L'Oiseau Canari est un avion français de grand raid, qui fut baptisé ainsi à cause de sa couleur jaune vif. Il est dérivé du Bernard 190T conçu par Jean Hubert, ingénieur en chef de la Société des Avions Bernard.
L’Oiseau Canari est le deuxième exemplaire du Bernard 191 GR, version "Grand Raid" du Bernard 190T
[1], prototype conçu en 1927 par Jean Hubert[2],[3],[4],[5]
, directeur technique de la Société des Avions Bernard, et construit en 1928[6]. Ce monoplan à aile haute était prévu pour des vols commerciaux sur longue distance et des grands raids. Les Bernard 190 ont été classés en plusieurs dérivés selon leur motorisation, et ceux équipés de V12Hispano-Suiza de 500 ch sont dénommés 191 GR. Ils seront construits à trois exemplaires.
Le deuxième exemplaire, de couleur jaune, et baptisé Oiseau Canari, est acheté par Armand Lotti, alors sous-directeur de l'hôtel Lotti, rue de Castiglione à Paris, et est préparé et mis au point par l’ingénieur mécanicien Raoul Leroy de la société Hispano Suiza qui accompagnera l’avion jusqu’à son envol des États-Unis.
Les tentatives de traversée de l'Atlantique, déjà difficiles dans le sens Ouest vers Est[n 1], sont dramatiques dans le sens inverse, et de nombreux morts sont à déplorer en 1928. Aussi, l'État français décide de suspendre ses financements, et d'interdire ces tentatives. C'est donc clandestinement, sans papiers ou autorisations, sous le prétexte d'un réglage radio, que l'Oiseau Canari décolle de Paris pour l'Angleterre, d'où il pourra rallier légalement les États-Unis.
Le jeudi à 10h18 (heure locale), l'avion, chargé d'un mélange de 3 900 litres d'essence et de 600 litres de benzol, décolle très laborieusement de la longue plage d’Old Orchard Beach (Maine) au nord de Boston[n 2].
Peu de temps après le décollage, un passager clandestin apparaît par la trappe de visite du fond de la cellule en déclarant « Here I am » (« Me voici »). C'est Arthur Schreiber, jeune Américain, qui compte sur son aventure pour écrire un article ou un livre[n 3].
L'équipage, à cause des conditions météorologiques, ne peut suivre la route optimale, et est obligé de décaler sa trajectoire vers le sud, ce qui augmente la distance à parcourir. Lors du dernier point, plus au sud qu'estimé, le réservoir vide oblige l'avion à se poser prématurément sur la plage de Oyambre, près de Comillas dans la province de Cantabrie dans le Nord de l'Espagne, le à 20 h 40, après 29 h 22 de vol et le plus long trajet au-dessus de la mer (5 900 kilomètres). Une erreur de navigation liée aux conditions météo rencontrées vient de leur sauver la vie, car la panne serait sinon survenue dans le golfe de Gascogne au large de la France[7].
Le , l'équipage décolle pour Cazaux. En fait d'arrivée triomphale, une panne d'essence contraint à poser l'avion sur une plage de Mimizan dans les Landes. Sur place, c'est l'effervescence, les aviateurs sont accueillis comme des héros. En attendant le ravitaillement en carburant acheminé de Cazaux par la route, les aventuriers vont à l'hôtel de France tout proche pour se désaltérer[8]. Ils redécolleront le jour même pour le Bourget, près de Paris[7].
Esquisse de l'Oiseau Canari et les signatures d'Assollant, Lefèvre et Lotti
L'Oiseau Canari sur la plage de Mimizan le 16 juin 1929.
L'équipage y sera reçu triomphalement, et repartira avec l'Oiseau Canari pour une tournée en Europe[n 4],[9]. En 1932, l'avion est racheté par le gouvernement pour qu'il soit conservé au Musée du Bourget[7].
Hommages
Sur proposition du président de l'aéro-club des Landes, un monument commémoratif est érigé et inauguré le à Mimizan-Plage. Il se trouve à la « plage des ailes », dénomination entrée dans l'usage. La rue descendant depuis le monument porte le nom des trois aviateurs. Honorant cette première traversée, Mimizan est officiellement jumelée avec Old Orchard Beach depuis le [8].
Monument commémoratif de la plage des Ailes à Mimizan.
↑Charles Lindbergh a été le premier à traverser l'Atlantique Nord, dans le sens Ouest vers l'Est, en joignant New York à Paris entre le 20 et le .
↑À ce moment-là, il était en règle, avec une immatriculation des États-Unis : NY-9422.
↑L'équipage, furieux, est obligé de jeter le matériel de survie, des sacs postaux et le champagne (pour fêter l'arrivée) à cause de la surcharge. Armand Lotti fait signer une lettre à Arthur Schreiber lui interdisant toutes publications ou bénéfices pécuniaires sur cette aventure.
↑L'avion reçoit alors l’immatriculation française F-AJGP.
Références
↑Jean-Abel Lefranc, « Avion Bernard-Hubert », La Nature, Masson et Cie (Paris), no 2780, , p. 202-205 (lire en ligne, consulté le )
↑« Assolant, Lefèvre et Lotti ont traversé l'Atlantique - Les artisans du succès », Les Ailes, no 418, , p. 1-2 (lire en ligne, consulté le ) :
« Parmi les bons artisans du succès, on doit citer d'abord l'avion Bernard, œuvre capitale de Jean Hubert qui l'avait créé pour un vol transatlantique que devait effectuer Tarascon. »
↑R.-J. de Marolles, « L'Avion Bernard "Oiseau Canari" et sa traversée de l'Atlantique les 13-14 Juin 1929 », Le Génie Civil, vol. 95, no 8, , p. 181-182 (ISSN0016-6812, lire en ligne, consulté le )
↑« L'exposition du "Canari" au jardin des Tuileries », Le Matin, [s.n.] (Paris), no 16531, , p. 2 (ISSN1256-0359, lire en ligne, consulté le )
↑« Un avion et un équipage français traversent l'Atlantique Nord », L'Aéronautique, Gauthier-Villars (Paris), no 122, , p. 241-242 (ISSN0755-8414, lire en ligne, consulté le )