Pour l’article ayant un titre homophone, voir Croquemithène.
Le croque-mitaine (ou croquemitaine) est un personnage maléfique présenté aux enfants pour leur faire peur et ainsi les rendre obéissants.
Il sert souvent à marquer les interdits vis-à-vis de moments ou de lieux considérés comme dangereux, en particulier par rapport à la nuit. Un croque-mitaine peut se dissimuler aux abords d'un cours d'eau ou d'un étang, afin de noyer les imprudents. Dans les régions où l'hiver peut être rigoureux, un croque-mitaine mange le nez et les doigts de l'enfant (les parties du corps les plus exposées aux gelures). La crainte provoquée par la menace de tels personnages crée une peur qui n'a plus besoin d'être motivée.
Les croque-mitaines existent dans l'imaginaire de tous les pays. Leurs noms sont extrêmement variables et, sauf quelques particularités qui permettent de les identifier, leur aspect est assez mal défini, ce qui, dans une transmission orale, permet à chacun de s'imaginer un être d'autant plus effrayant : homme, femme, animal (le loup joue parfois le rôle de croque-mitaine), ou même créature fantasmatique comme la came-cruse (ou camo cruso, en graphie classique cama crusa « jambe crue ») en Gascogne[1], qui est une « jambe nue avec un œil au genou ».
Des personnes réelles et vivantes (âgées, au physique inquiétant, ou vivant en retrait de la communauté) endossent souvent, volontairement ou non, la personnalité du croque-mitaine pour menacer les enfants. À cet égard, le croque-mitaine, supposé réel pour être efficace, entre peu dans les contes de la tradition orale, qui sont en principe acceptés comme des fictions par les auditeurs, ni les légendes, considérées comme vraies mais constituées d'un récit plus ou moins précis. Le croquemitaine se situe à la lisière, les uns (les parents) ne croyant pas à sa réalité, les autres (les enfants) étant persuadés de son existence. Le croque-mitaine est devenu un sujet pour la littérature, la télévision, le cinéma.
Étymologie
Le mot « croque-mitaine » apparaît dans la littérature au début du XIXe siècle. Collin de Plancy lui consacre un article dans son Dictionnaire infernal (1818)[2], avec un renvoi à l'entrée « Babau ».
La plupart des dictionnaires étymologiques éludent la question ou mentionnent simplement le difficulté de trouver l'étymologie exacte[3],[4],[5].
Le terme est formé de deux mots : « croque », du verbe « croquer » (mordre, manger) ou « crocher » (attraper avec un croc), et « mitaine », qui est plus difficile à interpréter. « Mitaine » pourrait dériver de l'ancien français mite, qui signifie « chat », compagnon du diable[6]. Il s'agirait donc d'un « mange-chat » dont le but serait de faire peur aux enfants. La mitaine, évoque potentiellement la main qui gifle [6]. Une autre interprétation verrait plutôt dans « mitaine » une proximité avec l'allemandMädchen ou le néerlandaisMeisje (dans ces langues, ces mots signifient « fille » au sens de « jeune personne féminine »)[7],[8].
Le terme de "croque-mitaine" se retrouve dans des livres, films et chansons :
Dans les livres et nouvelles fantastiques, on retrouve le croque mitaine dans son rôle original. On le trouve à maintes reprises chez Victor Hugo, et dans la chanson de Pierre-Jean de Béranger « Les myrmidons » datée de décembre 1819 :
mironton, mirontaine,
prends l'arme de ce héros ;
puis, en vrai croquemitaine,
tu feras peur aux marmots.
Il apparait aussi dans ce rôle dans « Croquemitaine n'est plus... », nouvelle de Jean Ray parue dans le recueil Le Carrousel des maléfices, (1964). Dans la série de romans jeunesse The Guardians of Childhood de William Joyce) adaptée en film d'animation sous le titre des Les Cinq Légendes, les figures connues du folklore de l'enfance s'opposent à Pitch Black, croque-mitaine ré-imaginé, à la fois roi des ombres, marchand de sable, etc. [9].
Dans l'audiovisuel moderne, le terme de croque-mitaine est repris dans les versions françaises de médias pour désigner un tueur en série. Ainsi, dans la série Heroes, le terme de croque-mitaine est utilisé pour désigner le serial killerSylar[10]; John Wick, assassin de la série de films éponymes, est surnommé Croque-mitaine, Baba Yaga ou encore Le Bonhomme-Sept-Heures[11]; Michael Myers est également décrit comme étant le croque-mitaine dans Halloween, la nuit des masques[12],[13].
Équivalents et quasi-synonymes dans le monde
Chaque terme désignant cette notion a des caractéristiques particulières qui excluent toute synonymie parfaite.
nom existant déjà depuis au moins le XIIIe siècle[17]. Son origine pourrait provenir de l'onomatopée d'un aboiement de chien, d'un cri d'animal, du rapprochement avec un être barbu, ou même d'une évolution de la sorcière Baba Yaga russe.[réf. nécessaire] En occitan, babau désigne une toute petite bête, un insecte, mais aussi une sorte de dragon mangeur d'hommes. En Italie, on le fait venir des Arabes et des envahisseurs sarrasins (Jean le noir). Dans son Dictionnaire infernal (1828), Collin de Plancy indique que le Babau est une « espèce d'ogre ou de fantôme, dont les nourrices menacent les petits enfants dans les provinces du midi de la France, comme on les effraie à Paris du Croquemitaine. Mais Babau ne se contente pas de fouetter, il mange en salade les enfants qui sont méchants ». AU XIXe siècle, Frédéric Godefroy rapproche les mentions moyennes-ageuse de barbeu de la figure du loup-garou dans son "Dictionnaire de l’ancienne langue française et de tous ses dialectes du IXe au XVe siècle"[17]
Europe et Amérique du Nord
France, Suisse, Italie, Québec
Boogeyman
Bogeyman, boogyman, bogyman, boogey monster (en Angleterre), Boggelmann (Allemagne)
Der schwarze Mann (Allemagne), l'Uomo Nero [réf. souhaitée](Italie)
Présent dans le jeu de l'homme noir en Allemagne, représentant un porteur de la peste noire. Il est notamment évoqué dans Angst, le chanson de Rammstein sortie en 2022[18],[19]
Europe
France, Allemagne
Le tailleur
Der Schneider
Il provient de l'histoire du Daumenlutscher écrit au XIXè siècle racontant que les enfants qui sucaient trop longtemps leur pouce risquaient, en punition, de faire venir le tailleur qui venait leur couper les pouces.
Personnification du froid, de l'hiver et de la nuit, qui est capable de congeler les personnes[25]. Il est censé menacer toute personne s'aventurant la nuit dans le froid.
"Papão" vient de l'expression "papar", qui signifie "manger", "dévorer", car la principale caractéristique attribuée au monstre en général est celle de manger les petits enfants.
Vagabond sinistre utilisé pour faire peur aux jeunes enfants et ainsi les rendre plus sages. Il était censé ramasser les enfants qui étaient encore dehors après sept heures du soir ou qui ne dormaient pas. Il s'agit aussi d'une chanson du groupe eXterio.[réf. nécessaire]
Croque-mitaine qui enlève les enfants et les dissimule à jamais. Les inukshuk en pierre permettent aux enfants de retrouver leur chemin s'ils arrivent à persuader l'ijiraq de les laisser partir.[réf. nécessaire] Une lune de Saturne s'appelle Ijiraq en référence à cette créature.
en référence au général Bugeaud lors de la conquête de l'Algérie par la France, pendant laquelle il a notamment couvert et encouragé les enfumades. Plusieurs générations plus tard, une mère qui veut effrayer son enfant pour lui imposer silence, lui dit : « Tais-toi, voici venir Bichou[34],[35]. »
figure utilisée par les parents afin de dissuader les enfants à aller dans les lieux considérés dangereux, pour les dissuader en les effrayant de faire telle ou telle chose, ou afin de convaincre les enfants à dormir tôt. L'öcü n'a pas de description physique propre et son mythe est transmis de manière orale.
Afrique du Nord et Proche orient
Turquie
Le suédois
Lointain souvenir de la Guerre de Trente Ans, par lequel on menaçait les enfants désobéissants : « Kindele bet, sunscht kummt d'r Schwed » (Fais ta prière, mon petit, sinon le Suédois va venir)[43],[44].
Oiseau imaginaire surtout connu parce qu'on racontait aux enfants qui traînaient en route qu'il se servirait de son bec pointu pour piquer leurs fesses et leurs talons afin qu'ils se hâtent. On promettait aux mêmes enfants de leur montrer l'incroyable nid de l'oiseau fabuleux, à condition qu'ils se montrent très sages et obéissants[47].
La sorcière des montagnes (qui n'est pas toujours mauvaise), vieille femme hideuse qui change d'apparence pour attraper ses victimes, leur fait croire qu'elle va les aider et les mange une fois gagnée leur confiance.
Père la Pouque (eul pé la pouque en cauchois), Bonhomme au(x) sac(s) (Saumurois), Abou Kiss (ابو كيس, au Liban), El hombre del saco (Espagne), Velho do Saco (Colombie)[réf. nécessaire], Bouchkara (Tunisie)[38], Boukhancha (Maroc)[55], Vecchio col sacco (Sud de l'Italie)[réf. nécessaire]
Personnage emenant les enfants qui ne sont pas sages dans un grand sac qu'il porte sur l'épaule
Monde
Bête Havette
Bête verte
Être fantastique vivant au fond des puits et des fontaines qui noie les enfants imprudents[56],[57],[58]. Pourrait venir du monstre marin 'hafkittanorrois[59].
Démon avec énorme corne verte au centre du front. Il tue les enfants méchants et désobéissants qu'il trouve sur son passage avec une fourche, les transportent dans un panier qu'il porte accroché sur son dos, jusqu'en enfer, où ils sont bouillis dans des énormes chaudrons.
Personnage qui se tenail sur les bords du fleuve et sur les rivages de la mer et emportait dans sa barque ceux qui s'en approchaient trop, en particulier les enfants[67]
Pelharot en Languedoc[68],[69], Pattier en Isère[14]
Le ramasseur de chiffons, qui venait ramasser les vieux tissus et duquel on menaçait les enfants pas sages (« Si tu n'es pas sage on te donnera au pelharot à son prochain passage »
Mendiant errant dans ou aux alentours et du village utilisé par les parents pour faire aux enfants, menacés d'être enlevés par lui. La Garaoude est par exemple une vieille femme qui vit dans une roulotte[14]. La Rose de Vallouise était une mendiante qui a réellement existé; elle venait chercher du pain à Pont-de-Cervières de Vallouise tous les printemps[14].
Europe
France
Garamauda
Bête noire, monstre imaginaire dont on fait peur aux enfants[71]. Le terme viendrait de Caramandus, chef Albicoï qui assiéga Marseille peu après sa fondation[71],[72]
Rafagnaoude est parfois utilisée sans description, Frédéric Mistral fait le lien avec ratafagnaudo ou ratafagnoudo, et le rapproche de la chauve-souris (de l'occitan, ratapenada, chauve-souris). Le rafagnaud désignerait lui un farfadet ou diablotin[74]. Rafagna signifie « grommeler » en Dauphiné[74].
Animal noir, sorte de grand loup cornu, aux grandes dents blanches, à la queue verte, qui prend les enfants méchants, les emporte dans les bois et les mange. Le bègue ne sort que la nuit. Il rôde dans la campagne mais peut aussi chercher à attirer les enfants dans l'eau.
Créature décrite comme « une femme corinthienne qui aurait dévoré ses propres enfants et qui fait partie des apparitions qui effrayent les enfants de crainte (ou de stupeur). Elle aurait eu une patte d’âne et aurait aussi été dotée du pouvoir de métamorphose. Son apparence est peu documentée »[78]. Platon dans Gorgias[79], Phédon[80], Critias[81] et le Criton[82], Xénophon dans ses Helléniques et Erinna de Télos font référence à un esprit malfaisant féminin du nom de « Mormo » (en grec ancienΜορμώ / Mormố)[83],[84]
Ce monstre chassait les enfants pour les manger. On disait qu'il avait des jambes d'âne. Après avoir dévoré un enfant, il était possible que Lamia soit capturée et éventrée pour pouvoir extraire l'enfant, que l'on supposait être encore en vie[85].
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↑Alfred Wahl et Jean-Claude Richez nous rapportent que dans les années 1950 on disait encore à Wangenbourg aux enfants désobéissants ou qui refusaient de dormir : « D'Schwede komme ! (Les Suédois vont venir !) » (La vie quotidienne en Alsace entre France et Allemagne, 1850-1950, Hachette, p. 281).
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A propos de croquemitaines : quelques considérations sur des faits asiatiques, Roland Mourer, Le Monde alpin et rhodanien. Revue régionale d’ethnologie Année 1998 26-2-4 pp. 123-129 . lire en ligne