Jeanne de Bourgogne, à droite, recevant de Thomas le Myésier (agenouillé, au centre) son œuvre, un abrégé de la pensée de son maître Raymond Lulle (debout derrière le Myésier).
Son prénom, Jeanne, féminisation de Jean, lui aurait été attribué, selon Jean-Luc Chassel, en mémoire de Jean Ier de Chalon, grand-père du comte Othon[3].
Jeanne de Bourgogne est, de son propre chef, comtesse de Bourgogne (1303-1330), fief d'Empire dans lequel elle succède à son frère Robert de Bourgogne (1303-1315), ainsi que comtesse d'Artois (1329-1330), fief qu'elle hérite de sa mère Mahaut d'Artois.
À la Pentecôte de 1313, à l’occasion des fêtes de l’adoubement des fils du roi, elle prend la croix en même temps que ses belles-sœurs Marguerite de Bourgogne, reine de Navarre, et Isabelle de France, reine d’Angleterre[5]. Il semble cependant qu’elle ait été contrainte à ce vœu par son époux, Philippe de Poitiers[6].
En 1314, lors du procès dit de la tour de Nesle, où sa sœur Blanche de Bourgogne et sa belle-sœur Marguerite de Bourgogne, sont reconnues coupables d'adultère, elle n'est accusée que de connivence[2]. Elle est enfermée dans la forteresse de Dourdan[2]. Ne cessant de crier son innocence, elle échappe à l'accusation d'adultère, mais elle est toutefois poursuivie pour ne pas avoir dénoncé la conduite de ses belles-sœurs. Acquittée par arrêt du Parlement, elle est libérée entre le 24 et le et retrouve sa place auprès de son époux à la cour de France[7].
L'influence de sa mère fut certainement pour beaucoup dans son retour en faveur, Mahaut d'Artois ne souhaitant pas perdre le rôle que pouvait lui procurer l'avènement de son gendre, Philippe le Long.
Reine de France
En novembre 1316, à la mort de son neveu, l'héritier du trône de France, Jean le Posthume, son époux étant proclamé roi de France, elle devient reine de France. Elle est couronnée à la cathédrale Notre-Dame de Reims lors du sacre de son mari, le 6 (fête de l'Épiphanie) ou le dimanche [8]. Elle a comme chancelier Pierre Bertrand, qui sera son exécuteur testamentaire[9].
Comtesse de Bourgogne
Jeanne garde une attention constante pour son comté de Bourgogne dont elle est issue ; l'épouse du roi de France Philippe V le Long, fait venir de Paris dès 1318 des tisserands et des drapiers pour y faire prospérer une nouvelle bourgeoisie à Marnay[10] et à Gray[11]. Au décès du roi, elle revient en comté de Bourgogne.
Thomas Le Myésier(ca), chanoine d'Arras et disciple de Raymond Lulle, lui dédie son Breviculum seu electorium parvum, version abrégée de sa monumentale compilation des œuvres de Lulle, Electorium magnum[13].
Jeanne de Bourgogne meurt à 39 ans, à Roye le [2]. Tandis que son corps est inhumé à Paris dans l'église du couvent des Cordeliers, son cœur est déposé à Saint-Denis près de son époux.
Jeanne (1308-1347), comtesse de Bourgogne (Jeanne III) et comtesse d'Artois (Jeanne II), mariée en 1318 avec Eudes IV (v. 1295-1349), duc de Bourgogne ;
Jeanne de Bourgogne est un personnage secondaire apparaissant à de nombreuses reprises dans les premiers tomes de la célèbre suite romanesque historique Les Rois maudits de Maurice Druon, publiée de 1955 à 1977.
Dans le premier tome, Le Roi de fer (1955), dont l'action se déroule de mars à , Jeanne, alors comtesse de Poitiers et mariée au second fils du roi, apparaît sous la plume de Druon comme une jeune femme de 21 ans, « grande, élancée, avec des cheveux blond cendré, un maintien un peu composé, et un œil oblique de lévrier », se vêtant « avec une simplicité qui était presque une recherche »[17]. Alors que sa cousine Marguerite de Bourgogne et sa sœur Blanche, respectivement mariées au fils aîné et au troisième fils du roi, entretiennent une liaison extraconjugale avec les frères Philippe et Gauthier d'Aunay, Jeanne, bien que fidèle à son mari, « épouse constante mais entremetteuse bénévole, qui prenait un trouble plaisir à vivre les amours d'autrui », favorise l'adultère de ses deux belles-sœurs en combinant les rendez-vous et en facilitant les rencontres, « moitié par faiblesse, moitié par amusement »[18]. Lorsque l'intrigue est révélée, les trois brus royales, tondues et vêtues de bure, sont traduites publiquement en justice : Marguerite et Blanche, reconnues coupables d'adultère, sont condamnées à l'emprisonnement à vie dans la forteresse de Château-Gaillard, alors que Jeanne, considérée comme complice, est enfermée au château de Dourdan[19].
Dans le troisième tome, Les Poisons de la Couronne (1956), qui se déroule en 1315-1316 sous le règne de Louis X le Hutin, Mahaut d'Artois parvient à obtenir le retour en grâce de Jeanne et à la réconcilier avec son époux Philippe au château d'Hesdin[20].
Le quatrième tome, La Loi des mâles (1957), qui se déroule en 1316-1317 autour des intrigues pour la succession de Louis X, se conclut par la victoire de son frère Philippe, l'époux de Jeanne, reconnu roi de France.
Gustave Duhem, « Jeanne de Bourgogne, Comtesse de Poitiers et Reine de France », Mémoires de la société d'émulation du Jura, 12e série, vol. 1, 1928-1929, p. 139-173 (lire en ligne).
Pascal Ladner, « L’Administration royale de la Franche-Comté sous Philippe le Bel (1295-1314) », Publications du Centre Européen d'Etudes Bourguignonnes, vol. 4, , p. 77–86 (ISSN1016-4286 et 2034-6786, DOI10.1484/J.PCEEB.3.26).
↑Jean-Luc Chassel, « Le nom et les armes : la matrilinéarité dans la parenté aristocratique du second Moyen Âge », Droit et cultures [En ligne], vol. 64, no 2, 2012, [lire en ligne] (page consultée le 2 août 2016).
↑Jiri Louda et Michael MacLagan, Les Dynasties d’Europe, Bordas, 1995 (ISBN2-04-027115-5), tableau 65.
↑Gaëlle Audéon, Philippe le Bel et l’Affaire des brus, 1314, L’Harmattan, (ISBN978-2-34320371-3), p. 110-114.
↑(en) Elizabeth A. R. Brown, Nancy Freeman Regalado, City and
Spectacle in Medieval Europe, University of Minnesota Press, , 352 p. (ISBN978-0-8166-2360-0), « La grans feste, Philip the Fair’s
Celebration of the Knighting of His Sons in Paris at Pentecost of 1313 », p. 80.
↑Christelle Balouzat-Loubet, Mahaut d'Artois, une femme de pouvoir, Paris, Perrin, , 222 p. (ISBN978-2-262-03678-2), p. 113 et 202-203, note 28. : « Les dernières lettres envoyées par Mahaut [d'Artois] à Dourdan datent du 24 décembre 1314 [...]. Libérée dans les jours qui suivent, Jeanne séjourne à l'hôtel d'Artois avec sa mère entre le 31 décembre 1314 et le 2 janvier 1315 [...]. Elle dîne à Conflans le 1er février 1315. ».
↑GUYOT (Joseph-Nicolas). Répertoire universel et raisonné de jurisprudence civile, criminelle. (1777), (a): p. 19; (b): p. 20.
↑ Monographie du bourg de Marnay - Léon Paget, Le Livre d'histoire - p.80.
↑Histoire de la ville de Gray - Éditeur, Breitenstein-Hamey, 1851 - p.36.
↑Marc-René Jung, « L'Ovide moralisé : de l'expérience de mes lectures à quelques propositions actuelles », dans Laurence Harf-Lancner, Laurence Mathey-Maille et Michelle Szkilnik, éd. Ovide métamorphosé: les lecteurs médiévaux d'Ovide, Paris, Presses Sorbonne Nouvelle, 2009, p. 115.
↑Alison Stone, « Le débat dans la miniature: le cas du Breviculum de Thomas le Myésier », dans Christian Heck, éd., Qu’est-ce que nommer ? L’image légendée entre monde monastique et pensée scolastique, Turnhout, Brepols, 2010, 189-199.DOI10.1484/M.ETRILMA-EB.3.3354.
↑Christopher de Hamel (trad. de l'anglais), Une histoire des manuscrits enluminés [« A history of illuminated manuscripts »], Londres, Phaidon, (1re éd. 1994), 272 p. (ISBN0-7148-9037-5 et 9780714892832, présentation en ligne), p. 186.
↑Un livre d'heures enluminé conservé à la Bibliothèque impériale de Saint-Pétersbourg au début du XXe siècle et provenant de la collection de Piotr Doubrovski portait le colophon suivant : « Ces heures furent escriptes et d'images aournées pour trés grant et trés douce dame Madame Jehanne comtesse de Bourgoigne fame du Roi Philippe nostre Sire par frère Gilles Mauleon moyne de St Denys l'an nre Seigneur Ihus Crist MCCCXVII ». Selon Fernand de Mély qui a pu examiner des photographies du manuscrit, celui-ci ne serait pas, d'après le style et l'écriture, l'original du début du XIVe siècle, mais une copie du XVe siècle : Fernand de Mély, « Signatures de primitifs miniaturistes », Extrait des Mémoires de la Société nationale des Antiquaires de France, t. LXVII, Paris, 1908, p. 6-8, avec reproduction d'une enluminure et du colophon aux planches I et II [télécharger en pdf].
↑(en) Elizabeth A. R. Brown, « The King's Conundrum : Endowing Queens and Loyal Servants, Ensuring Salvation, and Protecting the Patrimony in Fourteenth-Century France », dans John Anthony Burrow et Ian P. Wei, Medieval Futures : Attitudes to the Future in the Middle Ages (recueil d'articles), Woodbridge, The Boydell Press, (ISBN9780851157795), p. 130 et note 30.
↑Druon 1999, Le Roi de fer, partie 1 : « La Malédiction », chapitre III « Les brus du roi », p. 42.
↑Druon 1999, Le Roi de fer, partie 1 : « La Malédiction », chapitre III « Les brus du roi », p. 45.
↑Druon 1999, Le Roi de fer, partie 2 : « Les Princesses adultères ».
↑Druon 1999, Les Poisons de la Couronne, partie 2 : « Après la Flandre, l'Artois... ».