En 1551, les princes protestants allemands, en lutte contre Charles Quint, recherchent le soutien du roi de France. À Lochau, près de Torgau, est signé un accord qui prévoit la participation financière et militaire de la France à leur action. À Chambord, le , est signé un traité qui prévoit que le roi Henri II occupera, pour des raisons stratégiques, en qualité de vicaire du Saint-Empire romain germanique, les villes de Metz, Toul et Verdun, « et autres villes de l’Empire ne parlant pas allemand ».
Conquête militaire
Le « Voyage d’Allemagne » est conduit par le roi Henri II, intronisé pour l'occasion « défenseur des libertés germaniques », soutenu par François de Guise et le cardinal Charles de Lorraine. Le jour des Rameaux 1552, les troupes françaises, sous les ordres du connétable Anne de Montmorency, arrivent sous les murs de Metz, et occupent par surprise les portes de la ville. Le , le roi se rend en armes à Toul, où il est reçu par l'évêque Toussaint de Hocédy, le maître échevin ayant, en signe de protestation, quitté sa ville pour Pont-Saint-Vincent[1]. Le roi passe ensuite à Nancy, où il destitue arbitrairement la duchesse-régente et emmène le petit duc Charles III, encore mineur, pour le faire élever à la cour de France. Henri II fait ensuite « sa joyeuse entrée » à Metz, le . La ville est en fait soumise de force, sous le ferme contrôle des hommes de Montmorency. Le , Henri II reprend sa route vers le Rhin, laissant à Metz 3 400 hommes. Vers le , ne pouvant s'emparer de Strasbourg, il rebrousse chemin, occupe Verdun, où il fait son entrée le , avant de rentrer en France.
Pour laver l’affront des princes luthériens et du roi de France, Charles Quint marche sur les trois cités épiscopales, le . Il commence par faire le siège de la cité messine, proche de ses possessions luxembourgeoises. Fortifiée et défendue par le duc de Guise, Metz reste aux mains des troupes françaises après un siège mémorable[2]. La mort dans l'âme, Charles Quint lève le siège le renonçant à reprendre les autres évêchés. L’occupation française commence de facto dans les Trois-Évêchés.
Dès 1552, les villes reçoivent une garnison française permanente, mais l’empereur garde officiellement sa souveraineté sur les cités. Dans les trois villes de Metz, Toul et Verdun réunies ainsi par un artifice diplomatique, s'installe alors un régime original, celui de la protection, où les anciens pouvoirs des villes issues du Saint-Empire sont peu à peu absorbés par les organismes mis en place par l’administration royale. Malgré les prières répétées des Messins à la Diète d'Empire, la question des Trois-Évêchés ne figura plus à l'ordre du jour des assemblées impériales après 1582[3]. Sous l'impulsion de Richelieu, le parlement de Metz, créé en , est l’artisan le plus actif des progrès de l’autorité royale, dépossédant de leurs pouvoirs les maîtres échevins des cités épiscopales et neutralisant les paraiges de Metz.
L’édit de supprime le sceau de la cité, l’aigle impérial aux ailes déployées, que Metz, Toul et Verdun, en qualité de villes impériales, avaient le droit de porter sur leurs armes. En même temps, la gabelle, impôt sur le sel, est introduite au grand dam de la population. Devant la grogne des Messins, le Parlement est transféré à Toul entre 1637 et 1658[4]. Il est remplacé à Metz par un intendant royal, aux pouvoirs étendus.
En 1648, les traités de Westphalie entérinent la cession des Trois-Évêchés par l'Empire. Mais, dès son avènement, Louis XIV confirme les privilèges des bourgeois des trois cités, les regroupant sous le nom de « ses bons et fidèles sujets ».
L’évêché de Saint-Dié, créé en 1777, est parfois appelé le Quatrième Évêché lorrain, mais n’est pas concerné par la notion historique des « Trois-Évêchés ». Aujourd'hui, seul l'évêché de Metz, dont l'évêque est nommé par le président de la République française[5], est concerné par le régime concordataire d'Alsace-Moselle.
Géographie
Dans l'espace lorrain, Les Trois-Évêchés étaient quasiment des enclaves, ayant principalement leurs limites avec le duché et le Barrois ; ils ne touchaient que par quelques points à la Champagne et au Luxembourg français[6]. Seule la partie orientale de l'évêché de Metz possédait une limite avec les fiefs impériaux du Westrich et d'Alsace.
Les Trois-Évêchés n’étaient pas séparés des autres entités de la Lorraine par une ligne de démarcation continue et facile à suivre. Quand on observe sur une carte détaillée la configuration des diverses provinces formant l'espace lorrain, il est presque impossible de décrire leurs limites respectives autrement que par un travail graphique. Chacun des trois évêchés était séparé des deux autres par les terres des duchés de Lorraine et de Bar. Ils affectaient la forme la plus tourmentée[7].
Il y avait dans chacun des évêchés, des enclaves appartenant au duché de Lorraine et au Barrois ; dans le même temps, il y avait dans le Barrois et le duché des enclaves dépendant des évêchés. De plus, dans le duché et le Barrois, il y avait des enclaves impériales, de sorte que, très souvent, les routes les plus directes passaient plusieurs fois d'une des deux provinces dans l‘autre, sur un parcours de quelques lieues, et comme le régime fiscal des douanes et des péages était très sévère, les marchandises pouvaient être soumises à diverses reprises le même jour, à des visites et à des taxes[7].
Formation territoriale
Les Trois-Évêchés comprenaient les trois villes de Metz, Toul et Verdun et leurs dépendances respectives, ainsi que le temporel des évêques de ces trois villes et le temporel des chapitres cathédraux.
Les Trois-Évêchés étaient divisés en quatre bailliages.
Le bailliage de Metz comprenait la ville de Metz et ses dépendances :
le val de Metz : le nombre des communautés, villages et hameaux du val de Metz au XVIIe siècle, donné dans l’Histoire bénédictine de Metz (t. IV, 343), s’élève à trente-neuf ;
l’Isle : représente une partie des anciens cantons de Metz (3e), de Gorze et de Verny. Comprenait 35 communautés, tant villages que hameaux ;
le Saulnoy : comprenant la plus grande partie des cantons de Verny, de Pange et une partie de celui de Vigy, Il comptait 77 communautés, tant villages que hameaux ;
↑Guy Cabourdin, Les temps modernes, de la Renaissance à la guerre de Trente ans, Encyclopédie illustrée de la Lorraine, Histoire de la Lorraine, Presses universitaires de Nancy, Nancy, 1991, p. 67-73.
↑« [Le] plus beau siège qui fut jamais » selon l'écrivain Brantôme.
↑René Bour, Histoire illustrée de Metz, Paul Even, Metz, 1950, p. 125-129.
↑Emmanuel Michel, Histoire du Parlement de Metz, Paris, Techner, 1845, p. 69-138.
↑Église catholique, Le Concordat de 1801 et les articles organiques du culte catholique, avec toutes les modifications jusqu'à nos jours. Textes officiels annotés, avec les protestations du pape Pie VII contre les articles organiques, par un agent de contentieux administratif. (1er décembre 1893.), Marseille, Librairie de l’œuvre de don Bosco, , 117 p. (lire en ligne), Articles IV et V - pp 15-16
↑ a et bRevue de législation et de jurisprudence, volume 6, publiée sous la direction de M. L. Wolowski, p. 212-213, 1837.
↑ a et bChastellux, Le territoire du département de la Moselle : histoire et statistique, Metz, 1860.
Augustin Calmet, Notice de la Lorraine : qui comprend les duchés de Bar et de Luxembourg, l'électorat de Trèves, les trois évêchés (Metz, Toul, et Verdun) ; l'histoire par ordre alphabétique des villes, etc., 2e édition, Lunéville, Mme George, 1840 (1re éd. 1756).