Un monceau est une petite butte. Les premières implantations sur la rive droite de Paris se firent d'abord sur de petits monceaux de graviers, entourés par des terrains marécageux (d'où l'appellation de Marais) inondés par la Seine lors des crues, principalement sur les monceaux les plus proches de la Seine, Saint-Gervais, Saint-Merri, Saint-Germain l'Auxerrois et Saint-Jacques. Le monceau Saint-Gervais trouve derrière l'Hôtel de ville, autour de l'église Saint-Gervais-Saint-Protais ; la différence d'altitude a presque disparu du fait de l'arasement partiel en 1844-1847 et de la montée des terrains environnants, mais la volée de marches entre la rue des Barres, qui suit approximativement la ligne de crête du monceau, et la rue François-Miron en est le témoignage.
Topographie
Le monceau Saint-Gervais est la partie sud du quartier Saint-Gervais. N’étant pas un quartier administratif, ses limites ne peuvent être strictement fixées.
Au sens le plus large, on peut l'entendre comme l'ensemble de la butte qui émergeait de la zone marécageuse inondable de la rive droite à l’époque gallo-romaine et au début du Moyen Âge. Cette petite colline s’étendait à l’est jusqu’à l’emplacement de la rue Beautreillis, au nord jusqu’à la rue du Roi-de-Sicile et la rue de la Verrerie et se terminait à l’ouest à la place de Grève (place de l’Hôtel-de-Ville). Au-delà, au nord de l’échancrure de cette place, les parties émergentes se prolongeaient par la butte des Arcis à l’emplacement de la tour Saint-Jacques (ancien quartier Saint-Jacques-la-Boucherie) et autour de l’église Saint-Merri. Ce relief adouci au Moyen Âge par l'élévation des parties basses en conséquence de l’accumulation de déblais des destructions-reconstructions des bâtiments au cours des siècles était resté relativement net jusque vers 1850 avant les opérations de nivellement des travaux du Second-Empire. Il en subsiste quelques vestiges, par exemple les escaliers de la rue Cloche-Perce de part et d’autre de la rue de Rivoli, le plus visible étant l’îlot autour de l’église Saint-Gervais qui domine son environnement.
Au sens le plus restreint, le monceau Saint-Gervais peut être limité à ce secteur entre la rue du Pont-Louis-Philippe et la rue de Brosse, qui est celui de la partie ouest de l’îlot insalubre n° 16 rénovée des années 1950 jusqu'au début des années 1970 sous la coordination de l’architecte Albert Laprade.
On peut également le comprendre comme étant l’ensemble du territoire de ce plan de rénovation urbaine qui s’étendait au sud des rues François-Miron et Saint-Antoine jusqu’à la rue Saint-Paul.
Au IIe siècle une voie romaine, partant de Lutèce et menant à Melodunum (Melun) puis de là à Agedincum (Sens), fut aménagée sur le tracé de l'actuelle rue François-Miron prolongée par la rue Saint-Antoine, longeant d'abord le nord du monceau puis traversant le marécage vers l'est (on a retrouvé en 1899 son soubassement, renforcé de pilotis et de murs de soutènement[1]).
Comme pour toutes les voies importantes sortant d'une ville de l'Antiquité, une nécropole, d'abord romaine puis mérovingienne, bordait la voie (des ossements ont été retrouvés au XVIIIe siècle à hauteur des no 2 à 14 de la rue).
Au pied du monceau et en bord de Seine se trouvait le principal marché de la rive droite, qui fut déménagé par Louis VII aux Champeaux. Les habitants du quartier obtinrent du roi qu'aucun bâtiment ne fut élevé à cet emplacement (charte de 1141), qui devint la place de Grève[4]. Deux rues débouchaient sur le côté oriental de la place : la rue du Martroi (qui menait à la rue du Pourtour-Saint-Gervais et passait à partir du XVIe siècle sous l'Hôtel de ville par l'arcade Saint-Jean), et la rue de la Mortellerie[5]. Cette dernière prit en 1835, juste après l'épidémie de choléra de 1832, le nom de rue de l'Hôtel-de-Ville, à la demande des riverains qui trouvaient le nom trop macabre (en fait les morteliers étaient les maçons utilisant du mortier).
Les bords de la Seine étaient encore de simples plages aux pentes abruptes. Le quai de la Grève (spécialisé dans le foin et le charbon) allait de la place de Grève jusqu'à la rue des Barres, où commençait le Port-au-Blé.
L'illustrateur et graveur sur cuivre Léonard Gaultier (1561-1635 ou 1641), s'installa dans la rue Monceau-Saint-Gervais à ses débuts à l'enseigne de l' " Arche de Noé ", et déménage pour la rue Saint-Jacques en 1599, à la " Fleur de Lys d'or ".
Il reste quelques bâtiments du XVIe et surtout du XVIIe siècle dans le quartier :
la maison de ville de l'Abbaye de Maubuisson, construction à colombages construite en 1540 achetée par la communauté des sœurs de la Croix au 12 de la rue des Barres
La rue du pont Louis-Philippe est percée sur le flanc du monceau par la société concessionnaire du pont-Louis-Philippe dirigée par Charles et Paul Seguin en vertu d'une ordonnance du 13 mars 1833, entrainant la destruction de maisons anciennes et la construction autour de 1840 d'immeubles homogènes de cinq étages alignés avec boutiques au rez-de-chaussée et immeubles destinés aux bourgeois aux étages[7].
A l'est de cet espace rénové, le quartier est classé comme îlot insalubre n° 16 en 1921 jusqu'à la rue Saint-Paul en raison de la forte mortalité par tuberculose. Ce territoire de 15,6 hectares fait l'objet en 1938 d'un projet de destruction de l'ensemble de ses maisons anciennes et de construction d'une vaste annexe de l'Hôtel de ville avec jardins et avenues et immeubles de type HBM sur 15 hectares de la rue de Brosse à la rue Saint-Paul.
Ce projet contesté par les défenseurs du patrimoine est remplacé en mars 1944 par un plan d'aménagement plus mesuré mis en œuvre par trois architectes.
La rénovation du secteur ouest de l'îlot insalubre autour de l'église Saint-Gervais, délimité à l'est par la rue du Pont-Louis-Philippe est confiée à l'architecte Albert Laprade qui conserve le tracé des voies avec quelques alignements ou élargissements limités.
L'essentiel de la rénovation de ce secteur est une opération de réhabilitation des immeubles anciens et de dégagement de leurs espaces arrière nommée « curetage ».
Albert Laprade remplace par un jardin les ateliers qui occupaient l'espace triangulaire de l'ancien cimetière Saint-Gervais entre l'église, l'immeuble du 2 au 12 de la rue François-Miron et du 15-17 rue des Barres et restaure cet immeuble. La plupart des maisons des numéros impairs de la rue de l'Hôtel-de-Ville sont conservées ainsi que celles du côté pairs les plus proches de la rue de Brosse.
Les maisons ̈de la rue des Barres entre l'église jusqu'à l'angle de la rue de l'Hôtel-de-Ville, et celles à l'angle de cette rue en direction de la rue de Brosse. Celles au sud de l'église le long d'une voie étroite, le passage du Gantelet sont également démolies. Les bâtiments détruits dans cet îlot sont remplacés par un jardin et une crèche.
Les maisons démolies des nos 14 et 16 de la rue des Barres sont remplacées par deux immeubles construits en 1960 et en 1971 entourant le petit square Couperin.
L'ensemble des maisons de la rue du Pont-Louis-Philippe qui dataient des années 1840 est conservé.
La rénovation du secteur Ouest est la plus proche de l'esprit du plan d'aménagement de mars 1944.
Dans les secteurs Centre et Est, les hôtels particuliers et plusieurs immeubles sont restaurés et mis en valeur mais les destructions de maisons anciennes sont plus étendues[8].
↑Sur une longueur de 120 mètres sous la rue Saint-Antoine, entre la rue de Birague et la rue des Tournelles. Alfred Fierro et Jean-Marc Léri, Vie et histoire du 4e arrondissement, Saint-Merri, Saint-Gervais, Arsenal, Notre-Dame, Paris, éditions Hervas, , p. 12.
↑Noémie AUREAU, Îlot insalubre 16 (lire en ligne), p. 72
Voir aussi
Bibliographie
Jacques Hillairet, Connaissance du vieux Paris : rive droite, rive gauche, les îles & les villages, Paris, éditions Payot & Rivages, (1re éd. 1956), 377-299-255, 3 t. en 1 vol. (ISBN978-2-86930-648-6).
Renaud Gagneux et Denis Prouvost, Sur les traces des enceintes de Paris : promenade au long des murs disparus, Paris, éditions Parigramme, , 246 p. (ISBN2-84096-322-1).
Robert Descrimon et Jean Nagle, « Les quartiers de Paris du Moyen Âge au XVIIIe siècle : évolution d'un espace plurifonctionnel », Annales, économies, sociétés, civilisations, Paris, no 5, , p. 956-983 (lire en ligne).
Jacques-Maximilien Benjamin Bins de Saint-Victor, Tableau historique et pittoresque de Paris : depuis les Gaulois jusqu'à nos jours, t. second, seconde partie, Paris, C. Gosselin puis Lésage, , 2e éd., lire en ligne sur Gallica.