La ville-district de Kangding (chinois : 康定市 ; pinyin : kāngdìng shi) ou Dardo dzong (tibétain : དར་མདོ་རྫོང་, Wylie : dar-rtse-mdo, pinyin tibétain : Darzêdo, THL : Dardo dzong), parfois également retranscrit en Dardo ou Dartsedo, est une ville-district administratif de la province du Sichuan en Chine. La ville de Kangding est le chef-lieu de la préfecture autonome tibétaine de Garzê. La ville a été également connue en Occident sous le nom de Dajianlu (chinois : 打箭爐 ; pinyin : Dǎjiànlú ; Wade : Ta-chien-lu ; EFEO : Ta-tsien-lou), du nom tibétain Darzêdo.
La ville de Dartsedo est, depuis la dynastie Song, un point important d'échanges entre Tibétains et Chinois que l'on l'appelle chama maoyi (茶马贸易 / 茶馬貿易, chá mǎ màoyì, « commerce du thé-cheval »). Du thé venant de Chine y est alors échangé contre des chevaux venus du Tibet. La province du Sichuan devient alors une importante région productrice de thé[2]. Sous la dynastie Ming, ce commerce se ralentit, le pouvoir chinois y imposant des restrictions et l'utilisant comme instrument pour contrôler les Tibétains : la production de thé du Sichuan fut réduite de deux-tiers par rapport à la dynastie Song[2]. Les Tibétains, de plus en plus demandeurs de denrées en provenance de Chine (riz, vêtements, tabac, etc.), prennent le contrôle de la ville, profitant de la chute de la dynastie Ming pour y placer des troupes. En 1696, le contrôle tibétain y est le plus fort[2].
La dynastie Qing reprend le contrôle de la ville lors de la Bataille de Dartsedo en 1701. L'empereur y envoie une armée de 20 000 hommes depuis Jingzhou, dans la province du Hubei, pour résoudre ce conflit[3].
En 1890, afin de rallier Paris au Tonkin, en Indochine française, l'explorateur Gabriel Bonvalot traverse le plateau tibétain en plein hiver. Juste avant d'arriver à Lhassa, des ambassadeurs du gouvernement tibétain l'arrêtent. Après de longues négociations, son voyage peut reprendre. Il doit alors traverser le plateau tibétain jusqu'à son extrémité orientale. Il atteint Tatsienlou en juin, il y reste un mois et rend visite à la mission des pères français de la Société des missions étrangères. Gabriel Bonvalot décrit ainsi la ville :
« Tatsienlou a une population composée de Tibétains et de Chinois. La plupart des Chinois sont soldats ou bien marchands, occupés surtout au commerce du thé, de l'or, de la rhubarbe et des peaux. On trouve aussi dans leurs boutiques des marchandises européennes, des tapis et des draps russes, des calicots anglais, de l'horlogerie suisse, des contrefaçons allemandes. »[4].
Pour Claude Arpi, en 1905, alors que l'empire mandchou était dans son déclin, les frères Zhao Erfeng et Zhao Erxun, seigneurs de guerre chinois, se partagèrent la tâche de découper le Tibet en différentes régions administratives. L'Amdo et le Kham devinrent les provinces du Qinghai et du Xikang[6]. D'abord district spécial de Chuanbian (1912 — 1939), le Xikang devint officiellement une province en 1939. Jusqu'en 1950, sa capitale a été la ville de Kangding, et son gouverneur le seigneur de la guerreLiu Wenhui.
À la suite de la guerre Qinghai-Tibet, et une signature, entre le Tibet indépendant (1912-1951) et Ma Bufang en 1933, La limite entre le contrôle Tibétain et chinoise est le long de la rivière Jinsha (haut-Yangzi Jiang). Les chinois contrôlent alors le Kham oriental, les Tibétains contrôlant le Kham occidental (région de Qamdo), le fleuve Yangzi constituant alors la frontière de fait entre Chine et Tibet[7]. Pendant cette période, la région contrôlée par Liu Wenhui devint un centre important de production d'opium[8].
La ville de Kangding est située au fond d'une gorge, au confluent des rivières Dar et Tse, à l'origine de son nom tibétain Dartsedo.
Démographie
La population du district était de 105 992 habitants en 1999[10].
La ville de Kangding compte désormais une large majorité de Hans, principalement fonctionnaires, militaires ou autres officiels. Elle comptait 35 480 habitants en 2000[11].
Économie
Située à la porte du Tibet, la ville de Kangding a été dans le passé un centre commercial important de l'ancienne route du thé. C'est là que se formaient les caravanes qui emportaient le thé de Ya'an vers le plateau tibétain, et que s'échangeaient les productions tibétaines comme les chevaux, mais aussi les fourrures, le musc ou le sel, destinées à la Chine. Aujourd'hui, les activités administratives y ont pris une place importante.[réf. nécessaire]
Transports
L'aéroport de Kangding, situé à une quarantaine de kilomètres de la ville, deuxième plus haut aéroport du monde avec une altitude de 4 280 m, dispose d'une piste de 4 000 m. Il a été ouvert au trafic le [réf. souhaitée].
Il faut cinq jours de route pour atteindre Lhassa. Une autoroute stratégique réunira les deux villes à partir de 2015.
Culture
Tous les ans, au du calendrier lunaire, s'y déroule la « fête de l'allumage des lampes » (chinois : 燃灯节 ; pinyin : rándēng jié ; litt. « fête de l'allumage des lampes »), pendant laquelle de nombreuses bougies faites au beurre clarifié (ou Ghi, appelées diya en Inde), sont allumées, en commémoration du décès de Tsongkhapa, fondateur de l'école géloug[12].
Alexandra David-Néel, exploratrice du Tibet, a séjourné à Kangding pendant presque toute la durée de la Seconde Guerre mondiale (de 1938 à 1944)[13] ; elle aurait alors reçu l'autorisation de résider dans un des temples taoïstes chinois surplombant la ville.
Joseph Gabet et Évariste Huc, missionnaires lazaristes, expulsés du Tibet en sur ordre de l'amban, représentant de l'empereur de Chine, sont arrivés de Lhassa à Ta-tsien-lou, en , après un voyage si difficile que le chef de l'escorte chinoise l'a terminé dans son cercueil[14]. Ils ont continué en direction de Chengdu.
Félix Biet a administré la mission à la fin du XIXe siècle.
↑ ab et c(en) Dai Yingcong, The Sichuan frontier and Tibet : imperial strategy in the early Qing : imperial strategy in the early Qing, University of Washington Press, , 352 p. (ISBN978-0-295-98952-5, présentation en ligne), p. 57.
↑(en) Dai Yingcong, The Sichuan frontier and Tibet : imperial strategy in the early Qing : imperial strategy in the early Qing, University of Washington Press, , 352 p. (ISBN978-0-295-98952-5, présentation en ligne), p. 61.
↑Louis-Marie Blanchard, Elise Blanchard et Thomas Blanchard, Explorateurs du toit du monde : carnets de route en Haute-Asie (1850-1950), Paris, Ed. de La Martinière, , 192 p. (ISBN978-2-7324-4216-7, OCLC718374075), p. 43
↑Claude Arpi, Tibet, le pays sacrifié, Ch. 11, p. 126, 2000, Calmann-Lévy
↑(en) « On 10th October 1932, Liu and the Tibetan leaders signed a truce in which it was agreed that the Tibetan forces would remain west of the Yangtze river and the Chinese would remain east of it. The river remained the de facto border between Tibet and China until October 1950 (Peissel 1972 Guibaut 1949) »John Studley, « The History of Kham », (consulté le )
↑Voir la Relation_du_voyage_de_MM._Gabet_et_Huc, Annales de la propagation de la foi, 1848, texte en ligne sur Wikisource, et Évariste Huc, Souvenirs d'un voyage en Tartarie, au Tibet et en Chine, 1850, texte en ligne.
Sources
Marc Moniez, Christian Deweirdt et Monique Masse, Le Tibet, Paris, Ed. de l'Adret, , 591 p. (ISBN2-907629-46-8), p. 469-470
Françoise Fauconnet-Buzelin, Les martyrs oubliés du Tibet : chronique d'une rencontre manquée (1855-1940), Paris, Les Éditions du Cerf, coll. « Histoire », , 654 p. (ISBN978-2-204-09593-8)