Au cours de sa carrière, entre les années 1970 et 2000, Al Jarreau a remporté sept Grammy Awards. Il est le seul chanteur à avoir remporté ces distinctions dans trois catégories différentes : jazz, R&B et pop.
Biographie
Jeunesse et débuts dans la musique
Alwin Jarreau[1] naît le [2] à Milwaukee dans l'État du Wisconsin[3]. Dès son plus jeune âge, il est au contact de la musique chrétienne et gospel grâce à son père Emile, un pasteur adventiste, et à sa mère Pearl, une pianiste d'église[4],[5]. Les six enfants de la famille Jarreau participent aux chorales religieuses, notamment pour des œuvres de charité et pour des associations de parents d'élèves[4],[6]. Le jeune Alwin fait ses études secondaires à la Lincoln High School de Milwaukee avant d'intégrer le Ripon College en 1958, une école privée située dans le comté de Fond du Lac[6],[7]. Pendant son temps libre, il chante avec un groupe de vocalistes appelé The Indigos[7],[8]. Il a aussi des responsabilités dans l'association étudiante Badger Boys State et joue dans le club de basket-ball de son établissement[7]. En 1962, il sort de l'école de Ripon avec un Bachelor of Arts de psychologie[3],[7]. Al Jarreau s'installe ensuite dans l'Iowa. Il se produit dans des clubs de jazz à Cedar Rapids et accompagne notamment le saxophoniste J. R. Monterose sur scène en 1963[9],[10]. L'année suivante, il obtient un master en « psychologie de l'accompagnement professionnel » à l'Université de l'Iowa afin de travailler dans le domaine de l'insertion sociale et professionnelle[3],[11]. Il déménage alors à San Francisco pour commencer son métier de conseiller social[3],[12]. Au milieu des années 1960, il fait la connaissance du claviériste George Duke dans cette ville de Californie et rejoint son trio de jazz[7],[12]. Non loin de là, à Sausalito, il se produit également en duo avec le guitariste Julio Martinez dans des boîtes de nuit[4],[13]. Ces collaborations musicales amènent progressivement Al Jarreau à privilégier sa vocation de chanteur à celle de psychologue.
En 1968, il quitte son travail et se consacre entièrement à la musique[7],[14]. Toutefois, son expérience en tant que conseiller social lui a beaucoup apporté humainement : « En exerçant ce métier, j'ai appris à comprendre la souffrance et les moments difficiles chez les autres. […] Ça m'a changé ! J'espère que ça se retrouve dans ma musique, et dans ma façon d'être en scène », déclare-t-il dans un entretien en 2015[4]. À la même époque, il divorce avec sa première femme, Phyllis Hall, qu'il avait rencontrée à l'Université de l'Iowa en 1964[15],[16]. Al Jarreau déménage à Los Angeles et continue à se produire dans des boîtes de nuit comme le Dino's, le Troubadour ou encore le Bitter End West[8],[12]. Il voyage également jusqu'à New York, où il fait quelques apparitions dans les émissions télévisées de Johnny Carson et David Frost[8],[17]. Le chanteur monte aussi sur la scène du comedy club The Improv avec Julio Martinez pour chauffer la salle avant la prestation des humoristes[8],[17]. Au printemps 1971, Al Jarreau retourne à Los Angeles[8],[15]. Lors d'une performance au Bla Bla Cafe, dans le quartier de Studio City, il rencontre Susan Player, une actrice et mannequin[15],[16]. Ils se marient en 1977 et auront plus tard un enfant nommé Ryan[16]. Toujours au début des années 1970, le chanteur fonde un groupe nommé Jarreau, dont fait notamment partie le jeune pianiste Richard Dworsky[4],[18]. Ils écrivent ensemble plusieurs morceaux de jazz fusion et enregistrent des maquettes[18]. Alors qu'il se produit dans une boîte de nuit avec sa nouvelle formation, Al Jarreau est remarqué par des responsables de Warner Bros. Records[8],[4]. En 1975, il signe sur le label Reprise et sort un album qu'il a entièrement écrit et composé : We Got By[12],[19]. Produite par Al Schmitt, cette œuvre musicale marque le commencement de la carrière professionnelle du chanteur[3],[12].
Années 1970 : premiers albums
We Got By bénéficie d'une très bonne critique et d'un succès public, le titre éponyme et You Don't See Me constituant des moments forts de cet album[12]. Les arrangements sont signées par Dave Grusin. En 1976 suit l'album Glow[12], coproduit par le tandem Al Schmitt et Tommy LiPuma (Michael Franks), où l'on retrouve des musiciens comme le guitariste Larry Carlton, Joe Sample et Wilton Felder (tous trois membres du groupe The Crusaders) ou encore le percussionniste Ralph MacDonald. On peut y apprécier des interprétations très personnelles de Your Song (Elton John) et de Agua De Beber de Vinícius de Moraes et Antônio Carlos Jobim. En 1977 paraîtra un album liveLook To The Rainbow pour lequel il obtient le premier Grammy Arward des sept qu'il recevra au cours de sa carrière[12]. En 1978, All Fly Home[12] marquera sa dernière collaboration avec Al Schmitt comme producteur, avec toujours des musiciens reconnus tels que Larry Williams du groupe Seawind, le guitariste Lee Ritenour ou encore le percussionniste Paulinho Da Costa.
Années 1980
En 1980, paraît l'album This Time, produit par Jay Graydon (Airplay), un guitariste renommé des studios de Los Angeles. Le succès est immédiat ; l'album est salué par la critique et conquiert un large public, avec des titres comme Gimme What You Got ou Never Givin' Up sortant en singles. 1981 constituera le sommet commercial de la carrière de Al Jarreau avec l'album Breakin' Away[20], toujours produit par Graydon. Les titres tels que Breakin' Away, We're In This Love Together et Roof Garden obtiennent un grand succès. Breakin' Away se hissera à la première place du Billboard dans deux catégories : Black Albums et Jazz Albums et atteindra la neuvième place dans la catégorie Pop Albums. Des musiciens célèbres ont participé à ce disque, par exemple Bill Champlin (Chicago), Steve Lukather et Jeff Porcaro (Toto), Steve Gadd, Richard Page et Steve George (Pages, Mr. Mister), David Foster, Michael Omartian (Christopher Cross), la section de cuivres de Seawind (Jerry Hey, Larry Williams), ou encore le saxophoniste de jazz Tom Scott. Breakin' Away sera nommé aux Grammy Awards dans la catégorie Meilleur Album de l'année.
Le travail d'Al Jarreau est à ce moment influencé par une forme de spiritualité issue de la science religieuse et de l'Église de Scientologie, qu'il fréquente jusqu'aux années 1990[15],[21].
En 1983, paraît l'album Jarreau, sous la houlette Jay Graydon qui choisit pratiquement les mêmes musiciens que sur Breakin' Away. Les singles Mornin', Boogie Down et Trouble In Paradise accompagneront cet album. Parmi les musiciens ne figurant pas sur Breakin' Away, on note la présence de Steve Porcaro (Toto), frère du batteur Jeff Porcaro.
Les années 1983-84 marquent un profond changement dans l'industrie musicale, aussi bien dans la politique des maisons de disques que dans les productions proposées. L'année 84 verra l'avènement du tout synthétique et Al Jarreau n'échappera pas à cette mode avec l'album High Crime, toujours produit par Jay Graydon, qui connaîtra moins de succès que ses prédécesseurs.
En 1985, Al Jarreau participe avec le groupe anglais de jazz/funk/pop Shakatak au singleDay By Day. L'année 1985 sera également celle du concert USA for Africa, pour la chanson We Are The World, projet initié par Michael Jackson, Lionel Richie et Quincy Jones, qui réussiront à rassembler une très grande partie des stars américaines de la chanson du moment, dont Al Jarreau.
Il se passera ensuite quatre ans avant que Jarreau ne sorte de nouvel album. 1992 voit la sortie de Heaven And Earth, produit par Narada Michael Walden. Ce ne sera pas un album majeur dans la carrière de Jarreau, malgré quelques titres intéressants.
En 1994, sur l'album Tenderness, Al Jarreau change radicalement ses choix de production en sortant un disque enregistré live en studio. Jarreau revient à un chant très jazz sur cet album, qui ne comporte que des reprises : We Got By, You Don't See Me, une interprétation de She's Leaving Home des Beatles, Mas Que Nada de Jorge Ben, Try A Little Tenderness (popularisée par Otis Redding) ou encore Go Away Little Girl de la paire Gerry Goffin/Carole King. L'album est le fruit d'une collaboration avec Paulinho Da Costa, Steve Gadd, Joe Sample, Marcus Miller (producteur), Eric Gale ou encore David Sanborn.
Le reste des années 1990 ne verra la sortie que d'une compilation, Best Of Al Jarreau, avec deux titres inédits : Compared To What et Goodhands Tonight.
Années 2000 et 2010
Al Jarreau commence la décennie 2000 avec la sortie d'un nouveau disque sur le labelGRP Records. Tomorrow Today est un opus de très bonne facture, sous la houlette du producteur à la mode dans le milieu du smooth jazz, Paul Brown. L'album comporte notamment le très latino Tomorrow Today ou encore Just To Be Loved (Bill Champlin / Greg Mathieson). À noter aussi la présence de Vanessa Williams pour un duo sur God's Gift To The World.
Avec Accentuate The Positive (2004), sur le prestigieux label Verve, Al Jarreau fait un retour au jazz avec l'aide de Tommy LiPuma, producteur de Diana Krall, Michael Franks et George Benson, entre autres. Al Jarreau interprète des classiques du Great American Songbook, mais aussi des compositions originales. Une production très minimaliste permet à la voix de Jarreau de montrer que, malgré le poids des années, il est toujours là. Peter Erskine à la batterie, Luis Conte aux percussions, Larry Goldings à l'orgue Hammond et Christian McBride à la basse donnent le La.
Al Jarreau sur scène à Wrocław, Pologne, le 25 juin 2006.
La tradition veut qu'aux États-Unis, chaque artiste sorte au moins un album de Noël durant sa carrière. En 2008, Al Jarreau se plie à cette tradition avec son album Christmas, où l'on note la présence du groupe vocal Take 6, mais aussi de plusieurs stars des studios californiens : le trompettiste et arrangeur Jerry Hey, le guitariste Michael Thompson, le percussionniste Lenny Castro, ainsi que son directeur musical Larry Williams.
À l'automne 2010, on peut entendre Al Jarreau sur le nouvel album du guitariste producteur de Smooth Jazz, Paul Brown, Love You Found Me. Il est aussi présent sur deux titres du dernier album de Deodato, Crossing. En 2011, il joue à « Jazz à Vienne » puis, le (un an exactement après son malaise), il revient au Festival des « Enfants du Jazz » de Barcelonnette, souhaitant honorer son engagement et rencontrer son public. Un nouvel album est en préparation pour l'année 2012 sous la houlette du producteur et musicien George Duke, ainsi que de son directeur musical Larry Williams.
La mort en 2013 de George Duke change le programme d'Al Jarreau qui sortira finalement en 2014 son dernier disque consacré à son ami décédé : My Old Friend: Celebrating George Duke.
Le , il annonce sa retraite[24] après avoir interrompu sa tournée pour cause d'« épuisement ». Il meurt le d'une insuffisance respiratoire à l'âge de 76 ans dans un hôpital de Los Angeles où il était hospitalisé depuis deux semaines[3].
Who's Right Who's Wrong, Sure Enough et Your Precious Love, en compagnie de Randy Crawford sur l'album Casino Lights-Recorded Live At Montreux, Switzerland, Artistes Variés, en 1982, Warner Bros.
Tequila sur l'album Friends de Larry Carlton en 1983, Warner Bros.
Edgartown Groove sur l'album Send Me Your Love de Kashif en 1984, Arista.
We Are The World sur l'album USA for Africa, Artistes Variés en 1985, Polygram.
Day By Day sur l'album City Rhythm de Shakatak en 1985, Polydor.
You Send Me" sur l'album Give It What U Got de Hiram Bullock en 1986, Atlantic Records.
Since I Fell For You sur l'album Double Vision de Bob James & David Sanborn en 1986, Waner Bros.
Somehow Our Love Survives sur l'album Spellbound de Joe Sample en 1989, Warner Bros.
Tango sur l'album One Passion de Michael Paulo en 1989, MCA.
Why Do The Nations So Furiously Rage? et Hallelujah! sur l'album Handel's Messiah A Soulful Celebration, Artistes Variés, en 1994, Warner Alliance.
Girl From Ipanema et Waters Of March en compagnie de Oleta Adams sur l'album A Twist Of Jobim de Lee Ritenour en 1997, GRP.
I Still Dream sur l'album Sweet Thing de Boney James en 1997, Warner Bros.
Love Will Bring Us Back Around sur l'album First Things 1st de Ricky Lawson en 1999, Platinum Records.
Happiness sur l'album Here's To You, Charlie Brown: 50 Great Years! de David Benoit en 2000, GRP Records.
Make Me Feel So Good sur l'album White Sand de Paul Brown en 2007, Peak Records.
Seven Steps To Heaven sur l'album The Standard de Take 6 en 2008, Heads Up.
He Loves You sur l'album Reunion de Seawind en 2009, Village Records Japan
Shine Shoes sur l'album Love You Found Me de Paul Brown en 2010, Shanachie Records.
Double Face et I Want You More sur l'album True Crossing de Deodato en 2010, Soul Trade / Nicolisi Productions.
Distinctions et nominations
Vainqueur des Grammy Awards
1978 — Meilleure prestation vocale dans la catégorie Jazz, Look To The Rainbow
1979 — Meilleure prestation vocale dans la catégorie Jazz, All Fly Home
1981 — Meilleur album pour enfants, In Harmony A Sesame Street Record, avec d'autres artistes
1982 — Meilleure prestation vocale dans la catégorie Pop, Breakin' Away — Meilleure prestation vocale dans la catégorie Jazz, (Round, Round, Round) Blue Rondo A La Turk
1993 — Meilleure prestation vocale dans la catégorie R&B, Heaven and Earth
2007 — Meilleure prestation vocale dans la catégorie R&B, God Bless The Child, avec George Benson et Jill Scott
Nominations aux Grammys
1981 — Meilleure prestation vocale dans la catégorie R&B, Never Givin' Up
1985 — Meilleure prestation vocale R&B par un duo, Edgartown Groove, ensemble avec Kashif
1986 — Meilleure prestation vocale R&B catégorie Homme, High Crime
1987 — Meilleure prestation vocale R&B catégorie Homme, Since I Fell For You
1988 — Meilleure prestation vocale R&B catégorie Homme, Clair de lune (Theme) — Meilleure chanson pour un générique de télévision ou autre média visuel, ensemble avec Lee Holdridge
↑ abcde et f(en) Margalit Fox, « Al Jarreau, Singer Who Spanned Jazz, Pop and R&B Worlds, Dies at 76 », The New York Times, (lire en ligne, consulté le ).
↑ abcde et fAl Jarreau : l'enchanteur, de Thierry Guedj, 2015.
↑(en) Mel Watkins, « Al Jarreau: A Jazz Singer With Soul », The New York Times, (lire en ligne, consulté le ).
↑ abc et d(en) Gail Buchalter, « Scat's New King, Al Jarreau, Says He Got by Thanks to Religion and His Second Wife », People, (lire en ligne, consulté le ).
↑(en) Joel Sappel et Robert W. Welkos, « The Courting of Celebrities : Testimonials of the famous are prominent in the church's push for acceptability. John Travolta and Kirstie Alley are the current headliners. », Los Angeles Times, (lire en ligne, consulté le ).