L'épreuve comptait pour le championnat national américain (USAC) mais également pour le championnat du monde des pilotes, dont elle constituait la cinquante-et-unième épreuve courue depuis 1950, et la troisième manche de la saison.
Depuis sa création en 1950, le championnat du monde des conducteurs intègre l'épreuve des 500 miles d'Indianapolis (courus suivant une réglementation proche de l'ancienne Formule internationale de 1938) en plus des principaux Grands Prix internationaux. Épreuve très spécifique se courant avec des monoplaces spécialement conçues pour le 'Speedway', les 500 miles sont généralement boycottés par les pilotes de formule 1, et bien souvent exclusivement disputés par les concurrents du championnat national américain, auparavant organisé par l'AAA, puis depuis cette année par l'USAC. Cette célèbre épreuve n'a donc aucune incidence sur l'attribution du titre mondial. L'as italien Alberto Ascari, champion du monde en 1952 et 1953, s'était toutefois essayé sur la piste ovale en 1952 au volant d'une Ferrari, sans succès malgré un début de course prometteur. Pour cette édition 1956, c'est au tour du vétéran Giuseppe Farina, champion du monde 1950, de tenter sa chance au volant d'une Kurtis Kraft à moteur Ferrari et d'affronter les spécialistes américains de la discipline.
Le circuit d'Indianapolis, dans l'Indiana, est le temple du sport automobile américain. Son tracé rectangulaire comporte quatre virages à gauche, relevés d'une dizaine de degrés et à rayon constant. Réalisé sous la houlette de l'homme d'affaires Carl Fisher[1], il fut inauguré en 1909, le parcours n'ayant pas évolué depuis cette date. Pour 1956, le revêtement du circuit a été entièrement refait, les portions en briques disparaissant au profit de l'asphalte, à l'exception de la ligne de départ où subsiste une bande de briques, dernier vestige du 'brickyard'. En 1955, Jack McGrath avait réalisé une moyenne de plus de 229 km/h lors des qualifications, mais le nouveau revêtement devrait permettre des vitesses nettement supérieures cette année.
La piste d'Indianapolis ne comporte que des virages à gauche, aussi les monoplaces engagées sont-elles préparées spécialement : moteur décentré à gauche du châssis, les pneus profilés pour les virages à gauche. Le constructeur le plus représenté est Kurtis Kraft, vainqueur des éditions 1950, 1951, 1953, 1954 et 1955. Presque tous les concurrents utilisent le bloc 4 cylindres Offenhauser (4500 cm3, puissance estimée entre 350 et 400 chevaux). Le règlement permet également l'utilisation de moteurs 3 litres suralimentés. En 1956, seul le motoriste Novi utilise cette option, son V8 à compresseur développant environ 560 chevaux. On note également la présence d'un six cylindres atmosphérique Ferrari sur la Kurtis Kraft de Giuseppe Farina.
Remarque : Un pilote peut être inscrit sur plusieurs voitures. De même, plusieurs pilotes peuvent tenter de qualifier une même voiture.
Qualifications
Les essais qualificatifs sont prévus les deux week-ends du 19/20 et 26/. Pour les qualifications, les pilotes sont chronométrés sur 4 tours lancés (10 miles). Le premier jour, déterminant les premières positions de la grille de départ, est appelé "Pole Day", les pilotes se qualifiant les jours suivants ne pouvant prétendre aux premières places. Grâce au nouveau revêtement de la piste, les moyennes au tour ont été nettement améliorées lors des premiers entraînements, et la performance réalisée par Jack McGrath en 1955 (231,412 km/h) sur son meilleur des quatre tours lancés devrait être nettement battue.
Le samedi , les conditions sont idéales, la piste est parfaitement sèche et beaucoup de pilotes s'apprêtent à tourner. Les spectateurs sont venus en masse, 125 000 sont présents ! Jim Rathmann est le premier à s'élancer, et dès son premier tour chronométré le ton est donné : 233,051 km/h, le record est déjà tombé. Son troisième tour lancé est accompli à 235,017 km/h, la moyenne des quatre tours s'établissant à 233,548 km/h. Seize autres pilotes vont se qualifier ce premier jour, tous à une moyenne supérieure à 226,6 km/h. Un seul va parvenir à battre Rathmann : le Californien Pat Flaherty, avec un premier tour lancé accompli à 235,054 km/h et une moyenne de 234,314 km/h sur les quatre tours, obtenant la pole position. Troisième avec une moyenne de 233,323 km/h, Pat O'Connor complète la première ligne.
La session du dimanche est également très disputée, douze pilotes obtenant leur qualification, la meilleure performance étant à l'actif de Johnny Thomson qui accomplit ses quatre tours à la moyenne 234,238 km/h, pratiquement aussi vite que Flaherty la veille. C'est la deuxième meilleure performance du week-end ; Thomson devra cependant derrière les dix-sept pilotes qualifiés le samedi.
Pour le second week-end de qualification, seulement quatre places restent à pourvoir. Il pleut toute la journée du samedi 26 et aucun pilote ne prend le volant. Le dimanche, il fait un peu meilleur mais ce n'est qu'en fin d'après-midi que le soleil apparaît, asséchant suffisamment la piste pour permettre de compléter la grille, avant que la pluie ne réapparaisse, mettant un terme aux espoirs du champion italien Giuseppe Farina, qui n'a pas l'opportunité de tourner[4].
La pole a été réalisée par Pat Flaherty à la moyenne de 234,314 km/h. Il s'agit également du meilleur temps des qualifications.
Déroulement de la course
Le départ de la course est donné à onze heures[5]. Le temps est couvert, mais la piste est sèche[4]. Lorsque la voiture de sécurité s'efface, c'est Jim Rathmann qui, du centre de la première ligne, réussit le meilleur départ. Il aborde le premier virage en tête devant Pat Flaherty et Pat O'Connor. Jim Rathmann repasse le premier à la fin du premier tour, avec une légère avance sur Flaherty et O'Connor, qui roulent au coude à coude. Tony Bettenhausen remonte bientôt en quatrième position, juste derrière O'Connor. Ces deux hommes se livrent un duel acharné et débordent Flaherty, se rapprochant du leader. Au quatrième tour, O'Connor déborde Rathmann et prend la tête, suivi de très près par Bettenhausen. Après un départ moyen, Paul Russo exploite à fond la puissance de sa Novi Spl. pour rejoindre les hommes de tête. Au cinquième tour, il est revenu en cinquième position, dans les roues de Flaherty. À la fin du dixième tour, il est dans le sillage d'O'Connor, il le dépasse peu après, prenant la tête de la course. Flaherty se maintient dans la roue des deux premiers, tandis que Bettenhausen a laché prise et perdu quelques places au sein du peloton. Durant une dizaine de tours, les trois hommes de tête se livrent une lutte acharnée. Aux 50 miles, la moyenne réalisée par Russo est de près de 229 km/h, 10 km/h plus élevée que l'année précédente ! Russo vient d'ailleurs de s'adjuger le record du tour, à plus de 232 km/h de moyenne, battant son temps de qualification. Malheureusement les gommes de la Novi ne vont pas supporter un tel rythme : au début du vingt-deuxième tour, abordant le virage sud-ouest, le pneu arrière droit éclate et Russo amorce un impressionnant dérapage, heurte le mur extérieur et s'immobilise au milieu de la piste. Le pilote, indemne, parvient à s'extraire rapidement de sa voiture. Si O'Connor et Flaherty sont passés sans encombre, les suivants se font surprendre, mais parviennent toutefois à éviter l'obstacle, parfois au prix de terribles embardées. Sam Hanks, qui s'est accroché avec Andrews, a perdu de nombreuses places dans l'incident.
Les lumières jaunes s'allument immédiatement : la course est neutralisée. Plus de quinze minutes sont nécessaires au déblayage de la piste, d'autant que d'autres incidents ont eu lieu : Troy Ruttman est sorti de la piste pour éviter deux concurrents en perdition, tandis que Johnny Thomson a heurté une voiture arrêtée dans les stands ; tous deux ont dû abandonner. Lorsque la course est relancée, O'Connor et Flaherty reprennent leur course en tête, se détachant du reste du peloton emmené par Johnnie Parsons. La longue neutralisation a nettement fait chuter la moyenne : 198,9 km/h après 40 tours (100 miles). Les deux leaders, toujours roues dans roues, accentuent leur avance sur leurs poursuivants mais au quart de la course une seconde neutralisation va être imposée aux concurrents, à la suite d'une sortie de route de Crawford dans le virage nord. Les deux premiers en profitent pour ravitailler et changer de pneus, laissant Parsons prendre en tête. Les nombreux arrêts permettent à Don Freeland, parti en fond de grille, de prendre la seconde place, puis la première lorsque Parsons s'arrête à son tour pour ravitailler. À la fin du soixante-quinzième tour, Freeland ravitaille également, et Flaherty reprend la première place. Peu après, Herman percute le mur des stands et la course est à nouveau neutralisée durant quelques minutes. Après 80 tours, Flaherty mène toujours la ronde devant Freeland (qui n'a perdu qu'une place lors de son arrêt au stand), Bob Sweikert, Parsons, Hanks (bien revenu) et O'Connor, ce dernier ayant perdu un peu de terrain sur les leaders. Peu avant la mi-course, Freeland s'accroche avec un attardé et doit repasser par les stands pour faire réparer l'avant de sa voiture, perdant la seconde place au profit de Hanks, qui a dépassé Parsons puis Sweikert.
Flaherty semble désormais avoir la course bien en mains. Après 120 tours, il devance nettement Hanks, Sweikert et Freeland. Il ravitaille pour la seconde fois à la fin du cent-trente-troisième ; l'arrêt est extrêmement rapide, et il repart en conservant sa première place. Peu après, Jimmy Daywalt percute le mur dans le virage sud-est : il est sérieusement blessé et la course est une nouvelle fois neutralisée. À la relance, Flaherty occupe toujours la première place, devant Freeland et Hanks (qui a ravitaillé). À moins de quarante tours de la fin, alors que Hanks vient de reprenre la seconde place à Freeland, Tony Bettenhausen percute violemment le mur dans le virage sud-ouest ; il s'en tire avec une clavicule cassée. La fin de course n'apporte pas de changement notable, malgré un baroud d'honneur de Hanks qui grignote rapidement son retard sur Flaherty. De quarante-cinq secondes, l'écart n'est bientôt plus que de vingt-sept et le public commence à espérer une arrivée disputée. Mais Flaherty hausse alors le rythme, veillant à maintenir une marge d'une vingtaine de secondes sur son adversaire, marge qu'il conserve jusqu'à l'arrivée. Derrière Hanks, méritant second, Freeland termine isolé à la troisième place.
Classements intermédiaires
Classements intermédiaires des monoplaces aux premier, cinquième, dixième, vingtième, trentième, quarantième, cinquantième, soixantième, quatre-vingtième, centième, cent-vingtième, cent-quarantième, cent-soixantième et cent-quatre-vingtième tours[6].
Un (R) indique que le pilote était éligible au trophée du "Rookie of the Year" (meilleur débutant de l'année), attribué à Bob Veith.
Pole position et record du tour
Pole position : Pat Flaherty en 1 min 01 s 815 lors de la première séance de qualification[4] (quatre tours en 4 min 07 s 26 - vitesse moyenne : 234,314 km/h).
attribution des points : 8, 6, 4, 3, 2 respectivement aux cinq premiers de chaque épreuve et 1 point supplémentaire pour le pilote ayant accompli le meilleur tour en course (signalé par un astérisque)
Le règlement permet aux pilotes de se relayer sur une même voiture, les points éventuellement acquis étant alors partagés. En Argentine, Musso et Fangio marquent chacun quatre points pour leur victoire, Landi et Gerini marquent chacun un point et demi pour leur quatrième place. À Monaco, Collins et Fangio marquent chacun trois points pour leur seconde place, Castellotti un point et demi pour la quatrième place partagée avec Fangio, ce dernier ne pouvant cumuler avec les points de sa seconde place.