80, édition d'Earnest Cary, Londres (Loeb Classical Library, Harvard University Press), 2001.
Hérodien, Histoire des empereurs romains, De Marc Aurèle à Gordien III, traduction de Denis Roques, Les Belles Lettres, collection La roue à livres, Paris, 2004.