Le Jobbik - Conservateurs (hongrois : Jobbik – Konzervatívok,Jobbik - Conservateurs), appelé jusqu'en 2023Mouvement pour une meilleure Hongrie (hongrois : Jobbik Magyarországért Mozgalom,Mouvement pour une meilleure Hongrie), est un parti politiqueconservateurhongrois[20],[21] fondé en 2003. Présentant à ses débuts des racines historiques radicales et nationalistes[22],[23], le parti était alors souvent considéré comme d'extrême droite et parfois qualifié de néo-nazi[24]. Jobbik est l'acronyme de Jobboldali Ifjúsági Közösség, et signifie également en hongrois « le meilleur »[25].
Le long mouvement de recentrage opéré par le parti depuis a notamment abouti en à l'éviction et au départ de plusieurs cadres historiques du Jobbik qui fondent le Mouvement Notre patrie[26],[27] (Mi Hazánk Mozgalom, MHM).
Le parti se décrit comme un parti populaire conservateurmoderne. Un sondage d'opinion réalisé en et analysé par le politologue Balázs Böcskei a amené ce dernier à affirmer que le Jobbik a « achevé sa transformation » en parti populaire centriste, avec la migration de sa base électorale vers des positions pro-UE principalement modérées[28].
Histoire
Fondation
En 1999, le mouvement lycéen et étudiant Jobboldali Ifjúsági Közösség (« Communauté de la jeunesse de droite ») est fondé.
L'année suivante, il ne participe pas aux premières élections européennes organisées en Hongrie, en raison de son opposition à l'adhésion de la Hongrie à l'Union européenne.
Premières élections et fondation de la Garde hongroise (2006-2009)
En , le Jobbik participe à une alliance de partis nationalistes (la « Troisième Voie »), avec le MIÉP, pour les élections législatives hongroises de 2006. Ensemble, ils obtiennent 2,2 % des voix.
En , le Jobbik est à l'initiative de la constitution de la Garde hongroise, association de type plus ou moins para-militaire qui provoque un grand scandale en Hongrie. La Garde est dénoncée par le gouvernement et les partis de gauche, tandis que l'opposition conservatrice préfère rester silencieuse sur le sujet et que la Garde reçoit quelques soutiens de personnalités politiques (l'ancien ministre de la défense Lajos Für ou la député conservatrice Maria Wittner).
Succès électoraux (depuis 2009)
En , le Jobbik obtient 8,5 % des voix lors d'une élection législative partielle à Budapest. Le même mois, Gabor Vona annonce que Krisztina Morvai, professeur réputée de droit et avocate féministe se présentera en tête de liste du parti aux élections européennes du mois de juin. Selon les sondages, si les élections avaient lieu « le dimanche suivant », Morvai obtiendrait entre 10 et 15 %. Lors de ces élections le parti remporte trois des 22 sièges pour la Hongrie au Parlement européen (14,77 % des suffrages).
À la suite des législatives de 2018, devant l'échec de la stratégie de recentrage du parti (le Jobbik n'a gagné qu'un seul siège de plus par rapport au précédent scrutin), son président Gábor Vona démissionne[33]. Le , Tamás Sneider(en) lui succède à ce poste[34]. Le nouveau président désire poursuivre la stratégie de modération du parti[35]. Fin avril, le comité central du parti s'était prononcé à l'unanimité en faveur de la poursuite du virage vers une aile de droite conservatrice modérée, malgré la défaite électorale du Jobbik aux législatives[36].
Concernant cette stratégie, le politologue Jean-Yves Camus explique que le « Jobbik a au fond été doublé, lors de la crise migratoire de 2015, par la surenchère anti-immigrés de Orbán. À partir de cette date, le parti a joué la carte de l’opposition tous azimuts pour continuer à exister politiquement, mettant de plus en plus l’accent sur la corruption du régime et la nécessité de le faire tomber à tout prix[37]. »
Depuis 2014, Jobbik a commencé à se redéfinir en tant que parti populaire conservateur et a changé les éléments controversés de sa communication. Selon le Manifeste du parti sur les lignes directrices d'un futur gouvernement, Jobbik représente tous les citoyens et citoyennes hongrois et vise à construire une identité nationale moderne, tout en rejetant le chauvinisme du 20e siècle. Après les élections législatives hongroises du , le parti a recueilli 1 092 806 voix, obtenant 19,06 % du total, ce qui en fait le deuxième parti de l'Assemblée nationale[38].
Le , István Apáti, Erik Fülöp et János Volner(hu), trois des principaux cadres du Jobbik, quittent à leur tour le parti et rejoignent le parti dissident Mouvement Notre patrie[39]. Ces départs s'ajoutent à celui de Dóra Dúró, exclue du Jobbik quelques mois plus tôt et qui avait également rejoint la nouvelle formation radicale[40], réduisant le nombre de députés du parti de 26 à 22.
Lors des élections législatives de 2022, le Jobbik a participé à l'alliance d'opposition Unis pour la Hongrie. Le Fidesz de Viktor Orbán a remporté l'élection, acquérant à nouveau la majorité des deux tiers au parlement. Certains analystes ont affirmé que la majorité des électeurs du Jobbik s'étaient tournés vers le Fidesz ou le Mouvement Notre patrie plutôt que vers l'opposition unie[45]. Le candidat de l'alliance pour le poste de Premier ministre, Péter Márki-Zay, a partagé ce constat, admettant que l'opposition unie avait peut-être perdu jusqu'à « deux tiers » des électeurs du Jobbik[46].
Le Jobbik plaide, au nom de la préservation de l'identité nationale, pour le retour des valeurs chrétiennes, de la famille et de l'autorité au cœur de l'action de l'État hongrois. Entretenant le souvenir de la période de régence de Miklós Horthy, le Jobbik se positionne explicitement contre le libéralisme politique et le communisme. Il rend le cosmopolitisme responsable des maux du pays et assimile l'élite intellectuelle et économique résidant à Budapest à des alliés objectifs des intérêts étrangers. Il revendique un certain provincialisme et fait de la protection de l'environnement et de l'agriculture hongroise des thèmes de campagne récurrents. Le Jobbik est à l'origine d'une milice rurale, la Garde hongroise.
Après plusieurs schismes, l'organisation a largement cessé ses activités. Le , des membres radicaux de Magyar Gárda ont organisé une manifestation contre Gábor Vona en dehors de l'événement d'ouverture du Jobbik. Les participants ont dénoncé la nouvelle politique du Jobbik comme une trahison de l'aile droite[47].
Le Jobbik est favorable à la réunification de l'enseignement moral et de l'éducation religieuse. Il s'oppose également à l'avortement. Il est globalement défavorable à la construction européenne et à l'immigration tout en dénonçant le traité de Trianon[23]. Ses détracteurs accusent le parti de s'être mobilisé pour le rétablissement des frontières antérieures à ce traité[52]. Toutefois, le Jobbik n'a jamais suggéré de modifier les frontières par la force et estime que la solution ultime est l'autonomie territoriale et culturelle dans le cadre des droits des minorités de l'Union européenne[53],[54].
Le parti organise des marches anti-Tsiganes. Des centaines de ses militants défilent en dans une banlieue de Miskolc abritant une forte communauté tsigane en criant : « Allez donc travailler ! Disparaissez, nous ne voulons plus payer vos allocations sociales ». Le chef du Jobbik, Gabor Vona, déclare à cette occasion que « les gens qui ne travaillent pas ne devraient pas avoir d’enfants » et appelle au rétablissement de la peine de mort[55].
Le Jobbik a abandonné la proposition d'un référendum sur le retrait de l'Union européenne (UE) au profit de la création d'un groupe centre-européen avec la Pologne et la Croatie pour mieux influer sur l'agenda de l'UE[56].
Contrairement à d'autres forces de la droite radicale en Europe, le Jobbik ne suit pas une politique pro-Israël[57]. Dans son ouvrage Né un paru en 2011, Gábor Vona décrit sa fascination pour l'Islam qui est à ses yeux un des derniers bastions du traditionalisme[58] et « le dernier espoir de l’humanité dans les ténèbres du globalisme et du libéralisme »[59].
À ses débuts, le Jobbik s’est décrit comme rejetant le « capitalisme mondial »[68],[69] et l’Union européenne[70], parce qu’il était déçu des conditions d’adhésion de la Hongrie à l’UE[71]. Alors qu'auparavant le parti s'opposait également au sionisme[72],[73], le président du parti, Gabor Vona, a déclaré en qu'il n'avait « jamais mis en cause l'existence d'Israël » et que son parti soutenait une solution à deux États dans le cadre du conflit israélo-palestinien[74]. En , le parti a également voté au Parlement européen en faveur d'une plus grande coordination en matière de sécurité avec Israël[75]. À un certain niveau, le parti adhère au pantouranisme, une idéologie affirmant que les Hongrois sont issus de la race ouralo-altaïque[76],[77] et soutenait l'irrédentisme hongrois[78]. Par conséquent, le parti soutient fermement l'établissement de liens plus étroits avec la Turquie[79], Vona critiquant la tentative de coup d'État turque de 2016 et louant le président turc Recep Tayyip Erdoğan comme un « dirigeant très puissant »[80].
Auparavant, le parti se définissait souvent comme « un parti chrétien de principe, conservateur et radicalement patriotique », dont le « but fondamental » était de protéger « les valeurs et les intérêts hongrois »[81]. Depuis lors, le Jobbik a mis en œuvre d'importants changements dans ses programmes électoraux, en raison de sa popularité croissante et de l'élargissement de ses soutiens. Les politologues ont décrit l'idéologie antérieure du Jobbik comme étant de droite populiste[82], dont la stratégie « repose sur une combinaison d'ethno-nationalisme avec une rhétorique populiste anti-élitiste et une critique radicale des institutions politiques existantes »[83],[84]. Pour sa part, le Jobbik rejette la classification commune du clivage gauche-droite et a été décrit comme un parti attrape-tout[85]. Le parti se décrit comme patriote[86] et a toujours rejeté l'étiquette d'« extrême droite », se qualifiant de « droite radicale ». Il a également critiqué les médias pour l'avoir qualifié d'« extrême droite » et a menacé d'intenter des actions en justice à l'égard de ceux qui le qualifieraient ainsi. En 2014, la Cour suprême de Hongrie a statué que le Jobbik ne pouvait pas être qualifié d'« extrême droite » dans aucune émission de radio ou de télévision nationale ; parce que cela constituerait une opinion, du fait que le Jobbik a réfuté ce qualificatif[87]. Il a également soutenu des positions socialement conservatrices et nationalistes[19],[88],[89].
Selon Gábor Vona, ancien président du Jobbik, après 2014, le parti est sorti de son « adolescence » et a atteint l'âge adulte. Depuis lors, le Jobbik se définit comme un parti populaire national et a considérablement modifié ses vues sur l'Union européenne, tout en commençant à mettre l'accent sur l'ouverture politique aux différents groupes de la société hongroise[90],[91]. Dans le même temps, Gábor Vona s'est distancé des « fausses déclarations » qu'il avait tenus par le passé[92].
Selon les récentes remarques émanant de cadres du parti, le Jobbik ne considère plus les problèmes idéologiques comme un objectif primordial mais se concentre sur l'élimination des tensions et des controverses sociales ainsi que sur la lutte contre la corruption croissante dans la sphère publique et l'administration[91].
Courant 2016, le parti entreprend une stratégie de dédiabolisation en abandonnant une partie de corpus idéologique originel et en écartant certains éléments extrémistes, afin de rendre son image plus respectable et incarner une opposition crédible au gouvernement conservateur de Viktor Orbán[93],[94]. Malgré des gages donnés par le Jobbik notamment vers la communauté juive en Hongrie, de nombreux intellectuels et personnalités politiques engagés à gauche, déclarent vouloir maintenir leurs distances avec une organisation jugée non-démocratique[95],[96]. Au contraire la philosophe Ágnes Heller, rescapée de la Shoah, estime nécessaire de s'allier avec tous les partis d'opposition, y compris le Jobbik, pour défaire le Fidesz d'Orbán[97]. Selon elle, le Jobbik n'a jamais été un parti néonazi, bien qu'elle estime qu'il demeure un parti d'extrême droite et tient un discours raciste[98]. Au niveau local toutefois, des alliances implicites se sont nouées entre les partis de gauche et le Jobbik lors d'élections municipales partielles pour mettre en échec le parti gouvernemental[99].
Bien que le parti soit couramment décrit comme d'extrême droite par les observateurs et dans la presse internationale, certains médias considèrent désormais qu'il est plus difficile de classer le Jobbik tel qu'il se présente aujourd'hui à l'extrême droite en raison de ses changements de politique[100],[101],[102],[103] et de la droitisation toujours plus poussée du Fidesz[104], voire qu'il est actuellement un parti de droite[60],[105].
Le , Péter Jakab(en), président du Jobbik et Koloman Brenner(en), membre du groupe stratégique du parti, a présenté une nouvelle déclaration de principes du parti, remplaçant sa précédente qui était de type radicale nationaliste-populiste, eurosceptique, antimondialiste et irrédentiste. Le parti s'est redéfini comme un parti populaire chrétien, conservateur, de centre droit et socialement un parti sensiblement populaire dans le document. Le document définit le Jobbik comme le seul parti populaire en Hongrie[109],[110],[111],[112] et déclare que « le Jobbik est un mouvement politique indépendant qui observe strictement ses propres valeurs mais est prêt à coopérer avec d'autres forces politiques pour restaurer la démocratie et l'état de droit en Hongrie »[64]. Depuis son adoption de politiques plus modérées, le Jobbik a été décrit comme centriste[113], de centre droit[114],[115],[116],[117] et de droite[118]. Il a également déclaré son soutien à l'agrarisme[119].
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↑« Hongrie : manifestations pro et anti-Orban », sur Euronews, (consulté le ) : « le Jobbik - un ancien parti d'extrême-droite qui cherche à se positionner au centre - est, lui, crédité de 18% des intentions de vote. ».