Rustrel est un village situé au nord d'Apt et au pied des monts de Vaucluse. Ses carrières d'ocre à ciel ouvert, pleinement exploitées autrefois, ont fait sa richesse et continuent par le biais du tourisme avec celles du « Colorado Provençal ». Ses sentiers en terre permettent de découvrir des falaises érodées comprenant plus de 20 teintes d'ocre[1], des cheminées de fée, etc. Elles datent du crétacé et sont composées principalement de sables ocreux, de sables blancs et de cuirasses ferrugineuses[2].
Sur les hauteurs des monts de Vaucluse, on trouve au nord des sols calcaires à faciès urgonien et des calcaires argileux (sols du jurassique supérieur et crétacé) et au sud, des sols datant de l'eocène et oligocène, composées essentiellement de calcaires, de marnes et de grès[2].
Le reste de la commune est composé de quelques dépôts fluviatiles, colluvions et éboulis du quaternaire, ainsi que d'une succession de sols (Jurassique supérieur, crétacé, paléocène) avec calcaires : argileux, à faciès urgonien, gréseux, lacustres, etc. et Marnes (dont Marnes bleues de l'Aptien)[2].
Les cantons de Bonnieux, Apt, Cadenet, Cavaillon, et Pertuis sont classés en zone Ib (risque faible). Tous les autres cantons du département de Vaucluse, dont celui de Carpentras auquel appartient la commune, sont classés en zone Ia (risque très faible). Ce zonage correspond à une sismicité ne se traduisant qu'exceptionnellement par la destruction de bâtiments[3].
Hydrographie
La Dôa est un cours d'eau traversant la commune au niveau du Colorado provençal. Elle prend sa source près de Gignac et va se jeter dans le Calavon.
Pour la période 1971-2000, la température annuelle moyenne est de 12,9 °C, avec une amplitude thermique annuelle de 16,4 °C. Le cumul annuel moyen de précipitations est de 799 mm, avec 5,9 jours de précipitations en janvier et 3,3 jours en juillet[4]. Pour la période 1991-2020, la température moyenne annuelle observée sur la station météorologique de Météo-France la plus proche, « Saint-Saturnin Les Apt », sur la commune de Saint-Saturnin-lès-Apt à 8 km à vol d'oiseau[6], est de 14,0 °C et le cumul annuel moyen de précipitations est de 709,7 mm.
La température maximale relevée sur cette station est de 43,7 °C, atteinte le ; la température minimale est de −14,6 °C, atteinte le [Note 1],[7],[8].
Au , Rustrel est catégorisée commune rurale à habitat dispersé, selon la nouvelle grille communale de densité à sept niveaux définie par l'Insee en 2022[11].
Elle est située hors unité urbaine[12]. Par ailleurs la commune fait partie de l'aire d'attraction d'Apt, dont elle est une commune de la couronne[Note 2],[12]. Cette aire, qui regroupe 18 communes, est catégorisée dans les aires de moins de 50 000 habitants[13],[14].
Occupation des sols
L'occupation des sols de la commune, telle qu'elle ressort de la base de donnéeseuropéenne d’occupation biophysique des sols Corine Land Cover (CLC), est marquée par l'importance des forêts et milieux semi-naturels (75,8 % en 2018), en diminution par rapport à 1990 (77,5 %). La répartition détaillée en 2018 est la suivante :
forêts (53,9 %), milieux à végétation arbustive et/ou herbacée (21 %), zones agricoles hétérogènes (11,4 %), terres arables (8,2 %), cultures permanentes (3,4 %), zones urbanisées (1,2 %), espaces ouverts, sans ou avec peu de végétation (0,9 %)[15]. L'évolution de l’occupation des sols de la commune et de ses infrastructures peut être observée sur les différentes représentations cartographiques du territoire : la carte de Cassini (XVIIIe siècle), la carte d'état-major (1820-1866) et les cartes ou photos aériennes de l'IGN pour la période actuelle (1950 à aujourd'hui)[Carte 1].
Histoire
Préhistoire et antiquité
Le territoire de la commune est occupé dès le néolithique puis par les Romains. Il est dominé par deux oppidums celto-ligures (le Pointu et Castillon). Après la conquête romaine, deux grandes villæ occupèrent le site du futur Rustrel : Lausnava et Proxana dont les noms sont d'origine ligure. Au IIe siècle, elles furent la propriété de Fronton.
Moyen Âge
À l'époque carolingienne, la première appartenait aux ancêtres de Foucher, le père de dom Mayeul de Cluny, et fit partie de la dot de sa mère Raymonde. Au XIe siècle, elle fut fortifiée et devint Castelli Launanicus, puis Castrum Lonanici en 1125. La chapelle Notre-Dame des Anges marque encore ce site. Il fut définitivement ruiné, sous le nom de Lhaulnanicis, en 1391, par Raymond de Turenne, neveu de Grégoire XI.
La seconde appartint au XIe siècle au noble Bonald, apparenté aux Agoult-Simiane. Son emplacement est toujours marqué par le prieuré Saint-Julien (début XIIe siècle). Elle fut aussi ruinée par Raymond de Turenne. Ce fut pour fuir l'arrivée du terrible vicomte que les habitants de ces deux villæ se réfugièrent à Rustrel et Saint-Martin-de-Castillon, mieux fortifiés.
Jusqu'au XIIe siècle, les importants revenus de ces fiefs des Agoult, dont les villæ sont huit fois citées pour leurs vignobles dans le cartulaire de l'Église d'Apt, revinrent soit à cette famille, soit à l'Église d'Apt quand ses cadets Alfant et Laugier en furent évêques.
Le fief de Rustrel relevait du comté de Forcalquier au XIIe siècle. Lorsque ce comté perd son indépendance en 1209, à la mort de Guillaume II, un de ses neveux, Guillaume de Sabran tente de le relever. Après une lutte de dix ans, il passe un accord à Meyrargues le avec Raimond Bérenger IV, comte de Provence et lui aussi héritier du comté de Forcalquier. Par cet accord, la moitié sud du comté, dont Rustrel, lui est donnée. Guillaume de Sabran conserve sa moitié de comté jusqu'à sa mort, vers 1250[16].
Renaissance
Ce fief fut la seigneurie des Simiane, des Eyroux, puis de la ville d'Apt qui l'a vendu en paréage[17].
De 1570 à 1575, durant les guerres de religion, le village est occupé par les protestants.
Période moderne
Le fut créé le département de Vaucluse, constitué des districts d'Avignon et de Carpentras, mais aussi de ceux d'Apt et d'Orange, qui appartenaient aux Bouches-du-Rhône, ainsi que du canton de Sault, qui appartenait aux Basses-Alpes.
Le monument aux morts, qui se trouvait initialement placé à droite de la route conduisant sur le plateau d'Albion, a été déplacé pour pouvoir construire des logements sociaux et se situe actuellement de l'autre côté de la route, à proximité des locaux de la Poste. C'est une colonne carrée, flanquée de quatre obus ; ses plaques de marbres répertorient tous les Rustréliens morts au cours de la Première Guerre mondiale, la Seconde Guerre mondiale et la guerre d'Algérie.
Une fête du melon se déroule dans le village depuis 2011[18].
Toponymie
Rustrel est mentionné au XIIe siècle sous le nom de "Rograstrel" puis, en 1274, "Ruastrello" dans le Cartulaire de l'Église d’Apt.
La Part régionale de la taxe d'habitation n'est pas applicable.
Démographie
L'évolution du nombre d'habitants est connue à travers les recensements de la population effectués dans la commune depuis 1793. Pour les communes de moins de 10 000 habitants, une enquête de recensement portant sur toute la population est réalisée tous les cinq ans, les populations légales des années intermédiaires étant quant à elles estimées par interpolation ou extrapolation[20]. Pour la commune, le premier recensement exhaustif entrant dans le cadre du nouveau dispositif a été réalisé en 2004[21].
En 2021, la commune comptait 678 habitants[Note 3], en évolution de −5,04 % par rapport à 2015 (Vaucluse : +1,26 %, France hors Mayotte : +1,84 %).
Une mine d'ocre est toujours en exploitation industrielle sur le territoire de la commune au XXIe siècle.
Tourisme
Le tourisme est l'une des principales ressources de la commune : camping, chambres d'hôtes, gîtes, etc.
L'attraction touristique principale réside dans le Colorado provençal, où le sol est constitué d'ocres de différentes teintes, en direction de Gignac. L'exploitation et l'érosion naturelle ont façonné le paysage pour lui donner des apparences rappelant celui du Colorado. La ressemblance évidente avec Roussillon, distant d'une quinzaine de kilomètres, est due à la nature commune de leurs sols.
Agriculture
Viticulture
La commune produit des vins AOCVentoux. Les vins qui ne sont pas en appellation d'origine contrôlée peuvent revendiquer, après agrément le label Vin de pays d'Aigues[24].
Le vignoble se situe en majeure partie sur des sédiments déposés par les mers de l’ère tertiaire à la base du massif calcaire du Ventoux. On distingue trois types de terroirs[25] :
les sols rouges provenant de la dégradation du calcaire. Ce sont des terres à garrigue, typiquement méditerranéenne, et qui ont été à la source du vignoble actuel ;
les sols formés d'un mélange de sable et d'argile ocreuse de différentes couleurs selon les oxydes minéraux contenus. Reliquat d'un climat tropical, ils prennent un faciès latéritique dans la haute vallée du Calavon ;
Vignoble de Rustrel
Ocres et vignes à Rustrel
Vignes au bord du Colorado
les sols détritiques recouverts : soit par des galets roulés (terrasses fossiles des torrents du Tertiaire descendus des Préalpes), soit par des éboulis calcaires détachés de la montagne (piémont du Ventoux).
Trufficulture
Fleuron de la gastronomie française, la truffe est une spécialité provençale, puisque la région produit 80 % des truffes en France[26]. Le Vaucluse, autour du piémont du mont Ventoux et des monts de Vaucluse est, avec la Drôme provençale, le premier producteur de Tuber melanosporum[27]. Son marché reste hors normes, car c'est la seule production à échapper aux inspecteurs de l'administration fiscale, aucune transaction n'étant réglée par chèque[27]. L'approche des fêtes de fin d'année fait exploser les prix. Mais les meilleures truffes sont celles du mois de janvier, période où elles sont à pleine maturité[26]. En saison, ce sont les marchés de Carpentras et de Richerenches, les plus importants de la région, qui fixent les cours. Les rabassiers (trufficulteurs) affirment, pour justifier les prix, que le « diamant noir » naît entre les pluies des deux Vierges.
La truffe se récolte jusqu'à 1 000 mètres d'altitude. Préférant les terrains calcaires, elle se développe toujours en symbiose avec le chêne blanc ou vert, le frêne et le charme. On prétend[style à revoir] que les plus fines poussent à l'ombre du tilleul[28].
Le village a conservé son moulin à huile. Daté des XVIIIe – XIXe siècles, il est ouvert à la visite.
Au XVIIIe siècle, la grande majorité des moulins étaient « à recense ». Le marc d'olives, passé plusieurs fois au pressoir, était régulièrement ébouillanté, ce qui permettait de faire remonter la matière grasse. Cette technique permettait de recueillir l'huile à la surface des bassins de décantation. Le résidu du marc ou grignon était recyclé, soit en tant qu'engrais, soit comme combustible pour la chaudière[30].
La révolution industrielle eut ses répercussions en agriculture. Elle apporta une mécanisation de plus en plus poussée et l'outillage des moulins à huile devint de plus en plus encombrant et coûteux. Rares furent, au XIXe siècle, les petits propriétaires qui purent s'équiper. Ils préférèrent opter pour l'apport de leur récolte au moulin le plus proche[30].
Rustrel est au centre d'un vaste bassin minier et métallurgique dont la production de fer perdura jusqu’au XIXe siècle. Il est divisé en trois secteurs qui se jouxtent[31].
Le district de Rustrel, compris entre Gignac et Villars, qui s'étale sur 20 km2[31].
Le district de Gordes-Lagnes-Fontaine-de-Vaucluse où les grottes des parois calcaires ont, pour la plupart, été exploitées et vidées de leurs remplissages ferrugineux[31].
Des datations au C14 ont permis d'identifier certains ferriers comme appartenant la période de La Tène. Des campagnes de prospections, réalisées entre 1996 et 2008, ont répertorié plus de 300 ferriers[31]. Exploité jusqu'à la fin du XIXe siècle, en particulier à Gignac et à Rustrel, ce minerai de fer contribua à l'essor économique et industriel de la vallée du Calavon[32].
Dans les années 1850, le besoin de bois pour la production de fer s’intensifia tellement qu'il provoqua la déforestation des Monts de Vaucluse et du Mont Ventoux[32]. À Rustrel, au pied du site de Notre-Dame des Anges, existent toujours les vestiges des hauts fourneaux qui furent construits, à partir de 1836 pour se substituer à celui de Velleron. Ils permirent, jusqu'en 1890, de produire des fontes à gueuses et à moulages. Cette exploitation périclita par manque de moyens de transport adéquat[33].
Château
Il a été construit au centre du village au cours du XVIIe siècle et abrite la mairie. Il a remplacé le château de Villevieille démoli sur ordre du Conseil de Ville en 1590 pour un prix-fait de 25 écus[34].
Il se présente sous la forme traditionnelle des châteaux de haute Provence, un quadrilatère flanqué de quatre tours d'angle arrondies[35]. Une intelligente restauration a mis en valeur porte d'entrée et fenêtres centrales avec un encadrement en grand appareil à bossages.
Prieuré Saint-Julien
Situé près de la route menant d'Apt à Rustrel, il est daté du XIe, mais a été construit sur l'emplacement d'une des anciennes résidences de Fronton. En effet, des travaux de réfection entrepris, en 1646, révélèrent la présence d’une stèle funéraire épigraphique sur laquelle était gravée l’inscription :
FRONTO ATIPONIS F. SIBI PARENTIBUSQUE SUIS EX TESTAMENTO SUO.
Sa nef a été raccourcie à une époque indéterminée. Son abside a la particularité d'être semi-circulaire à l'intérieur et pentagonale à l'extérieur. Quant à son cul-de-four, il est d'une parfaite stéréotomie.
Notre-Dame-des-Anges
Cette église est construite sur un ancien fundus romain. Ancien lieu de culte de la villa Lausnavo, elle était dite chapelle de Villevieille avant 1600[36].
Elle fut agrandie en 1660. C'est lors de ces travaux que l'entrée a été restructurée avec des blocs en réemploi dont l'un porte une inscription malheureusement indéchiffrable.
Devant cette chapelle se déroulait chaque année, le 8 septembre un pèlerinage suivi du Juec dou Borni ou Jeu du Borgne[37].
Église paroissiale
Cette église du XVIe siècle fut d'abord placée sous le vocable de Saint-Romain. Elle est de nos jours sous celui de la Nativité de Notre-Dame. Elle comporte une nef unique et une abside semi-circulaire dominée par un clocher-arcade à trois baies.
Laboratoire Souterrain à Bas Bruit de Rustrel (LSBB)
Après 25 ans de service opérationnel, le Poste de Conduite de Tir no 1 du système d'arme Sol Balistique Stratégique du plateau d'Albion, a pu être converti en Laboratoire Scientifique Multidisciplinaires.
Aujourd'hui, Rustrel est le refuge des stars et des millionnaires. En effet, ce petit coin de paradis est très peu prisé des paparazzis et des regards indiscrets.
Anecdotes
L'émission C'est pas sorcier y a tourné un reportage, expliquant l'ocre et son exploitation (ainsi qu'à Gargas et Roussillon).
Le clip de Laurent WolfI walk the line y a été tourné.
↑Population municipale légale en vigueur au 1er janvier 2024, millésimée 2021, définie dans les limites territoriales en vigueur au 1er janvier 2023, date de référence statistique : 1er janvier 2021.
↑Du rouge, au brun et au jaune suivant les proportions des divers oxydes et hydroxydes de fer (Fe3+) qui colorent la kaolinite. Des traces d'oxyde de manganèse peuvent encore augmenter la palette des couleurs. cf. Pierre Thomas, « Les ocres de Roussillon, Vaucluse », sur [planet-terre.ens-lyon.fr], .
↑Zonage sismique réglementaire de la France, classement des cantons (découpage fin 1989) de la région PACA, page 48
↑ a et bDaniel Joly, Thierry Brossard, Hervé Cardot, Jean Cavailhes, Mohamed Hilal et Pierre Wavresky, « Les types de climats en France, une construction spatiale », Cybergéo, revue européenne de géographie - European Journal of Geography, no 501, (DOI10.4000/cybergeo.23155, lire en ligne, consulté le )
↑Le fief en paréage appartenait à différents coseigneurs. Dans le Vaucluse, une commune Lagarde-Paréol (Paréol = paréage) est le témoin dans son toponyme de cette pratique relativement courante.
↑ a et bJacques Galas, Le mont Ventoux. Encyclopédie d'une montagne provençale, Alpes de Lumières (ISBN978-2-906162-92-1), p.111.
↑Jean-Pierre Saltarelli, Les Côtes du Ventoux, origines et originalités d'un terroir de la vallée du Rhône, A. Barthélemy, Avignon, 2000, (ISBN2879230411), p. 180.
↑Cf. R. Bailly, Répertoire des prieurés, chapelles et abbayes du département de Vaucluse, Mémoire de l'Académie de Vaucluse, 1966.
↑Robert Bailly (op. cité) explique que l'on disposait une allée de branches qui dirigeait jusqu'à un pieu. Le jeu consistait à la parcourir les yeux bandés jusqu'au poteau et à le frapper d'un coup de bâton sans être tombé. Pour corser la difficulté du parcours, des roulements de tambour scandaient le progrès ou les hésitations du candidat. En cas de succès, le gagnant recevait comme prime une paire de poulets.
Jules Courtet, Dictionnaire géographique, géologique, historique, archéologique et biographique des communes du département de Vaucluse, Avignon, Seguin Ainé, , 400 p. (lire en ligne)
Augustin Roux, Mémoire historique sur le village de Rustrel, près d’Apt, Imp. Reboulin, Apt,1935 [lire en ligne].
Régis Fabre, Rustrel ; histoire d'une communauté rurale entre Luberon et Albion, Luberon nature, Edisud, Aix, 1981.
Robert Bailly, Dictionnaire des communes du Vaucluse, Éd. A. Barthélemy, Avignon, 1986.
Pour la partie lieux et monuments
Robert Bailly, Répertoire des prieurés, chapelles, abbayes du département de Vaucluse, Mémoire de l'Académie de Vaucluse, 1966.