Jacques de Cueilly naît en 1544 dans une famille de la bourgeoisie parisienne[1]. On compte parmi ses membres Thomas de Cueilly, maître ès arts et docteur en médecine vers 1527 et Jean de Cueilly, régent de la Faculté des arts en 1538[2], ainsi qu'un avocat au Parlement de Paris[1]. Leur nom vient probablement du hameau de Cœuilly, à Champigny-sur-Marne[2].
Théologien
Après avoir été professeur de philosophie, Jacques de Cueilly fait carrière à la Sorbonne[1]. En , en tant que procureur de la nation de France à la Sorbonne, il signe l'acte de convocation devant l'assemblée de l'Université des maîtres suspects de protestantisme[3].
Il devient prieur puis bibliothécaire puis recteur de la Sorbonne le [1]. Il jure alors de combattre les jésuites. En effet, les théologiens de la Sorbonne sont très gallicans, donc méfiants envers un ordre d'origine espagnole et lié à Rome. De plus, les jésuites sont des concurrents depuis qu'ils ont fondé le collège de Clermont avec l'autorisation du roi Henri II[4].
Il est licencié en théologie le et docteur le [1]. Dans son testament rédigé en 1582, alors qu'il est en bonne santé, il semble surtout soucieux de distribuer les livres de sa bibliothèque personnelle à des étudiants[5]. En 1584, il fait don à la Sorbonne d'ouvrages et reliques qu'il a rapportés d'un voyage à Rome et à Jérusalem, dont un calendrier écrit en grec et des actes de conciles[6],[7].
Curé parisien
Il est ordonné prêtre le [1]. Il devient curé de la paroisse de Saint-Germain-l'Auxerrois le [1], à la place de Jacques Baillé, qui est en concurrence avec lui pour cette charge[8]. Baillé y est nommé le mais résigne deux jours après, probablement forcé, sans que les raisons de ce renoncement soient indiscutablement établies[9]. Jacques de Cueilly prêche habituellement devant ses paroissiens[10].
En 1591, il devient également curé d'une autre paroisse, celle de Saint-Germain-le-Vieux, sans doute à la place de Pierre de Cheirac, curé jugé peu sûr par la Ligue. Cueilly cumule ces deux cures et les conserve jusqu'à son expulsion de Paris en 1594[11]. Ce cumul, exceptionnel, est rendu possible par les circonstances très particulières de la révolte de la Ligue qui a pris le contrôle de Paris[12].
Selon Pierre de l'Estoile, il fait partie, avec Jean Boucher, Julien Pelletier, Jean Hamilton et François Pigenat, des prêcheurs les plus actifs et extrémistes de la Ligue[14]. Il affirme avoir entendu, aux États généraux de 1588-1589, le roi Henri III dire sa crainte que l'appétit ne vienne au duc de Guise, à force de manger. Ce dernier est assassiné, sur ordre d'Henri III, le [15].
Contre Henri IV
Après la prise de Chartres par l'armée royale le , alors que certains s'en réjouissent dans Paris, il propose à ses paroissiens, de « se saisir de tous ceux qu'on verroit rire »[16]. Le , il prêche à Saint-Germain-l'Auxerrois contre les Politiques, c'est-à-dire les modérés, et encourage le peuple à aller piller leurs maisons[16],[17].
Le , il désapprouve l'exécution de Pierre Barrière, arrêté avant d'avoir pu exécuter son projet de régicide sur la personne d'Henri IV, au motif que Barrière était « un pauvre homme maladvisé et simple »[18]. Il met au service de la Ligue son enseignement même, en faisant soutenir à son élève Mathieu Le Heurt le une thèse sur le sujet : « Quibuscumque praesertim monstris Gallia nunc colluctatur ? », soit « Contre quels monstres la Gaule lutte-t-elle à présent ? », qui tend à démontrer que les Politiques et les hérétiques sont les monstres[19],[20],[21].
Après l'entrée d'Henri IV dans Paris le , ce dernier veut entendre la messe dans l'église Saint-Germain-l'Auxerrois le . Jacques de Cueilly interdit l'entrée de l'église à ses vicaires et à ses paroissiens[22]. Il affirme lui-même, dans un texte postérieur, avoir prêché le lendemain l'obéissance à Henri IV, quoique de manière ambigüe :
« Vous serez contraints de lui prêter serment, à l'exemple des habitants des autres villes, vous pouvez lui promettre fidélité, mais en réservant l'honneur dû à Dieu, l'obéissance que vous êtes tenus de rendre à la Sainte Eglise, notre mère et au successeur de saint Pierre[23]. »
Pierre de l'Estoile dit le contraire. Selon lui, Cueilly prêche ce jour-là contre Henri IV, s'obstinant à le considérer comme excommunié[23].
Exilé
Jacques de Cueilly est arrêté le [22] et incarcéré une semaine[24]. Il est ensuite officiellement proscrit et semble être allé à Rome[25]. Il se réfugie en fait à Bruxelles, dans les Pays-Bas espagnols, sans qu'on sache comment il y parvient[26].
Jacques de Cueilly bénéficie d'une pension versée par le roi d'Espagne Philippe II et meurt en [27].
↑ a et bThierry Amalou, « Le clergé français et les états généraux de Blois en 1588 : théologiens ligueurs contre prélats de cour ? », dans Sylvie Daubresse et Bertrand Haan (dir.)., La Ligue et ses frontières : Engagements catholiques à distance du radicalisme à la fin des guerres de Religion, Rennes, Presses universitaires de Rennes, coll. « Histoire », , 260 p. (ISBN978-2-7535-6046-8, DOI10.4000/books.pur.91573, lire en ligne), p. 21–53.
↑Élie Barnavi, « Le cahier de doléances de la ville de Paris aux États Généraux de 1588 », Annuaire-Bulletin de la Société de l'histoire de France, , p. 81–154 (ISSN0399-1350, lire en ligne, consulté le ).
↑Thierry Amalou, « Les disputes académiques et l’espace public parisien au XVIe siècle », dans Thierry Amalou et Boris Noguès (dir.)., Les universités dans la ville : XVIe – XVIIIe siècle, Rennes, Presses universitaires de Rennes, coll. « Histoire », , 254 p. (ISBN978-2-7535-6927-0, DOI10.4000/books.pur.137022, lire en ligne), p. 179–215.
↑Florence Buttay, Peindre en leur âme des fantômes : Image et éducation militante pendant les guerres de Religion, Rennes, Presses universitaires de Rennes, coll. « Histoire », , 376 p. (ISBN978-2-7535-8900-1, DOI10.4000/books.pur.174941, lire en ligne), p. 83-115.
Vladimir Angelo, Les curés de Paris au XVIe siècle, Paris, Éditions du Cerf, coll. « Histoire religieuse de la France » (no 26), , 893 p. (ISBN9782204077613).
Robert Descimon et José Javier Ruiz Ibanez, Les ligueurs de l'exil : Le refuge catholique français après 1594, Seyssel, Champ Vallon, coll. « Époques », , 309 p. (ISBN9782876734258).