Le premier film à succès de Luigi Comencini remonte à 1953, lorsqu'il dirige Vittorio De Sica et Gina Lollobrigida dans Pain, Amour et Fantaisie (1953), suivi l'année d'après par Pain, Amour et Jalousie. À l'occasion de ces deux films, le réalisateur porte un regard plutôt noir sur les réalités sociales de son pays à travers le personnage du chef de brigade des carabiniers venu du Nord qui prend son service dans un village pauvre du Mezzogiorno[9]. Cette fable est pourtant accueillie par la critique d'alors comme du « néoréalisme à l'eau de rose », un malentendu que le réalisateur se fera fort de démentir dans ses films suivants[10].
Au sein de la comédie à l'italienne, Comencini est réputé comme faisant les films les plus grinçants[10], exemplairement La Grande Pagaille (1960), L'Argent de la vieille (1972) ou Le Grand Embouteillage (1979). Pourtant, son œuvre est réputé protéiforme : Antoine Royer écrit sur le site DVDclassik « La filmographie de Luigi Comencini a de quoi faire enrager les colleurs d’étiquettes ou les arrangeurs de tiroirs. En naviguant constamment d’un registre à un autre, en adoptant des approches ou des regards singulièrement différents d’un film à un autre, le cinéaste aura composé une filmographie mouvante, complexe, irréductible à toute généralisation (typiquement, la question de l’enfance, absolument essentielle, n’englobe pour autant qu’une mince partie de son travail) et parfaitement rétive aux tendances, dont il s’éloignait aussitôt qu’elles s’approchaient trop près de lui. Documentaire, néoréalisme (rose ou pas), comédie policière, satire sociale, mélodrame, série télévisuelle, et donc film noir comme [La Traite des blanches (1952)] [...] Lorsqu’il évoque cette curieuse homogénéité protéiforme (disons-le ainsi) de l’œuvre de Comencini, cette capacité à insuffler sa personnalité au moindre de ses travaux, le journaliste et historien Giorgio Gosetti évoque lui un "don magique". L’expression peut sembler bien commode... mais on peine à trouver mieux »[14]. Dans À cheval sur le tigre (1961), cette peinture d'un sans-grade dans la vie carcérale serait une « dénonciation de la manière dont la société corrompt un homme bon et pauvre »[10]. Dans le cas du Grand Embouteillage (1978) où figurent notamment Alberto Sordi, Annie Girardot, Marcello Mastroianni, Gérard Depardieu, Miou-Miou ou Patrick Dewaere, il s'agirait d'une « farce tragique mais aussi un appel au secours que Comencini a enfermé dans la bouteille à la mer du cinéma »[7].
I bambini e noi, divisée en six épisodes, a été réalisée pour la Rai en 1970 et diffusée en 1978 avec l'ajout de quelques enregistrements réalisés ultérieurement. Pour ce faire, Comencini a interviewé des enfants de différentes régions italiennes et de différentes conditions sociales, mais principalement les plus pauvres, en leur rendant visite à la périphérie des grandes villes ou à la campagne. Commentant son enquête, il a déclaré : « Je ne me suis jamais mis dans la position de quelqu'un qui veut "illustrer" ses idées, mais j'ai essayé de me faire une idée à travers l'examen de la réalité »[15]. I bambini e noi, qui a inspiré une grande partie de la production ultérieure du réalisateur[16], a été considéré comme « une déchirure dans la carrière de Comencini, une lacération par laquelle le réel s'introduirait dans son cinéma, contaminant la fiction, la rendant malade de la réalité »[17]. L'un des enfants interviewés, Domenico Santoro, jouera en 1972 le rôle de Lucignolo dans le feuilleton télévisé Les Aventures de Pinocchio, réalisé par Comencini lui-même.
L'amore in Italia
Luigi Comencini est à nouveau engagé par la Rai en 1976 pour un documentaire sur l'éros « vu » par l'Italien moyen de l'époque. L'enquête, intitulée L'amore in Italia[18], a été diffusée en sur Rai Uno en cinq épisodes et a été signée, en tant que coauteurs, par Fabio Pellarin et Italo Moscati. Les interviews ont été filmées dans toute l'Italie entre et . À la suite de la diffusion, en 1979, un livre portant le même titre que l'émission est sorti, publié par Arnoldo Mondadori Editore, reprenant toutes les interviews, y compris celles qui ont été éditées mais qui n'ont pas été diffusées, pour diverses raisons, à la télévision[19].
Mort
Après avoir publié le livre autobiographique Infanzia, vocazione, esperienze di un regista (1999), Luigi Comencini meurt à Rome le , à l'âge de 90 ans[1],[20]. Il est enterré au cimetière Flaminio[1] de la ville.
Vie privée
Luigi Comencini a épousé la princesse Giulia Grifeo di Partanna, avec laquelle il a eu quatre filles : la chef-décoratrice Paola (née en 1951), les réalisatrices Cristina (née en 1956) et Francesca (née en 1961) — qui ont collaboré à la réalisation de sa dernière œuvre, Marcellino — et la directrice de production Eleonora[21],[22]. Son petit-fils, Carlo Calenda, fils de Cristina, a été ministre dans les gouvernements Renzi et Gentiloni.
↑(it) Armando Pitassio, « Una storia riscritta : l'Italia nei Balcani e in Grecia (1940-1945) », Mestiere di storico : rivista della Società italiana per lo studio della storia contemporanea, vol. 1,
↑(it) Lino Micciché, Pane, amore e fantasia, un film di Luigi Comencini: neorealismo in commedia, Turin, Lindau, , p. 55 :
« Comencini si immerge nella realtà per registrare un disagio sociale, mettere in questione le proprie utopie e approfondire il disegno di futuri personaggi e situazioni di finzione »
↑(it) Adriano Aprà, Luigi Comencini: il cinema e i film, Venezia, Marsilio, (lire en ligne), p. 47
↑(it) Olivia Fiorilli ; Federica Paoli, Vogliamo anche le rose, Storia e problemi contemporanei : 66, 2, 2014 (Milano : Franco Angeli, 2014).
↑Olivier Père, « Intégrale Luigi Comencini à la Cinémathèque française », Blog d'Olivier Père, (lire en ligne)
Bibliographie
(it) Tullio Masoni, Paolo Vecchi, Luigi Comencini, un autore popolare, Comune di Reggio Emilia, Reggio Emilia 1982
(it) Giorgio Gosetti, Luigi Comencini, Il Castoro Cinema n. 135, Editrice Il Castoro, 1988
(it) Luigi Comencini, Infanzia, vocazione, esperienze di un regista, Baldini Castoldi Dalai, Milano 1999
(it) Jean A. Gili, Luigi Comencini, Rome, Gremese,
(it) Adriano Aprà, Luigi Comencini. Il cinema e i film, Marsilio, Venezia 2007
(it) Riccardo Esposito, "La Rabbia" di Guareschi e l'U.R.S.S. di Comencini, in Don Camillo e Peppone. Cronache cinematografiche dalla Bassa Padana 1951-1965, Le Mani - Microart's, Recco, 2008 (ISBN9788880124559), pp. 67–74
(it) Alessandro Ticozzi, Sull'eclettismo di Luigi Comencini, SensoInverso, Ravenna 2017