Le lieutenant-gouverneur du Québec est le représentant du monarque au Québec. En son nom, il fait partie du Parlement du Québec où il doit approuver les lois. Il est officiellement, en sa qualité de représentant du monarque, à la tête du pouvoir législatif et de l’État québécois.
La place qu'occupe le lieutenant-gouverneur au sein du gouvernement du Québec varie selon les époques. Jusqu'à très récemment, tous les lieutenants-gouverneurs étaient d'abord des politiciens. À titre d'exemple, Joseph-Adolphe Chapleau et Lomer Gouin sont tous deux d'anciens premiers ministres du Québec. Le poste leur est souvent accordé pour les récompenser de leur carrière politique. Étant nommé par le premier ministre du Canada (officiellement par le gouverneur général), il pouvait arriver qu'un lieutenant-gouverneur soit de l'allégeance du parti au pouvoir à Ottawa et soit un adversaire politique de celui au pouvoir à Québec. Tel est le cas de Luc Letellier de Saint-Just, un libéral, qui passe à l'histoire en remplaçant le gouvernement conservateur de Charles-Eugène Boucher de Boucherville par l'opposition libérale. Bien qu'il possède le pouvoir de le faire, cette décision lui vaudra une démission forcée. Jusqu'en 1967, le lieutenant-gouverneur possède Spencer Wood, un domaine d'environ 25 hectares où se trouvent une villa et des jardins. Il joue alors un rôle protocolaire actif en recevant plusieurs dignitaires. À titre d'exemple, le roi George VI visite le domaine en 1939.
Époque contemporaine
Avec l'arrivée du nationalisme québécois contemporain au milieu du XXe siècle, l'attachement à la monarchie britannique est à son plus bas. En parallèle, la fonction de lieutenant-gouverneur, en tant que symbole monarchique, est graduellement discréditée. En 1950, Spencer Wood est francisé en Bois-de-Coulonge. En 1964, une visite d'Élisabeth II suscite une émeute qui sera fortement réprimée, aujourd'hui désignée samedi de la matraque. En 1966, la villa du Bois-de-Coulonge est détruite par le feu. Elle ne sera pas reconstruite, mais on déménage le lieutenant-gouverneur dans une résidence à proximité. En 1968, le gouvernement du Québec abolit le Conseil législatif. En 1997, ce même gouvernement décide de vendre la résidence officielle du lieutenant-gouverneur.
À l'aube du XXIe siècle, de plus en plus de voix s'élèvent pour réclamer l'abolition de ce poste. Des pétitions citoyennes sont déposées en ce sens à l'Assemblée nationale. La polémique s'accentue à partir de 2007, quand la lieutenante-gouverneure sortante Lise Thibault est accusée de dépenses excessives dans ses fonctions. Elle reconnaîtra finalement sa culpabilité.
En 2012, le Parti québécois dépose une motion en chambre pour abolir la fonction[4]. Il n'obtient cependant pas l'appui nécessaire du Parti libéral du Québec et de la Coalition avenir Québec. Une motion similaire est de nouveau déposée en 2023 par Québec solidaire, conjointement avec la Coalition avenir Québec et le Parti québécois[5]. Celle-ci est cette fois adoptée à l'unanimité, signifiant la volonté de l'Assemblée nationale « que soit abolie la fonction de lieutenant-gouverneur.»
Rôle actuel
Dans ce contexte, le rôle public du lieutenant-gouverneur est actuellement réduit aux cérémonies d'assermentations[6],[7]des députés, à la sanction des lois, à la dissolution de l'Assemblée nationale à la demande du gouvernement[8] et à l'ouverture des législatures.
Figure méconnue de la population et attirant peu l'attention, les titulaires de ce poste jalousent leur anonymat, ne sont pratiquement jamais en contact avec la presse et font peu d'apparitions publiques[10].
Légalité des tentatives d'abolition
En réalité, toute modification de sa charge se fait en vertu de l’article 41 de la Loi constitutionnelle de 1982. Le Sénat, la Chambre des communes et l'Assemblée législative de chaque province du Canada doivent approuver ensemble d'éventuelles modifications. Il s'agit d'un processus politique très difficile à accomplir, car il y a l'exigence de l'unanimité. Ce poste ne pourrait pas être aboli par la formule de modification ordinaire de Constitution du Canada, d'après le Renvoi sur le Sénat de la Cour suprême du Canada. En outre, la disposition dérogatoire[11] ne peut pas être utilisée pour s'opposer à l'existence du poste de lieutenant-gouverneur, car elle ne concerne que les articles 2 et 7 à 15 de la Charte canadienne, qui n'ont rien à voir avec le lieutenant-gouverneur.
Puisque le lieutenant-gouverneur est l'une des deux composantes actuelles du Parlement du Québec, avec l'Assemblée nationale, les députés ne pourraient vraisemblablement pas éliminer ce poste sans porter atteinte à la règle fondamentale de la souveraineté parlementaire. L'arrêt de principe relativement au rôle du lieutenant-gouverneur est le renvoi Referendum and Initiative Act[12]de 1919. Dans cette décision historique, la Cour suprême a jugé qu'on ne peut pas complètement supprimer le pouvoir discrétionnaire du lieutenant-gouverneur au moyen de référendums parce que cela limiterait la souveraineté du Parlement dont le lieutenant-gouverneur est un élément essentiel.
La conséquence juridique pratique d'une abolition inconstitutionnelle du poste de lieutenant-gouverneur pourrait être de créer un vice de forme inconstitutionnel dans le mode d'adoption des lois, car l'exigence de la sanction des lois par le lieutenant-gouverneur demeure une règle de forme constitutionnelle importante[13]. À titre d'exemple, dans le Renvoi sur les lois du Manitoba[14], la loi manitobaine avait comme exigence de forme que les lois soient écrites en anglais et en français, mais le législateur manitobain adoptait des lois seulement en anglais. La Cour suprême a donc prononcé une déclaration d'inconstitutionnalité sur l'ensemble des lois manitobaines en raison de cette violation d'une règle de forme importante.
Le lieutenant-gouverneur du Québec est nommé par le gouverneur général du Canada sur recommandation du premier ministre du Canada. Il représente le monarque canadien au Québec et exerce en son nom ses fonctions dans la province. La durée de son mandat est indéterminée et il ne peut être révoqué durant les cinq premières années suivant sa nomination à moins qu'il n'y ait une cause le justifiant. Il n'y a ainsi pas de plafond limitant le nombre de mandats qu'un lieutenant-gouverneur peut faire. En cas de vacance du titre, le juge en chef du Québec assume de façon intérimaire les fonctions de lieutenant-gouverneur.
Le lieutenant-gouverneur du Québec assume trois fonctions[9] :
fonctions constitutionnelles
fonctions protocolaires
fonctions communautaires
Fonctions constitutionnelles
Les principales fonctions constitutionnelles du lieutenant-gouverneur du Québec sont[9]:
Au niveau exécutif
Nomination du premier ministre, qui est par tradition le chef du parti politique bénéficiant de la confiance de la majorité des députés de l'Assemblée nationale
Nomination des ministres, sur recommandation du premier ministre
Le lieutenant-gouverneur du Québec assume aussi des fonctions communautaires en soutenant trois principales causes[9] :
caritatives
éducationnelles
sociales
Emblème
Les lieutenants-gouverneurs disposent chacun d'armoiries personnelles[17] réalisées par l'Autorité héraldique du Canada après leur nomination. La fonction est également représentée par les armoiries du Québec ainsi qu'un drapeau :
Le drapeau du lieutenant-gouverneur du Québec (1870–1939).
Le drapeau du lieutenant-gouverneur du Québec (1939–1952).
Le drapeau du lieutenant-gouverneur du Québec (1952-présent).
Dépenses
Les dépenses du lieutenant-gouverneur du Québec, au niveau fédéral, sont, pour la période 2017-2018[18] :
déplacements et hébergement : 13 066 $
frais d'accueil : 6 782 $
dépenses opérationnelles et administratives : 56 351 $
dépenses totales : 76 199 $
Hommages
L'allée des Gouverneurs a été nommée en l'honneur des lieutenants-gouverneurs, en 2006, dans la ville de Québec[19].
L'avenue des Gouverneurs a été nommée pour la même raison, en 1947, dans l'ancienne ville de Sillery, maintenant présent dans la ville de Québec[19].
Le jardin des Gouverneurs a été nommé pour la même raison, en 1970, dans la ville de Québec[19].
La promenade des Gouverneurs a été nommée pour la même raison, en 1960, dans la ville de Québec[19]. Une plaque commémorative est présente sur la Terrasse Dufferin.
↑ abc et d« Gouverneurs », sur ville.quebec.qc.ca (consulté le )
Bibliographie
Henri Brun et Guy Tremblay, Droit constitutionnel, Cowansville, Québec, Éditions Y. Blais, , 1232 p. (ISBN2-89073-736-5).
Manon Tremblay, Réjean Pelletier et Marcel R. Pelletier (dir.), Le parlementarisme canadien, Sainte-Foy, Québec, Presses de l'Université Laval, , 461 p. (ISBN2-7637-7695-7).
Frédéric Lemieux, Christian Blais et Pierre Hamelin, L'histoire du Québec à travers ses lieutenants-gouverneurs, Sainte-Foy, Québec, Publications du Québec, 2005, 415 p. (ISBN9782551196968)
Service de la recherche, Biographies des lieutenants-gouverneurs, Québec, Bibliothèque de l'Assemblée nationale, 1995, 28 f.
Arthur Dansereau, Le lieutenant-gouverneur de Québec et les prérogatives royales, Montréal, 1878, 118 p.
Pierre Lapointe, Les lieutenants-gouverneurs de la province de Québec 18767-2000, Lévis, Éd. à Mains Nues, 2000, 31 p.