La borne milliaire du Manoir est une borne milliaireromaine, du Ier siècle, anciennement placée au Manoir (Calvados), en France. Datée du règne de l'empereur Claude, c'est le plus ancien monument de ce type connu en Normandie et retrouvé in situ. La borne est conservée à Bayeux, au musée Baron-Gérard.
Description
La borne, en pierre de Caen, mesure 1,85 m de hauteur et a un diamètre de 0,58 m. F. Delacampagne propose pour sa part 2 m de hauteur[2]. L'inscription du milliaire, qui était tournée vers la chaussée[3], est mutilée mais demeure restituable[2] ; elle occupe une largeur d'environ 68 cm et ses lettres sont hautes de 40 à 69 mm selon Ed. Lambert[3].
Localisation
Jusqu'à sa découverte, avant , la borne[4] était située le long de l'actuelle route départementale 12, au lieu-dit le Calvaire.
Historique de la découverte
Selon Édouard Lambert, conservateur de la bibliothèque de Bayeux de la seconde moitié du XIXe siècle auteur d'un ouvrage précieux en ce qu'il a dessiné et recopié des bornes milliaires qui ont disparu depuis[5], ce monument « fut trouvé [par le propriétaire du lieu, M. Marchand] renversé et couché au milieu de plusieurs fragments de pierre de taille brisés et jetés confusément dans la masse d'un fossé, sur le bord de la route de Bayeux à La Délivrance, conduisant au bas du port, sur l'Orne, à Bénouville »[6].
Après sa découverte, en 1819, la borne est transportée à Bayeux par Arcisse de Caumont et Édouard Lambert pour être entreposée à l'actuel musée Baron-Gérard. Le monument original n'était pas visible entre 2001 et du fait de la profonde réorganisation du musée[7].
Le , une reconstitution hypothétique du milliaire[8], en pierre calcaire, avec l'inscription complète et surmonté d'un globe, est installée à l'emplacement d'origine sous l'égide de la Société des antiquaires de Normandie. Elle avait été réalisée par un entrepreneur en bâtiments de Bayeux, Adolphe Lechevalier[9]. La décision de la mise en place d'une réplique avait été prise dès 1826, mais reportée du fait de l'état de la route[10].
Cette dernière, déjà en mauvais état bien que recensée dans l'Inventaire, est détruite lors d'un accident de la route, en 2006. Une nouvelle réplique, un moulage en béton teinté plus semblable à l'original, l'a remplacée en 2010[11]. Une aire de stationnement d'environ 800 m2 a été aménagée pour le public et les voitures à ses alentours[12].
« Tiberius Claudius Drusi filius[13] Caesar Augustus Ger manicus pontifex ma ximus tribunicia pot estate V imperator XI pater patriae consul III designatus IIII milia passuum V »
Traduction
D'après Édouard Lambert, en 1869 (publié en 1871) :
« Tibère Claude, fils de Drusus César, Auguste Germanique, souverain pontife jouissant de la puissance tribunicienne pour la 5e fois empereur pour la 11e père de la patrie, consul pour la 3e fois désigné pour la 4e 5000 pas [depuis Augustodurum][14] »
Interprétation
Datation
Le milliaire est daté précisément du début de l'année 46 de notre ère, grâce à la titulature de Tibère Claude : cinquième année de sa puissance tribunicienne, renouvelée depuis le 41 ; et père de la patrie pour la troisième fois, depuis 42.
Localisation dans le réseau viaire de la Lyonnaise
La distance indiquée dans le texte gravé à sa surface a permis, avec d'autres sources anciennes[18], de confirmer que l'actuelle ville de Bayeux était bien un centre régional à l'époque de la Gaule romaine.
« La ville de Bayeux était donc la capitale de la contrée, probablement jusqu'aux rives de l'Orne, dès les premiers temps de la puissance romaine, puisqu'elle servait de centre pour compter les distances. Aucun monument écrit n'avait encore prouvé cette existence à une époque aussi reculée.
Tout le monde comprendra, d'après cet exposé, que le milliaire du manoir a une véritable importance historique, puisqu'il peut servir à donner la connaissance d'un fait qui n'était connu par aucun document écrit. »
↑ a et bF. Delacampagne, Le Calvados, 14 - Carte archéologique de la Gaule, Paris, 1990, p. 118
↑ a et b[Lambert 1871] Édouard Lambert, « Épigraphie romaine dans le département du Calvados », Mémoires de la Société des antiquaires de Normandie, vol. 28 (vol. 8 de la 3e série), séance publique du 21 décembre 1869, , p. 70-105 (voir p. 71-72) (lire en ligne [sur gallica], consulté en ).
↑Voir une photographie, par Pascal Corbierre (en 1990, Inv. 90.14.1702.X), de la copie de 1839 (détruite en 2006), dans Ducouret et Perrein 1990-1991, p. 4
↑Dans le CIL XVII, la restitution avec les signes diacritiques donne : [Ti(berius) Cl]au[dius] Drusi f(ilius) / [Caesar Au]gustus [Ger]/[mani]cus pontifex [ma]/[ximus] tribunicia [pot]/estate V [imperator XI] / [p(ater) p(atriae) co(n)s(ul)] III / [des]ignat[us IIII] / m(ilia) p(assuum) V Nota : contrairement à ce qui est indiqué dans la base Epigraphik-Datenbank Clauss/Slaby, Manoir est bien à localiser dans la province de la Lyonnaise (Lugudunensis) et non pas en Aquitaine.
↑Cf. Gabriel Thiollier-Alexandrowicz, avec la collab. de Robert Bedon, préf. de Raymond Chevallier, Itinéraires romains en France, d'après la « Table de Peutinger » et l’« Itinéraire d'Antonin », Dijon, Faton, 1996 (Guides monde et musées) (ISBN2-87844-036-6) (extrait en ligneVR 19 : de Valognes à Vieux).
↑Dont des bornes leugaires indiquant le nom antique et la distance (inscriptions n° 5, 6 et 13 du corpus de Lambert). Mais la première a été déplacée, la suivante est détruite et la dernière est très fragmentaire. Cf. Ernest Desjardins, Géographie historique et administrative de la Gaule romaine, 1, Paris, 1876, p. 338 (en ligne).
Annexes
Bibliographie
: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
CIL13, 08976 = Corpus Inscriptionum Latinarum [13]. Inscriptiones Trium Galliarum et Germaniarum Latinae. Partis secundae. Fasciculus II. Miliaria Galliarum et Germaniarum, éd. par Theodor Mommsen, Otto Hirschfeld, Alfred von Domaszewski, Berlin, 1907, p. 672 (en ligne).
Bernard Ducouret et Christian Perrein, « Dossier d'inventaire topographique de la Notice no IA00121945 », dans Base Mémoire, 1990-1991, Ministère de la Culture, 4 p. (en ligne).
[Delacampagne] Florence Delacampagne, Carte archéologique de la Gaule. 14. Le Calvados (dir. Michel Provost), Paris, Éd. de la Maison des sciences de l'homme, ..
[Deniaux et al. 2002] E. Deniaux, C. Lorren, P. Bauduin et T. Jarry, La Normandie avant les Normands, de la conquête romaine à l'arrivée des Vikings, Rennes, (ISBN2737311179)..
[Lambert 1871] Édouard Lambert (1794-1870), « Épigraphie romaine dans le département du Calvados [bornes milliaires] » ((Borne milliaire no 1), Mémoires de la Société des antiquaires de Normandie, t. 28, série 3, , p. 70-105 (voir p 70-73 et pl. 1) (lire en ligne [sur gallica], consulté en )..
[Lambert 1841] Édouard Lambert (1794-1870), « Procès-verbal du rétablissement de la colonne milliaire trouvée au Manoir, près Bayeux, en 1819 », Mémoires de la Société des antiquaires de Normandie, t. 12, série 2, , p. 405-409 (lire en ligne [sur gallica], consulté en )..