Né de père résistant et de mère juive, il a vécu la 2e guerre mondiale comme « enfant caché », révélation qu'il a faite lors de son 70e anniversaire, le , dans un entretien au journal Le Soir[1].
À 11 ans, Pierre Mertens écrit déjà de petites pièces pour les fêtes scolaires. Avec le problème algérien, il s'éveille à la «conscience politique». Tandis qu'il étudie à l'Athénée d'Etterbeek, il entreprend une autobiographie en plusieurs tomes. Il se forme à l'Université libre de Bruxelles pour y étudier le droit.
Reconnu et engagé, Mertens amoureux des littératures, notamment allemande et française, a réfléchi sur la fonction sociale de l'écrivain. Pour lui, vie privée, fiction et Histoire paraissent indissociables. C'est ainsi qu'il accorde une place centrale à la mémoire : le romancier trouve la matière de son œuvre dans un passé personnel et historique. Lui-même est particulièrement marqué par les activités de ses parents (un père journaliste et mélomane, une mère biologiste et pianiste), par l'occupation allemande, l'exécution des Rosenberg ou encore la tragédie des mineurs de Marcinelle en 1956. Plus tard, l'observateur du droit international dénoncera le génocide au Biafra, la torture en Irlande et les prisons de Pinochet.
Dans ses romans, on retrouve, d'une part, l'influence de la musique par les leitmotivs qui les traversent (la figure du tigre, par exemple). Il est aussi l'auteur d'un livret d'opéra, La Passion de Gilles (1982). D'autre part, ses voyages et sa formation universitaire lui permettent une ouverture à un univers plus large que son pays. Dans Les Bons offices (1974) et Terre d'asile (1978), par exemple, l'histoire belge est présentée sous le regard d'un étranger et prend un sens nouveau. Mertens voit d'ailleurs dans son pays une synthèse fascinante des problèmes européens.
Sur fond d'Histoire, les personnages de Mertens se reconstruisent après une cassure, une rupture, une tragédie. L'écriture fait entendre ce déchirement par la structure et le style : monologues délirants avec ellipses temporelles pour dire les contradictions de l'individu dans le monde.
Le message de Mertens est cependant positif : le doute est fécond, il ne doit jamais être source de résignation et il faut préférer l'homme de terrain aux cyniques. Quant à la littérature, son rôle est primordial dans la lutte contre l'obscurantisme :
« Je m'en remets à la culture pour nous sauver. Le droit à la littérature est un droit de l'homme ». P. Mertens
Mertens déclencha la controverse et le battage médiatique dans son pays avec son livre Une paix royale, publié en 1995. Le livre raconte une histoire romancée, mélangeant fiction et réalité : un narrateur plus que quadragénaire se souvient de sa jeunesse et ses amours, du lieu de rencontre avec sa compagne actuelle et des activités de sa mère, de sa grand-mère dans sa roulotte et du premier vélo qu'il reçut d'elle pour son anniversaire. Il ne peut oublier la perte de ce cher premier vélo car le cycliste adolescent qu'il était fut bel et bien renversé par une grosse voiture de course conduite par deux membres éminents de la famille royale de Belgique. Une passion jubilante d'enquêteur le mène vers l'approfondissement de ces multiples thèmes encombrant trop légèrement sa mémoire. Il en vient à refaire à roue libre l'Histoire ou à retrouver d'autres histoires, en passant du cyclisme belge à la couronne belge à laquelle le lie cette rencontre fortuite. La princesse Lilian Baels et le prince Alexandre de Belgique, que l'auteur avait rencontrés au domaine royal d'Argenteuil, lui intentèrent un procès très médiatisé pour imposture. Mertens fut jugé et contraint de retirer quelques pages des éditions suivantes de son livre. Il reçut également le prix Jean-Monnet de littérature européenne du département de la Charente[2] pour cet ouvrage.
En 1980, la cinéaste Eva Houdova réalise Auto-stop (court-métrage de fiction d'après une nouvelle de Pierre Mertens, tourné en 35mm, 12 minutes 30 secondes)[3]
Comme le rappelle Jean-Pierre Orban, Pierre Mertens fut une figure importante de la vie culturelle belge d'après la Seconde Guerre mondiale. Il participe ainsi à d'importants débats politiques belges notamment autour de la belgitude[4].
↑Annuaire du film belge 1980/81 — Jaarboek van de Belgische film 1980/81 (Bruxelles, Cinémathèque royale de Belgique, 1981), Le court en dit long 1990-1991 (Bruxelles, Direction de l'Audiovisuel du Ministère de la Culture et des Affaires sociales, 1991), p. 127.
↑ a et bDaniel Delas, « Jean-Pierre Orban, Pierre Mertens. Le siècle pour mémoire. Biographie, Bruxelles, Les Impressions nouvelles, coll. « Traverses », 2018, 543 p. », Continents manuscrits [En ligne], Comptes-rendus de parutions, mis en ligne le 01 février 2019, consulté le 24 décembre 2020. URL : http://journals.openedition.org/coma/3290 ; DOI : https://doi.org/10.4000/coma.3290
Voir aussi
Bibliographie
Danielle Bajomée (dir.), Benoît Denis (dir.), Didier Coste, Philippe Di Meoet al., Pierre Mertens : La littérature malgré tout, Paris, Complexe, coll. « le temps et les hommes », , 117 p. (ISBN2-87027-662-1)