L'épreuve comptait pour le championnat national américain (AAA) mais également pour le championnat du monde des pilotes, dont elle constituait la dix-septième épreuve et la deuxième manche de la saison.
Créé en 1950, le championnat du monde des conducteurs inclut les 500 miles d'Indianapolis, disputés sous l'ancienne formule internationale, en plus des principaux Grands Prix européens du championnat, courus cette année sous la réglementation formule 2. En général, seuls les spécialistes américains de l'AAA participent à Indianapolis, deuxième épreuve du championnat mondial, disputée douze jours après le Grand Prix de Suisse. Le champion italien Alberto Ascari a toutefois décidé de courir les 500 miles, au volant d'une Ferrari 375 modifiée pour la circonstance, ce qui constitue l'évènement de cette édition.
Ce circuit rectangulaire comporte quatre virages relevés à rayon constant et développe exactement 2,5 milles (en anglais 'miles'), soit 4,023 km. Lors de sa création en 1909, la piste était constituée de graviers, rapidement remplacés par un revêtement de briques rouges. Depuis le milieu des années 30, le circuit alterne portions en Tarmac et portions en briques. Traditionnellement le départ est de type lancé, après un tour accompli derrière la voiture de sécurité (une Studebaker Commander pour cette édition 1952).
Monoplaces en lice
Les "Special"
Cinquante-quatre des cinquante-huit monoplaces engagées sont spécialement adaptées pour ce circuit ne comportant que quatre virages à gauche, tous relevés. Vainqueur l'année précédente, le constructeur américain Kurtis Kraft est le plus représenté, avec vingt voitures. Le motoriste Offenhauser équipe plus de 80 % des concurrents, il est toutefois sérieusement concurrencé par le performant Novi (8 cylindres - 3 litres à compresseur), dont trois voitures sont équipées. Fabricant de moteurs Diesel pour camions, la société Cummins a également engagé une Kurtis Kraft équipée d'un de ses six cylindres à compresseur.
Ferrari 375
La Scuderia Ferrari a adapté deux Ferrari 375 F1 (empattement allongé, châssis rigidifié) en vue de cette course qu'elle dispute pour la première fois. Mais seule la voiture d'Alberto Ascari va pouvoir prendre part aux qualifications, Giuseppe Farina ayant détruit la sienne lors d'un test à Turin. À l'initiative de Luigi Chinetti, représentant la firme italienne aux États-Unis, trois autres 375 modifiées ont été engagées par des concurrents locaux[1].
Remarque : Un pilote peut être inscrit sur plusieurs voitures.
Qualifications
Les essais ("trial days") se déroulent les trois week-ends précédant la course. Pour cette année 1952, le premier week-end (10 et ) est réservé aux débutants ('rookies'), qui doivent accomplir des séries de tours à des moyennes minimales imposées avant de pouvoir participer aux séances chronométrées déterminantes pour la grille de départ. Parmi ces nouveaux venus figure Alberto Ascari, qui effectue ce premier test avec aisance. Il est donc admis à participer aux qualifications, qui débutent le . Seuls les trente-trois premiers qualifiés seront admis pour la course. Sept pilotes se qualifient lors de la première journée, le plus rapide étant Fred Agabashian, qui au volant de sa Kurtis Kraft à moteur Cummins accomplit ses quatre tours lancés à la moyenne de 222,106 km/h, et s'assure ainsi la pole position, une première pour une monoplace à moteur Diesel. Agabashian a même tourné à plus de 224 km/h de moyenne lors de son premier tour lancé, mais l'usure rapide de ses pneus ne lui a pas permis de maintenir ce rythme lors des tours suivants. Andy Linden et Jack McGrath, tous deux sur Kurtis Kraft à moteur Offenhauser, ont réalisé les deuxième et troisième chronos de cette journée, s'assurant une place en première ligne. Alberto Ascari n'est pas parvenu à tourner assez rapidement pour s'assurer une place sur la grille, la vitesse de pointe de la Ferrari s'avérant insuffisante pour réaliser la moyenne minimale de qualification imposée. On note également le spectaculaire accident de Tony Bettenhausen, qui détruit sa Kurtis Kraft.
Le dimanche étant perturbé par la pluie, rendant toute qualification impossible, c'est le samedi 24 qu'a lieu la deuxième vague d'essais chronométrés. Dix-neuf pilotes vont s'assurer une place sur la grille. Bill Vukovich se montre très nettement le plus rapide de cette session, au volant de sa Kurtis Kraft, à la moyenne de 222,431 km/h; il a battu le temps de la pole position, et s'élancera huitième sur la grille (derrière les sept qualifiés de la première journée). Vukovich avait également essayé la Ferrari engagée par Howard Keck, mais celle-ci s'était montrée nettement moins rapide que sa Kurtis Kraft. La Ferrari officielle d'Ascari a quant à elle reçu quelques améliorations (notamment une nouvelle rampe de carburateurs, permettant une puissance de 385 chevaux[4]), et le pilote italien obtient son ticket d'entrée pour la course : il a accompli ses quatre tours à plus de 216 km/h de moyenne, et partira en dix-neuvième position.
La journée du , qui devait être la dernière journée de qualifications, est également perturbée par la pluie. Comme seulement vingt-six pilotes sur trente-trois sont qualifiés, les organisateurs reportent au lendemain lundi cette dernière session. Chet Miller, au volant de sa Kurtis Kraft-Novi, se qualifie à la moyenne record de 223,754 km/h, la meilleure performance jamais réalisée sur ce circuit. Il ne s'élancera néanmoins qu'en neuvième ligne, derrière les vingt-six pilotes précédemment qualifiés. Accidenté lors de la première journée, Tony Bettenhausen obtient finalement sa qualification au volant d'une Deidt, sa voiture de l'année précédente.
La pole a été réalisée par Fred Agabashian à la moyenne de 222,106 km/h. Le meilleur temps des qualifications est quant à lui à mettre au crédit de Chet Miller avec une moyenne de 223,754 km/h. S'étant qualifié lors de la dernière séance qualificative, Miller s'élança de la vingt-septième position.
Déroulement de la course
Pour accomplir les quelque huit cents kilomètres de cette course, deux ravitaillements en carburant sont prévus pour la plupart des concurrents. Le temps est chaud et ensoleillé au moment où la voiture de sécurité libère les trente-trois monoplaces. De l'extérieur de la première ligne, Jack McGrath effectue un très bel envol et vire en tête au premier virage, devant Jim Rathmann qui a dépassé huit voitures par l'intérieur, tandis que Fred Agabashian et Andy Linden manquent complètement leur départ[5]. McGrath est toujours devant à l'issue du premier tour, précédant Rathmann, Troy Ruttman et Duane Carter. Au second, Ruttman a dépassé Rathmann et s'est emparé de la seconde place, tandis que Bill Vukovich, très incisif en ce début de course, a débordé deux voitures et se retrouve quatrième. Au troisième tour, Vukovich double Rathmann, au cinquième Ruttman puis s'empare de la tête au septième, se détachant rapidement devant McGrath. Ce dernier se fait peu après déborder par Ruttman, qui se accélère le rythme et remonte bientôt sur le leader, il parvient même à prendre brièvement la tête au cours du douzième tour, mais Vukovich reprend aussitôt son bien au virage suivant, et commence à creuser régulièrement l'écart sur son adversaire. Derrière les deux leaders, le reste du peloton, emmené par Rathmann, est nettement distancé. On note la belle progression d'Alberto Ascari, parti dix-neuvième, qui se retrouve bientôt en huitième position et effectue des débuts très remarqués.
Vukovich continue à accélérer l'allure, seul Ruttman tente de ne pas perdre le contact, mais après soixante tours le leader s'est construit une avance de près de trente secondes. Les autres concurrents comptent plus d'un tour de retard, Rathman et McGrath ayant été retardés, alors qu'Ascari a dû abandonner au quarante-et-unième tour, jante brisée. Au soixante-deuxième tour, Vukovich effectue son premier ravitaillement, il repart en troisième position derrière Ruttman, nouveau leader, et Rathmann. Il reprend bientôt la seconde place, mais compte alors plus de trente secondes de retard sur le premier. Celui-ci ravitaille seulement au quatre-vingt-troisième tour : l'arrêt se passe mal, un mécanicien renversant du carburant sur le tuyau d'échappement, occasionnant un début d'incendie. Cet incident fait perdre près de deux minutes à Ruttman, qui ressort des stands en troisième position à deux tours de Vukovich, à nouveau en tête avec quarante-six secondes d'avances sur Rathmann.
Ruttman reprend la seconde place lorsque Rathmann ravitaille, mais compte toujours plus d'une minute et demie de retard sur Vukovich, qui ne semble pas pouvoir être inquiété. Cependant, lorsqu'il effectue son second ravitaillement au cent trente-cinquième tour, le changement de roues pose des difficultés et lui fait perdre plus de deux minutes et la tête de la course. Ruttman mène alors avec environ trente secondes d'avance, jusqu'à son second arrêt, effectué rapidement au cent quarante-septième tour. Alors qu'un quart de la distance reste à parcourir, Vukovich compte désormais une quarantaine de secondes d'avance sur Ruttman. Rathmann est toujours en troisième position, devant Sam Hanks, mais compte plusieurs tours de retard sur les deux premiers. Ruttman tente un dernier assaut, et réduit progressivement son écart sur le leader : son retard est de trente-six secondes au cent-soixantième tour, de trente-et-une au cent-soixante-dixième. Sous la menace, Vukovich augmente alors sa cadence, et stabilise son avance à une trentaine de secondes. Il a pratiquement course gagnée, lorsqu'à neuf tours de l'arrivée il est victime d'un bris de direction et termine sa course dans le mur du virage nord-est (virage 3), sans dommage pour lui. Ruttman hérite de la victoire (et des 61000 dollars associés[6]), loin devant Rathmann, second à plus de quatre minutes, Hanks finissant troisième à plus de six minutes.
Classements intermédiaires
Classements intermédiaires des monoplaces aux premier, deuxième, cinquième, vingtième, quarantième, soixantième, quatre-vingtième, centième, cent-vingtième, cent-quarantième, cent-soixantième et cent-quatre-vingtième tours[7].
Un (R) indique que le pilote était éligible au trophée du "Rookie of the Year" (meilleur débutant de l'année), attribué à Art Cross.
Pole position et record du tour
Pole position : Fred Agabashian en 1 min 05 s 212 lors de la première séance de qualification (quatre tours en 4 min 20 s 85 - vitesse moyenne : 222,106 km/h).
Meilleur temps des qualifications établi lors de la troisième séance par Chet Miller en 1 min 04 s 732 (quatre tours en 4 min 18 s 93 - vitesse moyenne : 223,735 km/h).
attribution des points : 8, 6, 4, 3, 2 respectivement aux cinq premiers de chaque épreuve et 1 point supplémentaire pour le pilote ayant accompli le meilleur tour en course (signalé par un astérisque)
À noter
1re victoire pour Troy Ruttman dans le cadre du championnat du monde. Âgé de vingt-deux ans, il devient le plus jeune vainqueur des 500 miles d'Indianapolis.
1re victoire pour Kuzma en tant que constructeur dans le cadre du championnat du monde.
3e victoire pour Offenhauser en tant que motoriste dans le cadre du championnat du monde.
Pour la première fois un pilote régulier du championnat du monde, Alberto Ascari, tente sa chance à Indianapolis. Pour cela, il a fait l'impasse sur le GP de Suisse, organisé en même temps que le second week-end des qualifications de l'Indy 500.
Notes et références
↑Jean-Marc Teissedre, « Indy 500 fête en 2016 sa 100e édition », Revue Auto hebdo, no 2053,
↑(en) David Hayhoe et David Holland, Grand Prix data book, Duke Marketing Ltd, , 567 p. (ISBN0-9529325-0-4)
↑(en) Bruce Jones, The complete Encyclopedia of Formula One, Colour Library Direct, , 647 p. (ISBN1-84100-064-7)
↑Johnny Rives, Gérard Flocon et Christian Moity, La fabuleuse histoire de la formule 1, Éditions Nathan, , 707 p. (ISBN2-09-286450-5)
↑ a et b(en) Mike Lang, Grand Prix volume 1, Haynes Publishing Group, , 288 p. (ISBN0-85429-276-4)