Cohorte de la Légion d'honneur

La cohorte de la Légion d'honneur était une division administrative et territoriale de la France, visant à organiser l'ordre de la Légion d'honneur, lors de sa création, sur l'ensemble du territoire de la première République française puis du Premier Empire.

Historique

Décret du 29 floréal an X () portant création de la Légion d'honneur.

Devenu Premier Consul, Napoléon Bonaparte entreprend de réorganiser le pays sur des bases nouvelles nées de la Révolution tout en conservant certains fondements de l'Ancien Régime. C'est dans ce contexte que s'inscrit la création d'une récompense, la Légion d'honneur destinée à regrouper l'élite de la Nation : « Il faut créer un ordre qui soit le signe de la vertu, de l'honneur, de l'héroïsme, une distinction qui serve à la fois à la bravoure militaire et au mérite civil »[1].

La Légion d'honneur créée, il fallut ensuite l'organiser. Le décret du 29 floréal an X régla l'organisation primitive de la Légion d'honneur : elle fut composée d’un grand conseil d’administration composée de 7 membres[2] et divisée, territorialement en quinze (puis seize) cohortes auxquelles étaient affectés des biens nationaux portant 200 000 francs de rentes. L'arrêté du 13 messidor an X () compléta l'organisation et l'administration de la Légion d'honneur en découpant le territoire de la France en seize cohortes.

L'Empereur supprima cette expérience dès qu'elle se l'estima inefficace et ruineuse. Il renonça à une idée qui lui était chère au profit d'une utilisation plus pratique des terres domaniales. Cette réforme se fit en trois étapes : le décret du 11 pluviôse an XIII tout d'abord qui ordonna la vente de tous les biens non nécessaires pour constituer un revenu de 100 000 francs à la cohorte (on se souvient que le revenu primitif était de 200 000 francs), puis le décret du 15 ventôse an XIII autorisa l'aliénation libre des biens des cohortes, enfin le décret du qui supprima l'administration des cohortes et en transféra les biens à la caisse d'amortissement qui les transforma en rentes.

Rôle

Le projet reprenait l'optique des anciens ordres hospitaliers, car sur le territoire de chaque cohorte devaient se trouver « un hospice et des logements pour recueillir, soit les membres de la Légion que leur vieillesse, leurs infirmités ou leurs blessures auraient mis dans l’impossibilité de servir l’État, soit les militaires qui, après avoir été blessés dans la guerre de la liberté, se trouveraient dans le besoin (Titre I - Article 9) ». L'article 2 de la loi du 29 floréal avait fixé à quinze le nombre des cohortes, mais, la 27e division militaire ayant été immédiatement composée et la réunion des départements du Piémont étant décidée, on dut en former une seizième cohorte, quoique la réunion ne fut légalement prononcée que le 11 septembre (24 fructidor).

Chaque cohorte avait une vie communautaire puisque tous les légionnaires faisant partie des conseils de l'ordre de chacune des quinze cohortes, devaient se réunir deux fois par mois au moins au siège de la cohorte, et tous les légionnaires gradés ou non devaient au moins une fois par an se réunir au siège de la cohorte sous la présidence du chef de cohorte, dans une assemblée où l'on recevait le serment des nouveaux légionnaires et où on entendait l'éloge de ceux qui avait disparu.

La cohorte jouait également un rôle de médiateur entre l'usager et l'administration tout puissante : ainsi, les vieux soldats paysans mais légionnaires, qui subissaient les tracasseries de fonctionnaires médiocres, pouvaient rencontrer en petit comité un prestigieux maréchal d'Empire ou un amiral ayant accès direct auprès du Premier Consul, puis de l'Empereur lui-même. Pierre-Louis Roederer disait d'ailleurs au Corps Législatif dans la discussion sur la Légion d'Honneur le 15 floréal an X : « C'est une institution politique qui place dans la société des intermédiaires par lesquels les actes du pouvoir sont traduits à l'opinion avec fidélité et bienveillance et par lesquels l'opinion peut remonter jusqu'au pouvoir ».

La Légion d'honneur possédait 10 millions de bien-fonds et pouvait donc régir ses vastes domaines selon un mode expérimental[3]. Les cohortes se devaient de favoriser l'acclimatation des arbres utiles ou de plantes potagères ou médicinales ; elles devraient également provoquer le dessèchement des marais, boiser les landes, fertiliser les dunes, importer des races étrangères d'animaux de labour ou de bêtes de somme, créer des haras particuliers nécessaires à la remonte de la cavalerie et de l'artillerie.

Le résultat de cette politique agricole fut d'augmenter les revenus des cohortes grâce auxquels on pouvait entretenir les hôpitaux et les fondations destinés aux légionnaires âgés ou malades, tout en créant également une école d'agriculture.

Composition

La première République française et son territoire en 1800.

L'organisation au début, est de type militaire : chaque cohorte est dirigée par un général et composée de 7 Grands officiers, 20 commandants, 30 officiers et 350 légionnaires. Chacun porte serment et reçoit un traitement prélevé sur les biens de la cohorte :

La cohorte regroupait tous les légionnaires d'une région française composée de 6 à 9 départements, sous la direction d'un conseil de 9 membres comprenant :

Les chefs des cohortes étaient tous maréchaux de l'Empire sauf ceux des 10e et 13e cohortes qui sont respectivement l'amiral Decrès et l'amiral Bruix.

Les 16 cohortes

Cohorte Chef-lieu Chef de la cohorte Chancelier Trésorier Revenus bruts[4] de la cohorte
(en francs)
Départements
composant la cohorte
Population de la cohorte
(en nb d'habitants)
1re cohorte Fontainebleau, puis Crosne Louis-Alexandre Berthier Claude François Lefeuvre, commissaire ordonnateur des guerres Martin-Roch-Xavier Estève, trésorier de l'Empereur 300 000 Aube, Marne, Oise, Seine, Seine-et-Oise, Seine-et-Marne 2 241 240
2e cohorte Abbaye Saint-Vaast, à Arras Adolphe Édouard Casimir Joseph Mortier François-Joseph Lefebvre-Cayet, député au Corps législatif Jacques Louis Nicolas Vaillant, ex-constituant, maire d'Arras 300 000 Aisne, Ardennes, Jemmapes, Nord, Pas-de-Calais, Somme 2 677 104
3e cohorte Abbaye Saint-Pierre de Gand Jean-Baptiste Bessières François Joseph Beyts, procureur général impérial près la cour d'appel de Bruxelles Joseph Sébastien Dellafaille, député au Corps législatif 300 000 Lys, Escaut, Dyle, Deux-Nèthes, Ourthe, Sambre-et-Meuse 2 142 325
4e cohorte château de Brühl Nicolas Jean-de-Dieu Soult Joseph de Salm-Reifferscheidt-Dyck, député au Corps législatif Louis Maximilien Rigal, député au Corps législatif 529 851 Meuse-Inférieure, Forêts, Roer, Sarre, Rhin-et-Moselle, Mont-Tonnerre 2 035 093
5e cohorte Château de Saverne François Joseph Lefebvre Antoine Augustin Engelmann, conseiller de préfecture du Bas-Rhin Jean François Philibert Rossée, député au Corps législatif 263 093 Bas-Rhin, Haut-Rhin, Meurthe, Vosges, Moselle, Meuse, Haute-Marne 2 248 776
6e cohorte Ancien Palais des États de Bourgogne, à Dijon Louis Nicolas Davout Martin Lejéas-Carpentier, député au Corps législatif Nicolas Edme Viesse de Marmont, père du duc de Raguse 268 322 Doubs, Jura, Haute-Saône, Nièvre, Côte-d'Or, Saône-et-Loire, Léman, Yonne 2 306 809
7e cohorte Archevêché de Vienne (Isère) Michel Ney André Horace François de Barral de Rochechinard, général de brigade N. Plantain maire de Valence 462 146 Rhône, Loire, Haute-Loire, Isère, Mont-Blanc, Ain, Puy-de-Dôme, Allier 2 582 754
8e cohorte Ancien archevêché d'Aix Jean-Baptiste Bernadotte Joseph Gaspard Emmanuel Mathieu Pézenas, militaire Antoine-Ignace Anthoine négociant, maire de Marseille 632 500 Basses-Alpes, Hautes-Alpes, Bouches-du-Rhône, Var, Drôme, Vaucluse, Alpes-Maritimes, Golo, Liamone 1 493 063
9e cohorte Ancien évêché de Béziers Jean Lannes Marie Henri François Élisabeth de Carrion de Nisas, tribun Jean-Pascal Rouyer, général de brigade 177 837 Ardèche, Cantal, Gard, Lozère, Hérault, Tarn, Aveyron 1 785 767
10e cohorte Hôtel Saint-Jean puis ancien collège de l'Esquile de Toulouse Denis Decrès François Lagrange, ancien président du Corps législatif Guillaume Desazars, premier président de la Cour d'appel de Toulouse 111 133 Aude, Haute-Garonne, Hautes-Pyrénées, Basses-Pyrénées, Pyrénées-Orientales, Ariège, Gers 1 738 092
11e cohorte Ancien évêché et séminaire d'Agen Bon Adrien Jeannot de Moncey Jean Chrysostome Lacuée, premier président de la cour d'appel d'Agen Xavier de Sevin, chevalier de Malte 174 049 Landes, Gironde, Lot-et-Garonne, Lot, Dordogne, Corrèze 2 062 960
12e cohorte Abbaye de Saint-Maixent Joachim Murat Piter Deurbroucq[5], négociant, député Charles Jean Louis Aymé, officier du génie 414 049 Deux-Sèvres, Vendée, Vienne, Charente, Charente-Inférieure, Loire-Inférieure 1 806 802
13e cohorte Château de Craon et le Couvent des dominicains[Où ?] Étienne Eustache Bruix Joseph Anne Robert Malherbe, ex-tribun Guy Lorin maire de Rennes 250 000 Morbihan, Finistère, Côtes-du-Nord, Ille-et-Vilaine, Mayenne, Maine-et-Loire 2 513 032
14e cohorte Abbaye du Bec, près de Bernay André Masséna Louis-Jacques Savary, député au Corps législatif Lézurier (l'aîné), président du tribunal de commerce de Rouen 251 677 Manche, Calvados, Orne, Eure, Seine-Inférieure, Eure-et-Loir 2 649 458
15e cohorte Château de Chambord Charles Pierre François Augereau Pierre Jean Alexandre de Tascher de La Pagerie, chevalier de Saint-Louis Henri de Fontenay, député au Corps législatif 329 900 Indre-et-Loire, Loir-et-Cher, Cher, Indre, Loiret, Sarthe, Creuse, Haute-Vienne 2 039 699
16e cohorte Pavillon de chasse de Stupinigi Jean-Baptiste Jourdan Giuseppe Angelo Saluzzo di Menusiglio[6], officier général, de l'Académie de Turin Ignace Laugier, maire de Turin 500 000 Doire, Éridan, Marengo, Sésia, Stura, Tanaro non communiqué
Chefs-lieux des cohortes de la Légion d'Honneur
Chefs-lieux des cohortes de la Légion d'Honneur.

Annexes

Bibliographie

  • C. L. Gillot, Dictionnaire des constitutions de l'Empire français et du royaume d'Italie : formant un recueil complet de tout ce qui y a trait et rapport, et contenant le texte, 1°, de toutes les lois y relatives; 2°, du décret de réunion de l'État de Gênes à l'Empire français,, vol. 2, L'Impr. de J. Gratiot, (lire en ligne) ;
  • Testu, Almanach impérial pour l'année 1810 : présenté à S.M. l'Empereur et Roi par Testu, Paris, Testu, (lire en ligne) ;
  • A. Lievyns, Jean Maurice Verdot, Pierre Bégat, Fastes de la Légion d'honneur, biographie de tous les décorés accompagnée de l'histoire législative et réglementaire de l'ordre, vol. 1, [détail de l’édition] (BNF 37273876)  ;
  • Gabriel de Chamberet, Manuel du légionnaire : ou, Recueil des principaux décrets, lois, ordonnances, etc. relatifs à l'ordre de la Légion d'honneur depuis l'époque de sa création jusqu'à nos jours; précédé d'un précis historique sur la légion d'honneur, et suivi des décrets sur les maisons d'éducation de l'Ordre, sur ..., Corréard, , 2e éd., 347 p. (lire en ligne) ;

Notes et références

  1. CRDP de Champagne-Ardenne, « La légion d'honneur », sur crdp-reims.fr, (consulté le )
  2. Bonaparte organisa aussitôt le grand conseil d'administration. Le 16 thermidor an X (), furent nommés membre du grand conseil de la Légion d'honneur, de droit, les trois Consuls : Napoléon Bonaparte, Cambacérès et Lebrun, le Sénat conservateur désigna le général Kellermann, le Tribunat Lucien Bonaparte, le Conseil d'État Joseph Bonaparte. Le Corps législatif n’étant plus en session, Bernard Germain de Lacépède fut désigné comme septième membre. L’une des premières tâches du grand conseil d’administration fut de nommer, le 3 fructidor an XI (), un Grand chancelier (ce fut Lacépède qui resta Grand Chancelier jusqu’à la fin de l’Empire et fut confirmé pendant les Cent-Jours) et un grand-trésorier (Jean François Aimé Dejean, ministre de l'Administration de la Guerre).
  3. Un exemple pris dans la 4e cohorte (La 4e cohorte comprenait la région rhénane, son chef-lieu est au château de Bruhl, elle comprend les départements de la Meuse inférieure, des forêts, du Roer, de la Sarre, du Rhin et Moselle et du Mont-Tonnerre) suffira à en comprendre le fonctionnement. L'agent de la cohorte M. Lamotte-Paisant dresse un rapport au chef de la cohorte, le maréchal Soult, et au chancelier, le prince de Salm-Dyck, dans lequel il expose les orientations nécessaires dans l'exploitation des domaines. « Il faut en diviser l'exploitation, dit-il, en sept branches principales :
    1. Acquisition de bêtes à laine, race d'Espagne,
    2. Acquisition de bêtes à cornes, établissement d'un troupeau de souche,
    3. Défrichements, formation de prairies artificielles,
    4. Plantation d'arbres fruitiers tel que poiriers, pommiers à cidre, pruniers à eau-de-vie, noyers, etc.,
    5. Établissement dans les chefs-lieux de distilleries pour les eaux-de-vie de grains, de pommes de terre et de prunes,
    6. Ensemencement de colza et de navette, établissement de moulins pour la fabrication des huiles,
    7. Ensemencement de lin, chanvre et établissements pour leur préparation, filatures et emplois. »
  4. Quotité du revenu brut des biens affectés à la dotation de chaque cohorte
  5. « Piter Deurbroucq », sur roglo.eu, Base de données généalogique (consulté le )
  6. « Biographie de Giuseppe Angelo Saluzzo di Saluzzo Monesiglio 1734 - Torino 1810, sur www.imss.fi.it »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogleQue faire ?), sur imss.fi.it (consulté le )

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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