Cet article traite des conventions et des usages de l'odonymie en France.
Histoire
Il est possible de distinguer plusieurs époques où l'on observe une typologie similaire des noms de rue sur le territoire français :
Moyen Âge : à la fin du XIIIe siècle, avec l'extension et le peuplement des villes comme Paris, la nécessité se fait sentir de distinguer les maisons les unes des autres[1]. Les dénominations répondent à cette époque à une logique fonctionnelle. Le nom de la voie est celui du lieu qu'elle dessert, ce lieu étant religieux (« place de l'Église », « rue des Capucins ») ou civil (« place du marché », « rue des Bouchers », noms souvent en référence aux métiers qui sont regroupés dans une rue qui en prend le nom ou des « maisons où pend l'enseigne »)[1], etc.
À partir de 1600, sur une idée du duc de Sully, les rues adoptent des noms n'ayant pas de rapport direct avec le lieu désigné, alors que leur dénomination devient progressivement un monopole public et royal : d'après le chercheur Dominique Badariotti, ce dernier « s'exerce dès lors tant bien que mal, fonctionnant mieux à Paris qu'en province et valorisant les puissants du royaume ou les notables régionaux »[2] ;
Premier Empire : déjà sous le Directoire, la débaptisation s'essouffle. Sous l'Empire le phénomène s'inverse et les « rues Saint-Antoine » ou « rues de l'Église » sont réintroduites. C'est aussi l'époque de l'apparition des noms de généraux[3] et de victoires militaires dans les villes françaises : « rue de Wagram », « rue Ney », etc. ;
En 2016 en France, les quinze odonymes suivants sont les plus fréquemment cités sur les plans des rues[4],[5]. Ces données sont tirées du fichier FANTOIR, produit et utilisé par la Direction générale des Finances publiques (DGFiP) pour l'édition et l'émission des feuilles d'impôts. Sa mise à jour est trimestrielle[6].
En 2016, la liste des 200 noms de personnalités les plus donnés aux voies françaises (rues, boulevards, avenues, etc.)[8] montre qu'il s'agit essentiellement des hommes de littérature et du monde politique, loin devant ceux du monde scientifique et du monde militaire. Cette liste comprend en premier le général de Gaulle (incarnation de l’homme providentiel, héros de la Résistance, libérateur du pays et figure tutélaire de la Ve République) avec plus de 3 900 odonymes dont 1 056 places et 21 quais ; Louis Pasteur (archétype du savant qui contribue au progrès humain) avec 3 354 odonymes ; Victor Hugo (incarnation de l’écrivain total et engagé) avec 2 255 odonymes ; Jean Jaurès avec 2 370 odonymes et Jean Moulin avec 2 215 odonymes[5]. Si l'on excepte la mention « Notre-Dame », Marie Curie est la première femme à apparaître dans la liste, en 17e position, avec 999 occurrences. Au total[9], 15 femmes sont présentes, soit 7,5 % de l’effectif total.
Plusieurs odonymes rappelant des dates importantes de l'histoire de France approchent ou dépassent également le millier d'occurrences, si on cumule les types de voies et les variantes orthographiques ; entre autres :
Les villes françaises utilisent plusieurs noms, définissant plus ou moins le type de voie qu'ils désignent ; en incluant les langues régionales, il en existe plusieurs centaines[10].
La plupart de ces noms de voies peuvent être complétés d'adjectifs qui créent autant de variantes. Ces adjectifs sont par exemple :
Grand(e)- : rue, place, boulevard, parvis, voie, etc.
Grand'rue
Ancien(ne)- : route, chemin, voie, place, etc.
Nouveau (nouvelle)- : rue, chemin, voie, etc.
Long(ue)- : rue, etc.
Les dénominations suivantes s'appliquent à des voies qui ne sont pas des rues, soit parce qu'elles ne se trouvent pas en zone urbaine, soit qu'elles en sont complètement isolées. Ces voies ne remplissent donc qu'une fonction de circulation exclusivement :
Dans les parties du territoire qui avaient pour langue courante une langue autre que le français, il arrive parfois que certains odonymes soient en réalité des répétitions, reprenant la désignation du lieu en langue locale.
Les exemples ci-après se situent dans les pays de langue d'oc :
Dans l'est du territoire roman, l'odonymie francophone subit l'influence des langues germaniques, dans lesquelles le déterminant précède normalement le déterminé. On trouve ainsi à Metz une Fournirue, une Nexirue, une Chaplerue ou encore une Jurue[11]. Ces odonymes s'emploient avec la proposition « en » : par exemple, « l'hôtel de Gargan est situé en Nexirue », et non « rue Nexirue ».
↑Dominique Badariotti, « Les noms de rue en géographie. Plaidoyer pour une recherche sur les odonymes », Annales de géographie, vol. 111, no 625, , p. 285-302 (lire en ligne, consulté le ).
Stéphane Gendron, La Toponymie des voies romaines et médiévales : Les mots des routes anciennes, Paris, Errance, , 196 p. (ISBN2-87772-332-1)
D. Badariotti, Les noms de rues en géographie. Plaidoyer pour une recherche sur les odonymes, vol. 625, Armand Collin, coll. « Annales de géographie »,
Jean-Claude Bouvier et Jean-Marie Guillon, La Toponymie urbaine : significations et enjeux, actes du colloque tenu à Aix-en-Provence (11-12 décembre 1998) organisé par l'UMR Telemme, Paris, éditions L'Harmattan, , 256 p. (ISBN2-7475-0656-8, lire en ligne)
Jean-Claude Bouvier, Les noms des rues disent la ville, Paris, Christine Bonneton, , 223 p. (ISBN978-2-86253-413-8) et sur France-Culture, en janvier 2008, rediff. en décembre 2023.