Pour les articles homonymes, voir Rbati (homonymie).
Les familles anciennes de Rabat (en arabe : العائلات الرباطية الأصيلة, Al-ʿA'ilat ar-Ribatiya al-Assila) sont un groupe social à identité propre, composé de familles ayant habité Rabat depuis plusieurs siècles, avant l'ouverture de la ville aux populations de l'intérieur du Maroc et l'arrivée massive de provinciaux à la suite des mouvements d'exode rural qui commencèrent au début du XXe siècle. Elles se reconnaissent autour de leurs mode de vie et culture distincts[1] et se caractérisent par leur homogénéité sociale et culturelle : résultante d'une histoire commune, marquée par une isolation du reste du pays pendant près de trois siècles, et d'un héritage culturel marqué par la culture arabo-andalouse[2].
Cette antériorité à Rabat provoqua diverses frictions entre les « familles anciennes » et les populations issues de l'exode rural, de culture différente[3], notamment autour du terme « Rbati » que les premiers se réservent en tant que relatif à une appartenance communautaire et culturelle, alors que les seconds le revendiquent en tant que gentilé relatif à tous les habitants de la ville[4]. De par ce conflit autour de l'utilisation du gentilé « Rbati », c'est l'appartenance à la ville de Rabat qui est disputée aux « nouveaux habitants » de Rabat par les « anciens », qui les dénomment « Mrabbtin » (rabatisés) et se font appeler par eux « Rbitis » (petits Rbatis)[4].
Fondée en 1150 par les Almohades, Rabat entre dans une période de déclin après la chute de ces derniers en 1269 et l’avènement des Mérinides, qui choisissent Fès comme capitale. L'explorateur Hassan al-Wazzan y compte en 1515 moins d'une centaine de maisons habitées.
Au début du XVIIe siècle, à la suite de la promulgation du décret d'expulsion des Morisques par le roi Philippe III d'Espagne, 13 000 membres de cette communauté, soit plus de trois cents familles, trouvent refuge à Rabat, contribuant ainsi à la revitalisation de la ville. Une période de prospérité s'ensuit, notamment grâce à la course maritime, principale activité de la région de l'embouchure du Bouregreg pendant les deux siècles suivants.
Les « familles anciennes de Rabat », ensemble des familles andalouses et de la centaine de familles présente à Rabat avant l'arrivée des premiers, vivent alors repliées sur elles-mêmes pendant près de trois siècles et conservent leur héritage andalou et leurs caractéristiques culturelles ; ceci contribue à la constitution d'un groupe social basé sur l'appartenance communautaire, différent du modèle tribal répandu alors au Maroc.
Ces éléments culturels et historiques constituent ainsi la base d'une « identité » propre aux familles anciennes de Rabat[5].
Rabat constituant une des trois principales écoles de musique arabo-andalouse du Maroc, dite al-aala, les Rbatis sont, traditionnellement, amateurs de cette musique. De nos jours, une demi-douzaine d'orchestres de la musique al-aala sont actifs à Rabat.
Rabat constitue également une des deux écoles de la musique gharnatie au Maroc, représentée notamment par le maître Hajj Ahmed Piro.
On trouve également dans la culture locale de Rabat des musiques traditionnelles comme le tsogui et les amayers, chantées par les femmes rbaties lors d’évènements familiaux (mariages, fiançailles, baptêmes...)
En grande partie hispanophones à leur arrivée au Maroc à la suite de leur expulsion d'Espagne, les Rbatis ont été arabisés tout au long du siècle suivant leur établissement sur la rive gauche du Bouregreg. Jules Leclercq rapporte néanmoins, à la fin du XIXe siècle, que les Rbatis maîtrisent encore la langue castillane[6].
Le dialecte arabe parlé par ces familles, parler non-hilalien citadin, demeure néanmoins fortement influencé par le castillan[7].
Rabat étant pratiquement à l'abandon et en état de délabrement avéré au début du XVIIe siècle, la ville sera reconstruite par les Morisques lors de leur arrivée ; l'architecture locale réunit alors les influences des architectures marocaine et arabo-andalouse.
Les familles anciennes de Rabat se distinguent, à l'origine, en exhibant des indices, des symboles ou des devises permettant à la fois de les distinguer entre elles et de distinguer dans leur ensemble les familles de vieille souche des autres plus récemment établies[8] :
Aux autres habitants de Rabat, qui n'appartiennent pas à cette « communauté », on accordait la devise « khabbata wa btana » (le battoir et la peau de mouton) pour les ouvriers des teintureries, les petits artisans et les tisserands, et la devise « kercha wa mesrana » (l'estomac et le boyau) pour les petits vendeurs, principalement de tripes et d'abats.
• M. Bargach, Une famille au cœur de l'histoire (« Bargach (1998) »)[9] • A. Benabdallah, L’Encyclopédie de Rabat (« Benabdallah (2008) »)[10] • A. Benabdallah : Salé, point de départ de la civilisation dans la région de l'Embouchure du Bouregreg (« Benabdallah (Salé) »)[11] • A. Benabdallah : Tétouan, Capitale du nord et source de son rayonnement (« Benabdallah (Tétouan) »)[12] • M. Boujendar, Introduction de l'Histoire de Ribat al-Fath (« Boujendar (1926) »)[13] • A.-M. Kettani, La propagation de l'Islam dans Al-Andalus (« Kettani (2005) »)[14] • A. Kriem : Le rôle des réfugiés andalous à Ribat al-Fath dans la résistance à la conquête espagnole de l'Embouchure du Bouregreg (« Kriem (Andalous) »)[15] • A. Kriem : Ribat al-Fath, ville andalouse d'outre-mer (« Kriem (Ribat al-Fath) »)[16] • M. Razzouk, Les Andalous et leurs migrations vers le Maroc pendant les XVIe et XVIIe siècles (« Razzouk (1998) »)[17] • A. Souissi, L'Histoire de Ribat al-Fath (« Souissi (1979) »)[18] • S. Zahiri : Les Familles Andalouses Morisques à Tétouan, Racines et Ramifications (« Zahiri (Tétouan) »)[19] • A. Elfassi, La ville de Ribat al-Fath et ses notables au XIXe et au début du XXe siècles (« Elfassi (1996) »)[20] • Encyclopédie du Maroc (« Encyclopédie du Maroc (tome) »)[21]