Alphonse V, surnommé « l'Africain » à cause de ses conquêtes au nord de l'Afrique, douzième roi de Portugal et troisième de la dynastie d'Aviz, naît à Sintra le et meurt dans la même ville le . Il est le fils du roi Édouard Ier de Portugal et de son épouse Éléonore d'Aragon. Il succède à son père en 1438.
La régence
Alphonse n'a que 6 ans à la mort de son père qui avait désigné sa femme, Éléonore, comme régente. Ce choix est très impopulaire car la reine est étrangère et, après diverses péripéties, dont une tentative de corégence, la municipalité de Lisbonne lui préfère Pierre, duc de Coimbra, frère du défunt. Les autres assemblées du pays confirment ce choix, et Pierre obtient définitivement la régence.
Le nouveau régent tente de limiter le développement des grandes maisons aristocratiques, véritables royaumes dans le royaume, et de concentrer le pouvoir dans les mains du roi. Sous son administration, le pays connaît une période de prospérité économique mais le climat politique se dégrade et la noblesse complote. En 1442, à l'âge de 10 ans, le roi épouse sa cousine Isabelle, la fille de Pierre, ce qui conforte la position du régent mais la même année il nomme son oncle Alphonse duc de Bragance. Avec ce titre, ce rival du régent devient l’homme le plus puissant du Portugal et l'un des plus riches d'Europe.
Lorsqu'Alphonse atteint ses 14 ans, âge légal pour régner, il maintient son oncle Pierre dans ses fonctions de régent. Celui-ci est alors accusé de vouloir confisquer le sceptre à son profit. Ses opposants finissent par convaincre le roi qui, le , annule la régence et assume seul le pouvoir. Le roi annule toutes les décisions prises sous la régence et, sous un prétexte, déclare le duc de Coimbra rebelle. Il s'ensuit un conflit armé qui coûte la vie à Pierre à la bataille d'Alfarrobeira le . Ainsi meurt selon l'Illustre génération[1], « Le plus remarquable prince ».
Mise en ordre du royaume
Le règne d'Alphonse voit l'aboutissement d'un ancien projet de compilation et modernisation des lois qui régissent le royaume de Portugal. Ces lois étaient nombreuses et émanaient de diverses sources (chartes médiévales, décrets monarchiques, droit canon), si bien que la dispersion juridique était très grande. Le travail fut initié sous le règne de Jean Ier sous la conduite de João Mendes, puis continué, après la mort de ce dernier, par Rui Fernandes sous le règne d'Édouard Ier, sous la régence, puis sous le règne d'Alphonse V.
Le résultat est publié en 1446 sous le nom d'Ordenações do Senhor Rei Afonso V. Il n'y a pas de division systématique par sujets ; ce n’est donc pas un code. Sa structure n’est pas basée sur les objectifs des textes mais bien sur leur origine. Une préséance est établie en cas de conflit : dans l’ordre, viennent d’abord les lois générales de la nation, ensuite les lois canoniques et, enfin, les lois romaines. Bien que rudimentaire, ce travail constitue une avancée majeure dans l’évolution du droit portugais[réf. nécessaire].
La poursuite des découvertes
À partir de 1440, sous l'influence de l'infant Henri le Navigateur, oncle d'Alphonse, les expéditions maritimes reprennent :
De 1441 à 1445, Antão Gonçalves réalise trois voyages au sud du cap Bojador et ramène du Río de Oro les premiers Noirs débarqués au Portugal, initiant la traite des Noirs. En récompense de cet acte de « bravoure », Antão est armé chevalier par Nuno Tristão, le capitaine-mor de l’expédition ;
en 1461, Madère, découverte vierge d’occupation humaine en 1419, exporte déjà du grain mais la production de sucre y est prédominante (les techniques utilisées sont plus tard copiées au Brésil) ;
La chute de Constantinople, le , avait été un événement traumatisant pour le monde chrétien suscitant des appels à la croisade. Alphonse V rassemble ses troupes mais les autres monarques occidentaux ne répondent pas à l’appel. Le roi lance alors ses hommes dans la conquête du Maroc. Rapidement, les Portugais s’emparent de Ksar Sghir en 1458 mais échouent une nouvelle fois dans la prise de Tanger en 1463. Cependant, ils réussissent la conquête d'Assilah en 1471 qui voit la prise de cette ville très peuplée et prospère le , alors que Tanger se rend sans combattre le 29.
Alphonse V se rendit alors à Tours auprès du roi Louis XI et abdique temporairement en faveur de son fils Jean.
Le roi bénéficia de ce séjour en France afin d'effectuer les pèlerinages[b 1]. Cependant, il semble que ses voyages eussent pareillement les objectifs politiques, car les destinations étaient Perpignan (cathédrale Saint-Jean-Baptiste) où Jean II d'Aragon était préféré par les habitants[b 2] ainsi que Nancy (Commanderie de Saint-Jean) pour prendre les entretiens avec Charles le Téméraire, cousin par sa mère[b 3]. De plus, la route était dangereuse parce qu'un certain nombre de villes, comme Lyon et Reims, subissaient de la peste[b 4]. Louis XI chargea au bailli d'Évreux de l'accompagner :
« De par le roy. Chiers et bien amez, vous avez bien sceu comme tres hault et tres puissant prince nostre tres chier et tres ame frere, cousin et allie le roy de Castille, de Leon, de Portugal, est venu devers nous, dont avons este et fuymes tres joyeulx, et s'en va presentement en aucuns pellerinages, esquelx faisant, luy conviendra passer par vous, et pour le conduire et faire recevoir honnestement, envoyons avec luy nostre ame et feal conseillier et chambellain le seigneur de Genly, nostre bailly d'Evreux et cappitaine de Rouen. Sy volons et vous mandons tres expressement et neantmoins prions bien acertes, que vous vous preparez de recevoir nostre dict frere et allye et luy faire tout l'onneur et bonne recepcion que vous porrez, tout ainsy que feriez a nostre personne propre, tellement qu'il ayt cause de s'en louer. Et sur ce vueilliez [croire] et faire ce que ledict sieur de Genly vous dira, comme se nous mesmes le vous disions. Donne au Plessis du Parc [-lèz-Tours], le XIIe jour de novembre [1476][a 2]. LOYS. BASTART. A noz chiers et bien amez les lieutenans, bourgoys, manans et habitans de nostre ville de Reims[a 3]. »
Pourtant, le cousin Charles le Téméraire mourut peu après, lors de la bataille devant Nancy le . Au début du mois de mai, Alphonse V arriva à Arras, ville en ruine, afin de rejoindre Louis XI qui y séjournait pour la campagne[b 3]. En s'apercevant les situations dégradées, le roi de Portugal décida de retourner à son royaume[b 5].
En attendant que sa flotte n'arrive, il demeura à Rouen pendant l'été[b 5]. En septembre[b 6], le roi rédigea son testament à Honfleur, en rendant hommage à Notre-Dame de Grâce chaque matin[b 7]. Enfin il y embarqua et le arriva au Portugal mais réussit à reprendre son trône[2].
Finalement, le , un traité est signé à Alcáçovas et le roi du Portugal renonce à la couronne de Castille et à son mariage avec Jeanne. Le futur roi Jean II de Portugal parvint à faire la paix avec ses voisins avec un projet de mariage entre son fils Alphonse et Isabelle, héritière de Castille. La princesse Jeanne finit ses jours dans un couvent et Alphonse V mourut de la peste le . Il fut inhumé dans la chapelle du fondateur de style gothique flamboyant dans le monastère de Batalha.
Le royaume du Portugal de 1410 à 1450
Le royaume du Portugal de 1450 à 1479
Un roi lettré
Alphonse V avait l’érudition dans le sang. Il n’écrivit pas d’œuvres originales, comme Édouard ou Pierre, mais il forma une bibliothèque et favorisa la littérature. En cela, il fut un exemple.
↑P. 101, note no 1 ; cette date est justifiée par le récépissé suivant : « Le unziesme jour du moys de janvier mil IIIIc LXXVI (v. st., à savoir avant Pâques, donc janvier 1477), par monseigneur de Genly, conseillier et chambellain du roy, bailly d'Ebvreux et cappitaine de Rouan, furent apportees lettres du roy adressees a messires de la ville de Reims, contenant la forme qui s'ensuit … »