En berbère chleuh soussi le terme agadir (au pluriel igudar ou igidar) signifie « mur », « forteresse » ou « endroit fortifié », tandis que dans la plupart des dialectes berbères il signifie « mur » ou « muraille »[1] et peut aussi désigner un « fort »[2] ou un « rempart »[3]. Le terme agadir provient de la racine berbère commune GDR
[1].
Certains chercheurs, tel le linguiste berbérisant Salem Chaker[3] ont émis l'hypothèse d'une origine punique ou phénicienne du mot agadir, en raison d'une racine sémitique similaire existante G-D-R, cependant, elle est certes pansémitique, mais elle elle est aussi panberbère[1] et plus largement chamito-sémitique (afro-asiatique)[2], étant donné son ancrage parmi les racines panberbères[1].
La fonction de ces bâtiments est avant tout défensive. L'agadir comporte des éléments communs (réservoir d'eau, mosquée, loge du gardien, loge des inflas, pluriel de anflus[4] (représentants des familles), muraille, cuisine, toilette, etc.) et des éléments privés que représentent les cases de stockage. L'agadir abrite les réserves d'eau dans des citernes. Un espace est réservé pour mettre le bétail à l'abri.
La construction se fait souvent sur un terrain collectif et souvent dans la propriété du clan dominant ou dans des terres incultes au sommet d'un pic ou d'une colline. Les matériaux de construction sont toujours locaux : chaux, pisé, pierres sèches, briques. On trouve des agadirs construits avec plusieurs matériaux (pierre dans la base des murs et le reste est en pisé). Les portes sont en bois et décorées de motifs.
Les escaliers sont construits en dalles de calcaire à demi-encastrées dans les murs. Dans d'autres cas, des palmiers taillés sont utilisés comme escaliers.
Conservation
On y conservait les aliments au sec pendant parfois plusieurs années. Entre vingt et trente ans pour les amandes ou les arganes. Le beurre et le miel étaient conservés dans des jarres et les liquides, dont l'huile, dans des cruches à long col. On entreposait aussi les denrées quotidiennes comme les dattes, les figues, les pains de sel ou des objets plus précieux comme les peaux de mouton, les armes et munitions, les habits de fête, le henné, les titres de propriété.
Fonctions
La décision de la construction d’un agadir était prise par une assemblée de représentants de la tribu des Inflass. Chaque anflouss représente un clan ou un groupe de familles. Chaque famille doit participer à la construction de l'édifice afin d'avoir le droit de stocker ses biens.
Au Moyen Âge, les fonctions ont changé. Au Maroc, l'agadir devient une institution dotée d'une charte (llouh, ⵍⵍⵓⵃ) et assure des rôles politiques, sociaux, défensifs en plus de sa fonction économique de stockage des biens et des céréales. Dans les greniers (ksour) de Tunisie, la fonction commerciale a été dominante et ces greniers deviennent des lieux d'échanges commerciaux.
Les igoudar du Maroc avaient un rôle politique puisqu'ils représentaient le lieu du gouvernement local nommé en amazighe les inflass (ⵉⵏⴼⵍⴰⵙ). Il avait aussi un rôle sécuritaire défensif puisqu'il représente un refuge en cas d'incursions tribales ou d'attaques du pouvoir central.
Dans ces zones, les anciens greniers sont connus par les locaux sous le nom de igoudr n-iroumines ou n-bertkiz, laissant entendre qu'ils sont d'origine romaine ou portugaise, bien que ces zones sahariennes n'ont jamais connu la présence romaine ou ibérique. Actuellement, les plus anciens igoudar se situent au Maroc, au cœur de l'Anti-Atlas dans le territoire des tribus d'Illalen (ⵉⵍⵍⴰⴱⵍⵏ). Les plus anciennes chartes de gestion de ces igoudars remontent au Xe siècle.
Situation actuelle
Menaces
Les igoudar sont menacés par un ensemble de facteurs, notamment l'abandon, à cause de la sécheresse et de l'exode rural. Ils sont menacés ainsi de disparition. Un grand nombre d'entre eux, construits en pisé, se sont effondrés sous l'action des facteurs climatiques. Grâce aux associations locales, aux projets de restauration et au tourisme, certaines de ces institutions ont pu être sauvées et valorisées. Quelques-unes sont encore fonctionnelles et gérées de la même manière qu'autrefois par les communautés locales.
Les agadirs sont depuis les années 1950 des destinations prisées des touristes. En 2000, l'agadir de Tasguent et l'agadir Id Aïssa in Amtoudi sont considérés comme les deux principaux exemples d'agadirs au Maroc[5].
↑(en) Herbert Popp et Brahim El Fasskaoui, « Some observations on tourism developments in a peripheral region and the validity of global value chain theory. The Anti-Atlas Mountains in Morocco », Erdkunde(en), vol. 67, no 3, , p. 265–276 (ISSN0014-0015, DOI10.3112/erdkunde.2013.03.05, lire en ligne, consulté le ).
Marie-Christine Delaigue, Jorge Onrubia Pintado, Youssef Bokbot et Abdessalam Amarir, « Une technique d’engrangement, un symbole perché : Le grenier fortifié Nord-africain », Techniques & Culture, no 57, , p. 182–201 (DOI10.4000/tc.5875).
Herbert Popp, Mohamed Aït Hamza, Brahim el Fasskaoui et André Humbert (photographies aériennes), Les agadirs de l'Anti-Atlas occidental : Atlas illustré d'un patrimoine culturel du Sud marocain, Bayreuth, Naturwissenschaftliche Gesellschaft Bayreuth, , 499 p. (ISBN978-3939146070).
Khalid Alayoud, Les igoudar un patrimoine universel valorisant à valoriser : Cas d'Agadir Inoumar, Éditions universitaires européennes, , 76 p. (ISBN9783838184609).
Andreas Kagermeier, « La mise en tourisme des greniers collectifs du Maroc : Potentialités et contraintes », dans Brahim El Fasskaoui (dir.) et Andreas Kagermeier (dir.), Patrimoine et tourisme culturel au Maroc (actes du 9e colloque maroco-allemand de Meknès, -), Meknès, Université Moulay-Ismaïl, Faculté des Lettres et des Sciences Humaines, coll. « Actes de colloques » (no 43), (ISBN978-9981-933-48-4), p. 111–122.
(en) Giuliana Raffaelli, Pedro Robles-Marín, Francesco Guerrera, Manuel Martín-Martín, Francisco Javier Alcalá-García, Maria Letizia Amadori, Lahcen Asebriy, Iz-Eddine El Amrani El Hassani et Julian Tejera de León, « Archaeometric study of a typical medieval fortified granary (Amtoudi Agadir, Anti-Atlas Chain, southern Morocco) : A key case for the maintenance and restoration of historical monuments », Italian Journal of Geosciences, vol. 135, no 2, , p. 280–299 (DOI10.3301/IJG.2015.25, hdl10045/64989, lire en ligne).
Naïma Keddane, Greniers collectifs de l'Anti-Atlas marocain : Histoire et archéologie, Paris, L'Harmattan, , 177 p. (ISBN978-2-343-11233-6).