Hammerstein appartient à une famille ancienne de la noblesse allemande, les Hammerstein-Equord, qui a donné de nombreux officiers aux diverses souverainetés allemandes. Son père, le baron Heino von Hammerstein, est intendant des forêts dans le Mecklembourg-Strelitz, et sa mère est née Ida von Gustedt. Il entre à l'âge de dix ans au corps des cadets de Plön, puis à l'école principale prussienne des cadets, située à Groß-Lichterfelde, près de Berlin, à partir de 1893. Il entre ensuite au 3e régiment à pied de la Garde, où il est nommé sous-lieutenant, le . C'est dans cette unité qu'il rencontre le futur chancelier Kurt von Schleicher avec qui il va garder des liens d'amitié sa vie durant. Il épouse en 1907 Maria von Lüttwitz, fille du général Walther von Lüttwitz (1859-1942). De cette union mixte sous l'aspect religieux (son épouse est catholique), il a sept enfants[a], quatre filles : Marie Luise, Marie Therese, Hildur, Helga ; et trois fils : Kunrat, Ludwig et Franz.
Après la guerre et l'effondrement de la monarchie, Hammerstein est versé dans la Reichswehr. Il sert à l'état-major du corps d'armée de Lüttwitz et il est promu Oberstleutnant[c] en 1920. La même année, il est nommé chef à l'état-major du second Gruppenkommando basé à Cassel, puis en 1922 il est envoyé à Munich en tant que commandant d'un bataillon. En 1924, il est affecté à l'état-major de la 3e région militaire, celle de Berlin. Il est nommé Generalleutnant[d] le et chef du Truppenamt (dénomination imposée par le traité de Versailles qui avait interdit la recréation du Grand-État-major de l'armée allemande). Il est chargé d'élaborer les concepts tactiques de la Reichswehr, qui en cas d'attaque ennemie prévoit de former une véritable défense, jusqu'à l'intervention de la Société des Nations. Il met au point un plan théorique de mobilisation en 1930 qui envisage de tripler les sept divisions d'infanterie existantes.
Hammerstein se méfie dès le début de l'idéologie et des méthodes du national-socialisme. Il avertit même Hitler en que s'il prenait le pouvoir illégalement (ce qui ne sera pas le cas), il donnerait l'ordre de tirer. Il prévient aussi le maréchal Hindenburg qu'il est dangereux de nommer Hitler chancelier.
Sous le Troisième Reich
Hitler est nommé chancelier du Reich par le président Paul von Hindenburg le . Hammerstein aurait rencontré Hitler la veille de sa nomination au domicile d’Edwin Bechstein. Le but du général von Hammerstein est alors de créer une armée dont la direction serait indépendante du pouvoir politique. En effet, le national-socialisme heurte ses conceptions d'aristocrate prussien. Il a la réputation d'être un officier supérieur qui préfère la chasse et son confort familial et fait montre d'une certaine indolence, sans doute pour ne pas révéler ses opinions intimes. Le général a conscience de servir d'abord sa patrie, plutôt qu'un régime politique. Il rencontre Hitler au début de lors d'une réunion officielle chez lui avec des représentants de la Reichswehr, afin de convaincre les hauts représentants des forces armées de ses plans de conquête d'un espace vital à l'Est. Le compte rendu de cette rencontre fut donné à Leo Roth(de), chef du service de renseignement du Parti communiste d'Allemagne (KPD) et agent soviétique, par sa maîtresse, Helga von Hammerstein[1],[2], fille du général, qui était membre du parti communiste allemand (KPD) depuis 1930. Léo Roth transmit le document au NKVD, à Moscou[3]. La position du général von Hammerstein devient difficile, d'autant plus que le général von Blomberg, nommé ministre de la Défense, est favorable à l'endoctrinement hitlérien de l'armée. Hammerstein qualifie les nazis de bande de criminels devant ses proches et n'a d'autre choix que de démissionner au début de l’année 1934 tandis que Blomberg oblige les officiers d'état-major à rompre tout contact avec lui. Hammerstein se retire de tout cercle militaire ou politique. Le , son ami et ex-chancelier Kurt von Schleicher est assassiné au cours de l'opération d’épuration nazie surnommée « nuit des Longs Couteaux ».
En 1935, il démissionne de l'association de la noblesse, lorsque ses membres juifs en sont exclus. Il transmet à sa fille Maria-Therese des noms de personnes juives menacées de déportation[4].
Il est toutefois rappelé au déclenchement de la Seconde Guerre mondiale. La majorité des forces allemandes est concentrée en en Pologne, mais Hammerstein commande l'Armee-Abteilung A sur la frontière occidentale. L'offensive française ne se produit pas et Hammerstein est à nouveau mis à la retraite le . Selon des rumeurs, il aurait fomenté un attentat contre Hitler à cette époque. Ces rumeurs sont notamment relayées dans un livre publié par un agent britannique. Par ailleurs, il entre en contact à plusieurs reprises avec des opposants au régime, notamment avec Carl Friedrich Goerdeler, ou Nikolaus Christoph von Halem(en). Il est cependant de plus en plus isolé.
Décès et destinées de sa famille après son décès
Hammerstein meurt d'un cancer à Berlin le . Sa famille refuse des funérailles officielles, pour ne pas voir le cercueil du défunt recouvert par le drapeau à croix gammée[4]. Il est enterré dans la sépulture familiale de Steinhorst en Basse-Saxe.
Un jour qu’on demandait au général Kurt von Hammerstein les critères sur lesquels il jugeait ses officiers, il répondit :
« Je distingue quatre espèces. Il y a les officiers intelligents, les travailleurs, les sots et les paresseux. Généralement, ces qualités vont par deux. Les uns sont intelligents et travailleurs, ceux-là doivent aller à l’état-major. Les suivants sont sots et paresseux ; ils constituent 90 % de toute armée et sont aptes aux tâches de routine. Celui qui est intelligent et en même temps paresseux se qualifie pour les plus hautes tâches de commandement, car il y apportera la clarté intellectuelle et la force nerveuse de prendre les décisions difficiles. Il faut prendre garde à qui est sot et travailleur, car il ne provoquera jamais que des désastres[6]. »
Notes et références
Notes
↑Les filles sont catholiques comme leur mère et les fils luthériens comme leur père.