L'épreuve comptait pour le championnat national américain (USAC) mais également pour le championnat du monde des pilotes, dont elle constituait la quatre-vingt-septième épreuve courue depuis 1950, et la troisième manche de la saison.
Réservée aux monoplaces américaines suivant la réglementation Indycar, l'épreuve des 500 miles d'Indianapolis constitue néanmoins une manche du championnat du monde des conducteurs. En général, seuls les pilotes américains y participent, rares étant les protagonistes des grands prix de F1 ayant tenté leur chance sur la piste ovale. Parmi les plus célèbres, Alberto Ascari s'était brillamment qualifié en 1952, sans succès en course, alors qu'en 1958 Juan Manuel Fangio avait participé aux entraînements préliminaires avant de renoncer, faute de disposer d'une monoplace capable de s'imposer. Si les moteurs de F1 utilisées dans les autres manches mondiales sont limités à 2500 cm3, les roadsters américains disposent de moteurs atmosphériques de 4200 cm3 ou de moteurs suralimentés de 2800 cm3. Avec le changement de réglementation du championnat mondial des pilotes planifié par la Commission sportive internationale (CSI) pour la saison 1961, c'est la dernière fois que les 500 miles sont intégrés au calendrier.
L'anneau d'Indianapolis et ses quatre virages à gauche, tous relevés.
L'autodrome d'Indianapolis fut créé en 1909 à l'initiative de l'homme d'affaires Carl Fisher[1]. Initialement en pierres compressées, le revêtement de ce circuit rectangulaire (comportant quatre virages relevés) fut rapidement remplacé par des briques, jugées moins glissantes. Environ trois millions de briques furent utilisées pour recouvrir les quatre kilomètres de piste. En 1935, le circuit fut recouvert d'asphalte sur sa majeure partie, à l'exception de la ligne droite des stands[2]. Le revêtement fut entièrement renouvelé en 1956, l'asphalte recouvrant l'intégralité de la piste à l'exception d'une symbolique bande de briques matérialisant la ligne de départ. Contrairement aux Grands Prix de formule un, les qualifications sont basées sur une série de quatre tours chronométrés consécutifs, et le départ de l'épreuve est de type lancé, les pilotes devant accomplir deux tours de circuit derrière la voiture de sécurité (cette année un cabriolet Oldsmobile 88) avant que la course soit ouverte.
Le record de la piste est détenu par Johnny Thomson, qui a effectué le meilleur de ses quatre tours à près de 236 km/h de moyenne lors des qualifications en 1959.
Monoplaces en lice
Pour exploiter au mieux les spécificités des courses sur ovale, les constructeurs américains ont développé des monoplaces à moteur décentré sur la gauche et utilisent des pneumatiques conçus à cet effet. Dominateur au début des années 1950, le constructeur Kurtis Kraft est supplanté depuis 1956 par ses principaux concurrents Watson et Epperly. Tous utilisent le moteur 4 cylindres atmosphérique Offenhauser, dont la conception initiale, due à Harry Arminius Miller, remonte à 1932. D'une cylindrée de 4200 cm3, il développe plus de 400 chevaux. La transmission est assurée par une boîte de vitesses à seulement deux rapports, le premier n'étant utilisé qu'au démarrage[3].
Remarque : Un pilote peut être inscrit sur plusieurs voitures. De même, plusieurs pilotes peuvent tenter de qualifier une même voiture.
Qualifications
Les essais qualificatifs sont organisés les deux week-ends précédant la course, les 14/15 et 21/.
Pour se qualifier, les pilotes sont chronométrés sur 4 tours lancés (10 miles). Le premier jour, déterminant les premières positions de la grille de départ, est appelé "Pole Day", les pilotes se qualifiant les jours suivants ne pouvant plus prétendre aux premières places. En 1959, Johnny Thomson avait porté le record de la piste à 235,820 km/h, ayant obtenu la pole position en couvrant ses quatre tours lancés à 234,816 km/h de moyenne[6].
Dick Rathmann est le premier à tenter sa chance lors du "Pole Day", le samedi , sur son roadster Watson. Il se qualifie à 234,229 km/h de moyenne, en deçà du record de Thomson. Son frère Jim, qui pilote une voiture identique, s'élance peu après et fait mieux, bouclant ses quatre tours à 235,561 km/h et améliorant le record de la piste. Vainqueur en 1959, Rodger Ward, également sur Watson, tente sa chance à son tour. À 234,256 km/h, il s'intercale entre les deux frères Rathmann. C'est finalement Eddie Sachs (sur Ewing) qui aura le dernier mot : il se qualifie à 235,917 km/h de moyenne et s'attribue la pole position, Jim Rathmann et Rodger Ward complétant la première ligne. Seize pilotes se sont qualifiés lors de cette première journée. Le lendemain, le temps est couvert et seuls six pilotes parviennent à se qualifier avant l'arrivée de la pluie. Le plus rapide est Thomson, qui égale presque le temps de Sachs, mais ne s'élancera cependant qu'en milieu de grille.
Jim Hurtubise, héros du dernier jour des qualifications.
Le second week-end de qualifications commence sous la pluie et personne n'est en mesure de tourner le samedi. Le temps se rétablit le dimanche, alors que onze places restent encore à pourvoir. Un débutant va alors faire sensation : à sa première tentative, Jim Hurtubise va littéralement affoler les chronomètres ; malgré son expérience limitée du circuit (seulement trente-cinq tours réalisés lors des entraînements préliminaires), il adopte d'emblée un pilotage très agressif, levant le pied au tout dernier moment et freinant brutalement à l'entrée de chacun des quatre virages, là où tous les autres concurrents lèvent préalablement le pied de l'accélérateur et abordent les courbes dans un style coulé, sans toucher aux freins[7]. Public et officiels en restent coi et doutent un instant des temps enregistrés : Hurtubise a pulvérisé le record de la piste lors de son troisième tour lancé, à 240,759 km/h ! Sa moyenne sur les quatre tours s'élève à 239,882 km/h, soit 4 km/h de mieux que les meilleurs spécialistes de l'épreuve. Selon le règlement, il partira derrière les vingt-deux concurrents qualifiés la semaine précédente, en huitième ligne seulement. Parmi les dix autres pilotes qualifiés lors de cette dernière session, aucun n'a pu rivaliser avec Hurtubise, qui a devancé ses adversaires du jour de deux voire trois secondes au tour...
Dempsey Wilson remplace au pied levé Jimmy Daywalt, forfait. Bien que Daywalt se soit qualifié en vingt-sixième position, Wilson doit s'élancer de la dernière place de la grille[6].
Déroulement de la course
Comme l'année précédente, le ciel est couvert mais le temps est sec au moment du départ, donné à onze heures du matin[6]. Placé à l'extérieur de la première ligne, Rodger Ward vire en tête dans la première courbe, devant Eddie Sachs. Les deux hommes accomplissent le premier tour roues dans roues, Sachs débordant son adversaire au début du second tour. Ward parvient à reprendre l’avantage au quatrième tour, et commence à se détacher progressivement, portant son avance à deux secondes au dixième passage. Juste derrière Sachs, Jim Rathmann se maintient en troisième position, tandis que, mal placé au départ, Tony Bettenhausen a fait une spectaculaire remontée jusqu'à la quatrième place, juste devant Troy Ruttman qu'il vient de déborder, et Jim Hurtubise, qui a déjà regagné dix-sept places depuis le départ. Ruttman réagit alors, accélère la cadence, repasse bientôt Bettenhausen, puis en quelques tours passe successivement Rathmann, Sachs et enfin Ward au dix-neuvième passage, prenant le commandement de la course. Après les cinquante premiers miles, la moyenne de Ruttmann est de 230 km/h. Juste derrière, Ward et Rathmann bataillent ferme pour la seconde place, Rathmann prenant finalement l'avantage au vingt-quatrième tour. Au passage suivant, Truman effectue son premier ravitaillement et Rathmann se retrouve en tête, devant Ward. De nombreux pilotes vont passer par les stands à l'approche des 100 miles, et Sachs en profite pour reprendre la tête jusque son arrêt tardif au cinquante-troisième tour. Ruttmann reprend le commandement mais se fait bientôt déborder par Sachs dont le ravitaillement s'est effectué en moins de vingt secondes. Rathmann dépasse également Ruttman et attaque bientôt Sachs. Durant une quinzaine de tours Rathmann et Sachs vont se disputer 6aprement le commandement, échangeant sans cesse leurs positions. Le duel va prendre fin lorsque Sachs effectue son deuxième arrêt ravitaillement, qui va durer plus de deux minutes à cause d'un problème de direction apparu sur sa monoplace.
Rathmann reste seul en tête avant d'effectuer son second ravitaillement, cédant momentanément le commandement à Johnny Thomson jusqu’au passage au stand de celui-ci, dix tours plus tard. On approche alors de la mi-course et Rathmann compte désormais quelques secondes d’avance sur Ward ; Thomson a repris la piste en troisième position, il précède Bettenhausen et Ruttmann. Rathmann va porter son avance à dix secondes avant que Ward n'accélère l'allure, se rapprochant rapidement de l'homme de tête. Au cent-vingtième tour, l'écart entre les deux premiers est retombé à deux secondes, tandis qu'un peu plus loin Thomson a distancé Bettenhausen dont le moteur commence à fumer de façon inquiétante et qui va devoir renoncer quelques boucles plus tard, alors qu'en tête Ward vient de déborder Rathmann. Un formidable chassé-croisé s'engage alors entre les deux hommes, qui va durer jusqu'à la fin de la course. Le troisième ravitaillement ne viendra pas perturber le duel, le dernier arrêt étant parfaitement exécuté de part et d'autre, en une vingtaine de secondes. Jusqu'à trois tours de la fin, l'issue reste incertaine, les positions changeant continuellement. Cependant, alors qu'il ne reste plus qu’une dizaine de kilomètres à parcourir, Ward se rend compte que son pneu avant droit est usé jusqu'à la corde et lève un peu le pied pour assurer la seconde place. Rathmann l'emporte au terme d'une course passionnante, remportant sa première victoire sur l'ovale après trois secondes places acquises en 1952, 1957, 1959. Longtemps troisième, Thomson a quelque peu ralenti en fin d'épreuve et c'est finalement Paul Goldsmith qui complète le tiercé de tête, après avoir dépassé Don Branson peu avant l'arrivée.
Classements intermédiaires
Classements intermédiaires des monoplaces aux premier, quatrième, dixième, quinzième, vingtième, trentième, quarantième, soixantième, quatre-vingtième, centième, cent-vingtième, cent-trentième, cent-cinquantième et cent-quatre-vingtième tours[8].
Un (R) indique que le pilote était éligible au trophée du "Rookie of the Year" (meilleur débutant de l'année), attribué à Jim Hurtubise.
Pole position et record du tour
Pole position : Eddie Sachs en 1 min 01 s 395 lors de la première séance de qualification (quatre tours en 4 min 05 s 58 - vitesse moyenne : 235,895 km/h).
Meilleur temps des qualifications établi lors de la quatrième séance par Jim Hurtubise en 1 min 00 s 38 (quatre tours en 4 min 01 s 52 - vitesse moyenne : 239,882 km/h).
Attribution des points : 8, 6, 4, 3, 2, 1 respectivement aux six premiers de chaque épreuve.
Pour la coupe des constructeurs, même barème mais seule la voiture la mieux classée de chaque équipe inscrit des points. Les 500 miles d'Indianapolis ne sont pas pris en compte pour cette coupe, la course n'étant pas ouverte aux monoplaces de formule 1.
Seuls les six meilleurs résultats sont comptabilisés.
Le règlement permet aux pilotes de se relayer sur une même voiture, les points éventuellement acquis étant alors perdus pour pilotes et constructeur[6].
1re victoire pour Jim Rathmann dans le cadre du championnat du monde des conducteurs.
3e victoire pour Watson en tant que constructeur dans le cadre du championnat du monde.
11e victoire pour Offenhauser en tant que motoriste dans le cadre du championnat du monde.
Le jour de la course, une des tribunes de fortune construites par un groupe de spectateurs s'est effondrée dans la foule, faisant deux morts et une quarantaine de blessés[3].
Signe du caractère artificiel de l'inscription de l'Indy 500 au calendrier du championnat du monde de F1, l'épreuve s'est tenue le lendemain du GP de Monaco. Bien entendu, aucun pilote n'a participé aux deux épreuves.
L'Indy 500 1960 fut la onzième et dernière édition comptant pour le championnat du monde. Avec l'organisation d'un véritable Grand Prix des États-Unis à partir de 1959, la présence de l'Indy 500 dans le championnat du monde n'avait plus de raison d'être.
Notes et références
↑Mikes Twites, Michel Vaillant - Spécial Steve Warson : Indianapolis, Éditions du Lombard, , 88 p.
↑(en) Adriano Cimarosti, The complete History of Grand Prix Motor racing, Aurum Press Limited, , 504 p. (ISBN1-85410-500-0)
↑ a et bAlain Bertaut, « Indianapolis : le salaire de la peur », L'Automobile, no 171, , p. 44
↑(en) David Hayhoe et David Holland, Grand Prix data book, Duke Marketing Ltd, , 567 p. (ISBN0 9529325 0 4)
↑(en) Bruce Jones, The complete Encyclopedia of Formula One, Colour Library Direct, , 647 p. (ISBN1-84100-064-7)
↑ abcde et f(en) Mike Lang, Grand Prix volume 1, Haynes Publishing Group, , 288 p. (ISBN0-85429-276-4)
↑L'année automobile no 8 1960-1961, Lausanne, Edita S.A.,
↑Edmond Cohin, L'historique de la course automobile, Editions Larivière, , 882 p.