On note de nombreuses altérations de toponymes par attraction paronymique :
L'Écluse (Pyrénées-Orientales) : appellation transitoire en français de Les Cluses, du Catalan la Clausa attesté en 1285, erreur déjà constatée en 1479, et rectifiée depuis[1].
l'Araignée : interprétation de l'Arénier, a priori de arena « sable », en tout cas de *ar « pierre ».
Le Blanc (Indre) : attesté sous les formes Obliacensis en 968 et Oblinco en 1159, peut-être préceltique *obl- et suffixe -incum[2].
Bonnœil (Calvados) : rien à voir avec « bon œil » ; du gauloisBono-ialon « défrichage de *Bonos ».
Bordeaux (Gironde) : anciennement Burdigala, devenu *Burdial, réinterprété en un diminutif masculin de borde « grange », devient Bordeu en gascon. Bordeaux en langue d'oil est l'ancien pluriel de bordel, au sens de « petite maison », « maison isolée ». Il est aujourd'hui interprétable par « bord de l'eau » alors que son origine est tout autre : Burdigala serait peut-être un nom basco-aquitain. *burd signifierait « marais » et *gala se traduirait par « abri ». Le nom aurait ensuite évolué en Bordigala, puis en Bordale en basque, Bordèu en gascon, francisé en « Bordeaux ».
Bonnœuvre (Loire-Atlantique) : rien à voir avec une bonne œuvre ; du gaulois Banno-briga « place forte de Banna ».
Camarade (Moulon, Gironde) : déformation de Cambrade, c'est-à-dire « chènevière », « endroit où pousse du chanvre ».
Les Chéris (Manche) : altération d’Escheriz, mentionné au XIVe siècle, déverbal de l'ancien français escharir « partager », se rapportant à « une terre partagée »[4].
Clairefougère (Orne) : Clivefeugeriam aux XIIe et XIIIe siècles[5]. Le premier élément du toponyme semble représenter soit l'ancien scandinaveklif, soit l'ancien anglaisclif « rocher ; escarpement ; falaise ».
Corps-Nuds (Ille-et-Vilaine) : attesté (vicus) Cornutius au VIe siècle et Cornus vers 1330. Du bas latin *Cornucium de cornu « corne » > « pointe » + suffixe -ucium ou de l'anthroponyme gallo-romain Cornucius, dérivé du gaulois Cornos[6].
Grand-Couronne / Petit-Couronne, altération d'après le français couronne du toponyme scandinave CurthelmiXe siècle, Corhulma 1032 - 1035[8]
Les Deux Sœurs : altération de les deux sours « les deux sources » en ancien français.
L’Homme, et ses variantes (la plus célèbre : l'Homme mort, les deux hommes, etc.) : de ulmus, « orme » (donc l'orme mort, etc.).
Saint-Léger-du-Bourg-Denis (Seine-Maritime) : forme officielle pour Saint-Léger-Bourdeny (*BURDINIACO > Bordeneio, BurdeniXIIe siècle)[9].
Saint-Martin-la-Plaine (Loire) : Saint Martin le Plaintié d'après en cartulaire de 987, toponyme qui donnera plus tard la Plaigne et la Plagne, désigne le plant (cep de vigne) ou le planté (de vignes), et non une plaine (le bourg est sis au sommet d'une colline).
Les Vieux (Seine-Maritime) : anciennement les Vez « les gués » en normand[10].
Le Val-au-Sou à Orville (Orne), un solidus en or sans doute. En fait, attesté sous la forme Vallis Osulfi en 1166, anthroponyme normand d'origine anglo-scandinave Auzou(f) / Osou(f).
Vieux-Fumé (Calvados) : la forme ancienne Vadum Fulmeriii de 1025 montre qu'il s'agit initialement du « gué de Fulmer », nom de personne d'origine germanique (Folk-mar, de folk « peuple » + -mar « célèbre ») [11]. La forme erronée Vieux repose sur le traitement dialectal normand de gué, généralement noté vey. L'altération de Fulmer en Fumé est quant à elle attestée dès 1277 sous la forme latinisée Vadum Fumatum[11], littéralement « gué fumé ».
Parfois de belles histoires sous-tendent ces altérations. Ainsi Guatarram, nom d'une grotte creusée par une rivière souterraine, est-il sublimé en Betharram (« beau rameau » en gascon), nom d'un personnage qui aurait sauvé de la noyade une fillette en perdition[12].
D'autres fois les assimilations sont moins plaisantes. Pourquoi continuer à trouver « Vilaine » la Visnaine (en latin Vicinonia) ?
Il existe de très nombreux autres exemples de toponymes dénaturés et des centaines de toponymes dont le nom est expliqué par une « légende toponymique » fondée sur une étymologie populaire[13].
Saint-Gourson (Charente) : d'un nom gallo-romain, Sergiuntus auquel est apposé le suffixe -onem.
Saint-Igny-de-Vers (Rhône) : d'un toponyme gallo-roman Sentiniacum (attesté Semtiniacus au XIe siècle) semblable à Sinzenich (Allemagne, Sentiniacum sans date).
Saint-Romphaire, altération du nom de sanctus Romacharius « saint Romacaire » (germanique Rumakar), sous l'influence du nom de personne norroisRumfari, avec graphie -ph- hellénisante[18].
Dans Le Néouvielle : v = [b] et -elle = -eillo ; la prononciation devrait être « Nèoubiéillo » du gascon nèu vielha (pron. « nèou biéillo ») 'vieille neige'.
Boucheporn : francisation du germanique busch, le [b] de born (fontaine/source) est passé à [p] par dévoisement spontané.
↑ a et bAlbert Dauzat et Charles Rostaing, op. cit. p. 713b.
↑In Toponymie générale de la France, Volume I, Librairie Droz 1990. p. 1867, Ernest Nègre signale que la forme primitive Guatarram (qu'il interprète comme signifiant peut-être « le bosquet du gué » a été au XVIIe siècle remplacée par Betharram « le beau rameau ». Il fait allusion, sans préciser davantage, à une légende.
↑Voir à ce sujet l'ouvrage de Jacques E. Merceron, La Vieille Carcas de Carcassonne. Florilège de l'humour et de l'imaginaire des noms de lieux en France, Paris, Seuil, 2006.
↑Jean Sagnes (dir.), Le pays catalan, t. 2, Pau, Société nouvelle d'éditions régionales, , 579-1133 p. (ISBN2904610014).
↑Il s'agit en fait d'une hypercorrection pour « Saint-Mard » (« Mard » représentant l'évolution phonétique normale de « Medardu(s) ». Comme le [e] devant un [r] implosif s'était ouvert en [a] dans la langue populaire (voir « Piarrot » pour « Pierrot » chez Molière), on crut bien faire en revenant au [e], comme c'est le cas de « gerbe » qui devrait se dire « jarbe ».