Il était le deuxième fils de Charles de Bourbon (1788-1855), infant d'Espagne puis comte de Molina, et de sa première épouse l'infante Marie-Françoise de Portugal (1800-1834), fille du roi Jean VI de Portugal. À sa naissance, Jean de Bourbon fut titré infant d'Espagne par son oncle le roi Ferdinand VII. En 1833, après la mort du roi, son père réclame le trône sous le nom de Charles V et déclenche la première guerre carliste, qui s'achève en 1839 avec la défaite des partisans carlistes et l'exil du roi Charles et de ses enfants.
Devenu adulte, et en exil, Jean prit le titre de courtoisie de comte de Montizón.
Depuis l'échec de la deuxième guerre carliste en 1849, Jean de Bourbon ne croyait guère aux chances de la cause[5]. De plus, ses idées et ses centres d'intérêt l'éloignaient de ses partisans carlistes. Dépourvu d'ambition personnelle, il se passionnait davantage pour les sciences que pour la politique : il avait suivi à Londres les cours de l'école polytechnique et mené des expériences en daguerréotypie puis en photographie ; il réalisa vers 1855 la première photographie d'un hippopotame en Grande-Bretagne, qui fut publiée dans le Times (mais sous son propre nom - ce qui l'obligea à déménager car il était sous protection judiciaire : il avait en effet été exfiltré en Grande-Bretagne sur ordre de la reine Victoria sur un navire de la Royal Navy[6]). Ses photos (sur collodion) des animaux du zoo de Londres furent présentées à l'Exposition universelle de 1855 à Paris[7].
Doté d'un esprit inventif, le comte de Montizón avait mis au point un modèle de bateau en caoutchouc pour la marine préfigurant les zodiacs[8]. Ses réflexions personnelles le conduisaient à adopter des vues libérales et il était favorable à la souveraineté nationale, au suffrage universel, à l'indépendance de la justice, à la liberté d'expression et de culte, à l'égalité devant la loi et comprenait l'aspiration à l'unité italienne[Note 1]. Abhorrant les intrigues, il détestait aussi l'idée de faire couler le sang espagnol[8].
Ses idées étaient en opposition à celles de son épouse. Il refusa que l'éducation de ses enfants fût confiée aux jésuites et ceci entraîna la séparation des époux. Jean s'installa à Brighton et son épouse et ses deux fils partagèrent leur vie entre Modène et Venise. Le comte de Chambord envoya une garde hongroise pour veiller sur sa belle-sœur et ses neveux[9].
Au décès de son frère aîné le comte de Montemolín, dit Charles VI, à Trieste le , le prince Jean devint pour les carlistes, le nouvel héritier légitime du trône des Espagnes et des Indes sous le nom de « Jean III ».
Ayant refusé le trône de l'empire du Mexique que lui proposa Napoléon III, Jean fit sa soumission à Isabelle II en et ne voulut plus porter que le titre de courtoisie de comte de Montizón, du nom d'une ancienne seigneurie andalouse fondée par Charles III en 1767[10].
Déçus par l'inaction de Jean de Bourbon, les carlistes se tournèrent vers son fils aîné, qu'ils proclamèrent héritier des Espagnes et des Indes à Londres le . Ce dernier parvient à déclencher la troisième guerre carliste et à se faire proclamer roi sous le nom de Charles VII.
En conséquence de quoi, à la demande de son fils aîné, Jean de Bourbon abdiqua ses droits au trône d'Espagne, à Paris le .
Le à Gorizia, le nouvel aîné des Bourbons, ceint du cordon bleu[11],[12],[13] de l'ordre du Saint-Esprit d'Henri V, que lui avait remis la comtesse de Chambord, présida les obsèques du défunt prétendant : il fut le premier Capétien venant juste après le représentant (neveu(de)) de l'empereur d'Autriche, tant pour suivre le convoi funèbre depuis la gare jusqu'à la cathédrale de Gorizia, que pendant la cérémonie des obsèques dans la cathédrale. À la suite de Jean de Bourbon, se tenaient ses deux fils — l'aîné, le duc de Madrid, étant le prétendant carliste au trône d'Espagne, et le nouveau dauphin des légitimistes français — et son petit-fils, puis le duc déchu de Parme (qui passera ensuite devant[11] le petit-fils et le fils cadet de Jean III, donc à la quatrième place), le grand-duc déchu de Toscane, le prétendant migueliste au trône de Portugal (Michel de Bragance), et le prince royal Louis-Ferdinand de Bavière[Note 2]. Le roi déchu des Deux-Siciles et le comte de Paris (prétendant orléaniste au trône de France) avaient refusé d'assister aux obsèques (bien qu'ils fussent présents l'avant-veille, à l'office funèbre qui eut lieu à Frohsdorf), ce dernier n'ayant pu jouir de la première place qu'il convoitait. Le comte de Chambord sera ensuite inhumé en dehors de la ville, au couvent de Kostanjevica (auprès de Charles X, du dauphin, de la dauphine, et de la duchesse de Parme), situé depuis 1947 à deux cents mètres derrière la frontière italo-slovène.
Jean de Bourbon déclara :
« Devenu le chef de la Maison de Bourbon par la mort de mon beau-frère et cousin M. le comte de Chambord, je déclare ne renoncer à aucun des droits au trône de France que je tiens de ma naissance. »
Le texte avait été rédigé par Maurice d'Andigné (ancien secrétaire du comte de Chambord) au début de l'année 1886, à la demande du prétendant Jean III, qui souhaitait protester solennellement contre l'usurpation de la succession dynastique d'Henri d'Artois par les Orléans. Mais bien que satisfait du texte écrit par d'Andigné, le comte de Montizón en ajourna la publication pour des raisons extérieures[14]. Finalement, ce n'est qu'en , un mois après la mort du prétendant, que d'Andigné publia la déclaration de Jean de Bourbon dans Journal de Paris.
Mort
Jean de Bourbon mourut dans sa maison sise au n° 25, Seafield Road, à Hove, près de Brighton, dans le Sussex (Angleterre), où il vivait incognito sous le nom de Mr Charles Monfort. Son acte de décès britannique le mentionne comme don Juan de Bourbon, male, 65 years, of Royal Rank.
Ses obsèques furent célébrées le dans l'église du Sacré-Cœur de Hove(en). L'office fut chanté par le révérend père Hayes, ancien précepteur du petit-fils de Jean de Bourbon, Jacques de Bourbon, futur duc d'Anjou et de Madrid. Ses fils légitimes assistèrent aux obsèques. Son corps fut conservé dans un catafalque pendant plusieurs mois, avant d'être transporté à Londres. Là, le sien et celui de sa mère qui reposait à Gosport, mais qui fut exhumée sur ordre de la reine Victoria, furent placés avec les honneurs militaires sur un navire d'une compagnie maritime britannique afin de rejoindre l'Italie pour être enterrés à Trieste.
Le 27 novembre, le Journal de Paris, à l'époque hebdomadaire légitimiste, parut bordé de noir avec comme grand titre « MORT DU ROI JEAN III ». Le même jour, l'hebdomadaire Avranchin rappela que « le roi Jean [...] était, par la loi salique, le successeur d'Henri V au trône de France »[15].
Le 29 novembre les légitimistes français firent célébrer une messe de requiem à Paris en l'église Notre-Dame des Victoires.
Jean de Bourbon est inhumé[16] à Trieste, dans la cathédrale Saint-Just, en tant que « Jean III, roi d'Espagne » (Ioannes III Hispan Rex).
« Le roi Jean III nous avait donné l'assurance que s'il s'asseyait un jour sur le trône de France, son programme et son drapeau seraient ceux de monsieur le comte de Chambord. »
Le photographe
Les œuvres photographiques de Jean de Bourbon sont notamment présentes dans la collection de la Royal Photographic Society.
↑Patrick van Kerrebrouck, La maison de Bourbon (1256-1987), coll. Nouvelle histoire généalogique de l'auguste maison de France,éd. Patrick van Kerrebrouck, Villeneuve d'Ascq, 1987, p.302
↑Calendario Generale pe' regii stati, Turin, 1847, Ch. X "Armata", p.362
↑Melchor Ferrer, Historia del Tradicionalismo Español, tome XXII, Editorial Católica Española S.A, Séville, 1941, pp. 10-12
↑(es) Richard Thornton, La esposa y la familia británicas desconocidas del pretendiente carlista don Juan de Borbón : Anales de la Real Academia Matritense de Heráldica y Genealogía, vol. XII, année 2009, p. 421-441, lire en ligne, (ISSN1133-1240).
↑ a et bFrançois Bourdaloue (1814-1895), « Journal de mon voyage à Frohsdorff et Goritz : 29 août – 6 septembre 1883 », Le lien légitimiste, no 18, , p. 11 (et aussi no 16, juillet-août 2007, p. 7, pour la visite du comte de Montizón à la comtesse de Chambord).
↑Hervé Pinoteau et Patrick Van Kerrebrouck, Clefs pour une somme : comportant l'index et la bibliographie de "La symbolique royale française" et du "Chaos français et ses signes", ainsi que des additions et corrections, La Roche-Rigault, PSR éditions, , 294 p. (ISBN978-2-908571-61-5 et 2-908571-61-7), p. 83.
Jacques Bernot, Les princes cachés : ou histoire des prétendants légitimistes (1883-1989), Paris, Éditions Lanore ; François-Xavier Sorlot, éditeur, coll. « Lanore histoire », , 318 p. (ISBN978-2-85157-745-0, OCLC905715018, lire en ligne).
(es) Jaime del Burgo Torres, Carlos VII y su tiempo : leyenda y realidad, Gobierno de Navarra : departamento de Educación y Cultura, , 396 p. (ISBN84-235-1322-X, OCLC431813808).
Henri de Lazeu, La légitimité en Espagne, Berne, imprimerie de C. J. Wyss, , 16 p. (BNF30757820, lire en ligne).
(es) Henrique de Lazeu, Apuntes histórico-contemporáneos, Madrid, imprenta a cargo de Julián Peña, , 299 p. (OCLC803628704, lire en ligne).
Hervé Pinoteau, « L'acte de Jean III », Légitimiste, Paris, Service d’information culturelle et de réalisations éditoriales, no 248, , p. 3 (ISSN0764-5031).
(es) Reyes sin trono : los pretendientes carlistas de 1833 a 1936 (exposición, 3 abril - 9 diciembre 2012, Museo del Carlismo, Estella-Lizarra), Pampelune, Gobierno de Navarra, Departamento de Cultura, Turismo y Relaciones Institucionales : Museo del Carlismo, Servicio de Museos, , 113 p. (BNF43774981, lire en ligne).
(es) Correspondencia entre la señora condesa de Molina y el principe D. Juan de Borbon, sobre la retractacion de sus principios políticos y renuncio en sus hijos de sus derechos á la corona de España, 13 p. , Londres : impr. de Carter , 1861 (BNF FRBNF30143754)
Proclamation de Jean de Bourbon au peuple espagnol, en faveur d'une monarchie constitutionnelle. Londres, 20 septembre 1860.) , 4 p
Proclamation de Jean de Bourbon au parti carliste. Londres, 16 février 1861.), 2 p.