Philippe Sireuil a trois ans lorsque ses parents décident de quitter le Congo belge pour la France où l'enfant passe une scolarité paisible, ne découvrant la Belgique que lors de vacances à La Panne ou chez ses grands-parents dans un milieu modeste de Thudinie qu'il est aussi pour lui le « pays de la mort (...) des régions sans horizon et sans lumière[1] » puisque la famille s’y rend à chaque décès.
Ses études secondaires au Lycée Hoche de Versailles sont interrompues par l’installation des parents à Bruxelles et se terminent, en section latin-mathématiques, à l’Athénée royal d’Ixelles où il a été forcé d’apprendre le néerlandais et où trois professeurs éveillent son sens civique et culturel : René Salme pour le dessin, Georges Weiss pour l’histoire et la géographie et Gaston Compère pour le français.
Après avoir joué brièvement à l’Ensemble Théâtral Mobile (1975) et avoir monté Le virage de Dorst et Haute Autriche de Kroetz — « entouré d'acteurs et de dramaturges qui sont tous, peu ou prou, liés au parti communiste[2] », il met en scène seul, sans aide dramaturgique, pour le Théâtre du Crépuscule qu’il a fondé, L’Entraînement du champion avant la course de Michel Deutsch, dans un refus des aprioris idéologiques comme des pratiques de subsidiation des pouvoirs publics[1].
Désireux, comme d’autres « jeunes » artistes de cette époque, de créer des modes de production nouveaux, de disposer de plus longues périodes de répétitions, de pouvoir salarier les acteurs, de disposer de budgets corrects pour les décorateurs et costumiers, etc., il est l’un des premiers à signer la première convention collective de travail du monde du théâtre belge, dite « convention du Jeune Théâtre ».
Au Crépuscule, il monte aussi August Strindberg, Marie-Luce Bonfanti, René Kalisky, Peter Handke et Louvet — retrouvé en 1975 au Festival d’Avignon où l’Ensemble Théâtral Mobile présentait une mise en espace de Le Train du Bon Dieu. Cinq ans plus tard, ayant davantage découvert l’histoire politique de la Belgique et, notamment l’assassinat de Julien Lahaut, Sireuil va commander L'homme qui avait le soleil dans sa poche à l’auteur wallon. Sa mise en scène va susciter la polémique et attirer davantage l’attention sur son travail ; Sireuil attribue à cela le fait qu’il va ensuite être invité par Gérard Mortier à monter pour la première fois un opéra (Katja Kabanova de Leoš Janáček)[1].
Les Créanciers de Strindberg est une coproduction avec le Groupe Animation Théâtre (ancien Théâtre Élémentaire) qui devient ensuite, par la volonté de Sireuil, Delval et Dezoteux, le Théâtre Varia.
Une nouvelle période s’ouvre pendant laquelle les trois artistes catégorisés « intellos videurs de salles[2] » veulent démontrer qu’il est « possible de faire « autrement », du théâtre entretenant avec les spectateurs un dialogue artistique et social[2] ». De 1981 à 1983, ils travaillent dans des conditions matérielles précaires ; l’achat du Théâtre Varia par la Communauté française les oblige à l’errance jusqu’en 1988 où, la rénovation étant achevée, ils peuvent réinvestir le lieu, y travailler, y accueillir d’autres artistes, y monter des expositions et y ouvrir des ateliers[3].
Au milieu des années 1990, Sireuil s’éloigne de la direction du Varia, tout en restant metteur en scène associé. Il travaille en d’autres lieux et aborde un théâtre d’intimité tout en travaillant sur de grandes scènes lorsqu’il met en scène des œuvres lyriques.
Philippe Sireuil a élaboré « une écriture scénique spécifique, marquée par un certain gigantisme et un travail des atmosphères par le biais des éclairages[4] » ; il règle effectivement les lumières pour presque chacune de ses mises en scène, en s’inspirant souvent de peintures. Ce talent d’éclairagiste, reconnu et apprécié, est mis au service d’autres artistes et metteurs en scène, comme pour L’annonce faite à Marie monté par le Groupov.
Mises en scène
Parmi ses nombreuses mises en scène, on note particulièrement :
Membre de la Classe des Arts de l'Académie Royale des Sciences, des Lettres et des Beaux-Arts de Belgique, 2017
Notes et références
↑ ab et cHistoire(s) belge(s). Entretien avec Bernard debroux et Jean-Marie Piemme, Alternatives Théâtrales, no 107, 2011.
↑ ab et cGilles Robic, Entretien avec la revue Scènes, 2000.
↑Catherine Degand, « Trois hommes dans un même Varia : l’heure du couronnement, rue du sceptre » dans Le Soir, quotidien belge, 15 septembre 1988, article en ligne, consulté le 29 juillet 2011.
↑Nancy Delhalle, Changer de théâtre, changer de monde. Les pratiques théâtrales des années 1970 dans le théâtre belge francophone, CHTP-BEG, no 18, 2007, pdf en ligne, consulté le 29 juillet 2011.
↑Tatiana Liste, « Voyage au bout de la nuit - mise en scène par Philippe Sireuil », Dossier pédagogique, , p. 34 (lire en ligne)