Images pour orchestre est une œuvre pour orchestre en trois parties de Claude Debussy. Debussy compose cette partition entre 1905 et 1912. Il avait d'abord pensé écrire cet ensemble d'images pour deux pianos, comme une suite aux Images pour piano, ainsi que le montre une lettre à son éditeur Durand datée de . Cependant, vers , dans une autre lettre à Durand, Debussy a commencé à penser à arranger l'œuvre pour un orchestre plutôt que pour deux pianos[1].
Présentation
Les Images pour orchestre sont composées entre 1905 et 1912. L'œuvre est dédiée à Emma Debussy, la seconde femme du compositeur[2].
Comme triptyque orchestral dans son intégralité, la partition est créée, sous la direction de Debussy, le à Paris, aux Concerts Colonne[2]. Le mouvement Ibéria avait cependant déjà connu une première exécution publique le , aux Concerts Colonne, sous la direction de Gabriel Pierné[3], et Rondes de printemps avait été donné le aux Concerts Durand, salle Gaveau, sous la direction du compositeur[4].
Mouvements
I. Gigues (1909–1912)
Le premier titre des Gigues était Gigues tristes. Debussy se servit de ses souvenirs d'Angleterre pour inspiration principale de cette musique, en plus de la chanson « Dansons la gigue » de Charles Bordes[5], il s'inspira en particulier de l'air populaire écossais « The Keel Row »[6].
Une polémique est née à propos du rôle d'André Caplet dans l'orchestration de Gigues. Robert Orledge et Williametta Spencer admettent que Caplet a assisté Debussy dans le travail d'orchestration[5],[7]. En revanche, François Lesure a établi, en se fondant sur l'examen des manuscrits de la Bibliothèque nationale (MS 1010), que Caplet ne l'avait pas assisté pour l'orchestration[8].
II. Ibéria (1905–1908)
Ibéria est la plus populaire des trois Images et forme en elle-même un triptyque dans un triptyque. Les trois parties d’Ibéria sont :
Par les rues et par les chemins
Les parfums de la nuit
Le matin d'un jour de fête
La musique s'inspire d'impressions d'Espagne. Richard Langham Smith a commenté le vœu de Debussy de restituer des éléments
visuels dans des termes musicaux[9], et cite quelques phrases de Debussy à Caplet tirées d'une lettre du . Il s'y émerveille de la transition réussie entre « Parfums de la nuit » et « Le Matin d'un jour de fête » : « Ça n'a pas l'air d'être écrit »[10].
Matthew Brown a brièvement commenté l'emploi par Debussy de techniques telles que les progressions incomplètes, les épisodes parenthétiques et les interpolations dans Ibéria[11].
Présentés dans l'ordre chronologique des dates d'enregistrement, toutes les références citées comportent les trois mouvements : Gigues, Ibéria et Rondes de printemps.
« […] Écoutez la trompette vers le début de Gigues, avant que la musique plus rapide n'éclate. C'est vraiment un grand orchestre dirigé par un chef qui a su en tirer le meilleur parti […]. Je vois que la recette de Munch aurait pu dériver avec des orchestres moins importants […], et ce serait un modèle dangereux à imiter , mais cela ne fait qu'ajouter au caractère unique de ce que nous avons ici ; une combinaison particulière d'orchestre et de chef d'orchestre avec un son et un style bien à eux. Bien que du point de vue d'un critique, il s'agisse d'un « enregistrement historique », je dois ajouter que le son est toujours remarquablement vif et constitue donc également une superbe introduction pour [une découverte des] principaux chefs-d'œuvre orchestraux de Debussy[13]. »
« Pierre Monteux fait ressortir, avec une précision extraordinaire en même temps qu'avec une imagination sans cesse en éveil, la poésie intense de ces pages où la musique, s'affranchissant de tous les moules préfabriqués, s'avance mystérieuse ou fantasque à la recherche d'un univers sans pesanteur […]. Allier ainsi l'exactitude et la sensualité, tient du miracle. Servie par une excellente prise de son, cette interprétation demeure inégalée… »
« Son interprétation se définit par un mot : exactitude. […] s'agissant d'une attention scrupuleuse aux moindres indications de nuances et d'accents, cette exactitude est « payante ». Elle nous vaut un Debussy plus secret, contenu dans son lyrisme, mais précurseur de toutes les audaces du XXe siècle […]. Une interprétation que l'on peut dire « révélatrice ». »
« L'orchestre de Prévin sonne clair et large sous sa direction précise, l'oreille est comblée par une telle finesse purement orchestrale. Mais le chef a tendance à accuser un peu trop les contrastes, à supprimer les demi-teintes, réduisant ainsi singulièrement ce qu'il y a de mystérieux et d'allusif dans cette partition. »
« Barenboim adopte un tempo très modéré et souligne la mélancolie pénétrante de Gigues, l'alchimie de timbres des Rondes, mais manque un peu de souplesse et de mordant dans Iberia. […] »
« Iberia de Debussy par Boulez […] on ne saurait rêver analyse plus précise, travail plus accompli des dosages instrumentaux, exploitation plus judicieuse de l'individualité de chaque timbre […] Et l'on recommandera particulièrement Gigues et Rondes de printemps […] à tous ceux qui reconsidéreraient que Debussy reste un musicien potentiellement ennuyeux : la richesse du tissu sonore et l'intelligence de l'approche sont ici telles que l'intérêt de l'auditeur ne peut pas, c'est une réelle impossibilité, se relâcher[18]. »
Enregistré dès 1930 Iberia figure au catalogue des disques de plusieurs chefs de l'époque : Piero Coppola (1930), Arturo Toscanini (1950)[19], Fritz Reiner (1941, 1945 et 1957), puis Paul Paray (décembre 1955, Mercury)[20] ; au contraire d'Inghelbrecht qui enregistre Gigues et Rondes De Printemps (1959) pour EMI, avec l'Orchestre national. Jean Fournet livre Iberia en 1965, avec la Philharmonie Tchèque[21] et Celibidache en 1992, à Munich (EMI)[22], en avril 1980 avec le LSO, en mai 1994 de nouveau à Munich (DVD Ideale Audience) et avec la SWR de Stuttgart (Les Enregistrements de Stuttgart, volume IV DG)[23]. Charles Munch a aussi enregistré en concert la seule Iberia avec l'Orchestre national en 1962 (Music & Arts et une autre prise de la même année, publiée chez Montaigne) et 1968 (Guilde Internationale du Disque / Accord / coll. « via classique » FNAC classique)[24].
Notes et références
↑(en) Robert Orledge, « Debussy's Musical Gifts to Emma Bardac », The Musical Quarterly, vol. LX, no 4, , p. 544–556 (DOI10.1093/mq/LX.4.544, lire en ligne, consulté le ).
↑ a et b(en) Williametta Spencer, « The Relationship between André Caplet and Claude Debussy », The Musical Quarterly, vol. LXVI, no 1, , p. 112–131 (DOI10.1093/mq/LXVI.1.112, lire en ligne, consulté le )
↑(en) Peter J. Pirie, « Portrait of Debussy. 5: Debussy and English Music », The Musical Times, The Musical Times, Vol. 108, No. 1493, vol. 108, no 1493, , p. 599–601 (DOI10.2307/953799, lire en ligne, consulté le )
↑(en) Robert Orledge, « Debussy's Orchestral Collaborations, 1911-13. 1: Le martyre de Saint-Sébastien », The Musical Times, The Musical Times, Vol. 115, No. 1582, vol. 115, no 1582, , p. 1030–1033, 1035 (DOI10.2307/960380, lire en ligne, consulté le )
↑(en) Robert Orledge, « Reviews of Books: Claude Debussy: biographie critique par François Lesure », Music & Letters, vol. 77, no 1, , p. 132–133 (lire en ligne, consulté le )
↑(en) Richard Langham Smith, « Debussy and the Art of the Cinema », Music & Letters, no 54 (1), , p. 61-70 (lire en ligne).
↑Paul Driver, « Debussy through His Letters », The Musical Times, 128 (1738), décembre 1987, p. 687-689.
↑ a et b(en) Matthew Brown, « Tonality and Form in Debussy's Prélude à 'L'Après-midi d'un faune », Music Theory Spectrum, vol. 15, no 2, , p. 127–143 (DOI10.1525/mts.1993.15.2.02a00010, lire en ligne, consulté le )
↑(en) Matthew; Dempster, Douglas; and Headlam, Dave Brown, Douglas Dempster et Dave Headlam, « The ♯IV(♭V) Hypothesis: Testing the Limits of Schenker's Theory of Tonality », Music Theory Spectrum, vol. 19, no 2, , p. 155–183 (DOI10.1525/mts.1997.19.2.02a00020, lire en ligne, consulté le )
↑Diapason, Dictionnaire des disques et des compacts : guide critique de la musique classique enregistrée, Paris, Laffont, coll. « Bouquins », , 3e éd., xiv-1076 (OCLC868546991, BNF34951983), p. 293.
↑(en) Christophe Howell, « Claude Debussy : Prélude à l'après-midi d'un faune, Nocturnes, Images », sur musicweb-international.com, : « En 1963, Monteux avait 88 ans […] tout le monde l'aimait tellement qu'on ne remarquait pas qu'il n'était pas toujours capable de capter la verve et la tension qui lui avait rarement fait défaut pendant la plus grande partie de sa carrière. Les Images en sont un bon exemple. L'orchestre joue magnifiquement mais la musique fait souvent long feu ».
↑Lors d'une de ses rééditions ce disque a été distingué d'un « 10 » par Laurent Barthel dans le magazine Répertoire no 19.
↑ a et bLors d'une de sa sortie ce disque a été distingué d'un « 10 » par Laurent Barthel dans le magazine Répertoire no 53.
↑« L'enregistrement mono d’Iberia par Arturo Toscanini est étonnant à plus d'un titre. D'abord, par le caractère résolument « moderne » d'une interprétation qui ne sacrifie jamais au prétendu « impressionnisme » de Debussy, mais fait, au contraire, ressortir les audaces d'écriture et de l'orchestration. Ensuite, par la lumière que Toscanini projette sur ce triptyque, dont le dernier volet […] est particulièrement éblouissant[17]. »
↑Lors d'une de ses rééditions ce disque a été distingué d'un « 8 » par Laurent Barthel dans le magazine Répertoire no 75 : « La Mer et Iberia furent les tout premiers enregistrements effectués par Mercury à Detroit. D'un strict point de vue technique, ils sont déjà impressionnants ». Le magazine Diapason no 412 lui ayant délivré un « 5 » et Le Monde de la musique, un « Choc »…
↑(en) Christophe Howell, « Claude Debussy : La Mer, Iberia », sur musicweb-international.com, : « De toute évidence, le problème est le mouvement central. Les Parfums de la nuit entrent et sortent avec une atmosphère considérable et pendant la majeure partie de la distance, une douce cadence est maintenue. Mais le temps, comme l'élastique, ne s'étirera que jusqu'à présent sans se rompre et il y a des moments où la musique frôle dangereusement l'immobilité. […] Les performances antérieures [et intégrale] semblent préférables [1969 à la RAI de Turin] ».
↑Lors de sa réédition le disque a été distingué d'un « 9 » par Jean-Marie Brohm dans le magazine Répertoire no 64 : « Iberia est magnifique de force et d'imagination rythmique (un festival pour les instruments percussifs ), de poésie nocturne, jamais alanguie, toujours frémissante d'inquiétude, de feria dans l'éclatante clarté : Munch burine la chair de son orchestre en faisant sourdre l'irrépressible mouvement interne. » ; et distingué de « 5 » diapasons par Stéphane Roch dans le magazine Diapason no 400 « Une traduction debussyste hautement attachante et originale ».
Bibliographie
Antoine Goléa, Claude Debussy, Paris, Seghers, coll. « Musiciens de tous les temps », , 190 p. (OCLC489771383), p. 128–130.
Edward Lockspeiser (biographie) et Harry Halbreich (analyse de l'œuvre) (trad. de l'anglais par Léo Dilé, biographie), Claude Debussy, Paris, Fayard, coll. « Bibliothèque des grands musiciens », (1re éd. 1962 (Lockspeiser)), 823 p. — biographie : 7-529 et œuvre : 533-748 (OCLC730042487, BNF34675767), p. 687–699.