Son refrain « Levons-nous femmes esclaves / Et brisons nos entraves / Debout, debout, debout ! » est parfois repris comme slogan au cours de manifestations.
C'est Josée Contreras qui aurait suggéré d'adopter pour cette chanson l'air du Chant des marais (composé en août 1933 au camp de concentration de Börgermoor par Rudi Goguel, membre du Parti communiste d'Allemagne) [2]. Elle ajoute, dans l'entretien réalisé par Martine Storti pour le Hall de la chanson : « Je ne crois pas qu’à ce moment-là aucune de nous ait su que nous étions en train de détourner un chant (Le Chant des marais) qui portait une tragique charge d’histoire : composé en 1933 par des déportés politiques antinazis et juifs dans un camp d’internement allemand, ce chant avait été ensuite largement diffusé par les Brigades internationales pendant la guerre d’Espagne, avant de se répandre dans tout l’univers concentrationnaire européen. Car, si opprimées que nous estimions être, il ne nous serait pas venu à l’esprit de nous identifier aux résistants antinazis et juifs, aux défenseurs de la république espagnole ou aux millions de victimes des totalitarismes[3]. »
Au départ, la chanson n'avait pas vocation à devenir l'hymne d'un mouvement mais seulement d'être entonnée lors du rassemblement du .
À ce propos, Josée Contreras précise : « J'ignore quand la chanson Nous qui sommes sans passé, les femmes... a été promue au rang d'Hymne du MLF, mais une telle perspective aurait suscité stupéfaction et hilarité chez les quelques femmes du Mouvement qui l'ont improvisée un soir de mars 1971[2]. »
Notoriété
Mais, immédiatement repris au cours de diverses manifestations féministes, l'Hymne du MLF voit ses paroles et sa partition (celle du Chant des Marais) publiés dans un numéro du Torchon brûle de février 1972[4].
L'hymne connaît un nouveau moment de popularité à l'occasion de la Coupe du Monde féminine de football 2019 en France, le 11 juin 2019 au Roazhon Park à Rennes, pour l'ouverture du match Chili-Suède. À l'initiative de la ville, un groupe de 600 personnes a entonné l'Hymne des Femmes, suivi du gospel Ain’t gonna let nobody turn me around sous la conduite de la compagnie rennaise Dicilà[16],[17].
En 2021, le documentaire Debout les femmes !, coréalisé par Gilles Perret et François Ruffin, reprend l'hymne du MLF dans son titre et la chanson est interprétée collectivement dans la dernière scène par les femmes que les réalisateurs ont suivies[18],[19].
La chanson est aussi utilisée au générique de fin du film Annie colère, sorti en 2022.
L'hymne est critiqué par des militantes afroféministes pour deux passages en particulier[21] :
La phrase « Levons-nous femmes esclaves et brisons nos entraves » est contestée au motif que l'esclavage – si on le circonscrit à la traite atlantique et à la traite arabe, et que l'on excepte l'esclavage antique, l'esclavage médiéval et l'esclavage contemporain – n'aurait concerné que les femmes noires, et qu'une telle phrase ne devrait donc pas être chantée par des femmes blanches, arabes ou asiatiques[21] ;
La phrase « Depuis la nuit des temps, les femmes, Nous sommes le continent noir » reprend le terme emprunté par Sigmund Freud à H.M. Stanley (Through the Dark Continent) pour désigner la sexualité féminine. Par « Continent noir », Stanley, aventurier colonialiste, désignait l'Afrique subsaharienne comme une terra incognita. Cette assimilation de la sexualité féminine à une terra incognita témoigne de l'influence du courant psychanalytique dans la création du MLF autour d'Antoinette Fouque[21],[22],[23].
Est également critiqué le choix de l’air initial provenant d’un chant de déportés durant la seconde guerre mondiale[réf. nécessaire].
Notes et références
↑Philippe Bourdin, Mathias Bernard et Jean-Claude Caron, La voix & le geste : une approche culturelle de la violence socio-politique, Presses Univ Blaise Pascal, , 381 p. (ISBN978-2-84516-276-1, lire en ligne), p. 265
↑Bagnolet en Vert, « La manifestation féministe en photos et en chanson - Bagnolet en Vert- L'Ecologie à Bagnolet », Bagnolet en Vert- L'Ecologie à Bagnolet, (lire en ligne, consulté le ).
↑Pascal Gavillet, « Cécile de France: «J'ai même appris l’hymne du MLF» », tdg.ch/, (lire en ligne, consulté le ).
↑Serge Kaganski, « "La Belle Saison": une beau mélo entre amour saphique et émancipation féministe - Critique et avis par Les Inrocks », Les Inrocks, (lire en ligne, consulté le ).
↑Franck Nouchi, « « La Belle Saison » : un fervent désir de libération », Le Monde.fr, (ISSN1950-6244, lire en ligne, consulté le ).