L'Homme de Kocabaş, ou Homme de Denizli, est le nom donné à une calotte crânienne fossile partielle attribuée à l'espèce Homo erectus, découverte en 2002 dans l'Ouest de la Turquie, et datée entre 1,6 et 1,2 million d'années. Trouvée près du village de Kocabaş, dans la province de Denizli, cette calotte crânienne est le plus ancien fossile humain connu en Turquie à ce jour. Elle représente un premier lien possible entre les fossiles contemporains d'Afrique et les premières traces laissées par l'Homme en Europe, il y a environ 1,5 million d'années.
Historique
Le village de Kocabaş se trouve à 200 km à l’est-sud-est d'Izmir et à 150 km au nord-ouest d'Antalya, dans la province de Denizli[1].
La découverte du fossile de Kocabaş est due au géologue turc Mehmet Cihat Alçiçek qui suivait pour ses travaux l'exploitation des carrières de travertin dans le bassin de Denizli, notamment sur le site de Kocabaş. Mehmet Alçiçek étudiait des formations Plio-Pléistocène, et il récupérait des fossiles de vertébrés que les ouvriers de l’usine de Dalmersan mettaient de côté au moment du découpage des dalles[2]. La calotte crânienne a été trouvée en fragments et a fait l'objet d'une reconstitution partielle, notamment par application de la symétrie.
La première description de la calotte crânienne est due à John Kappelman et ses collègues en 2008[3].
Description
Le fossile de Kocabaş montre une divergence de l’os frontal peu marquée et une séparation des lignes temporales sur l’os pariétal, ce qui le rapproche des fossiles africains datés d'environ 1 million d'années[4].
Il possède une constriction post-orbitaire marquée, un torus supra-orbitaire bordé postérieurement par un sulcus supra-toral et présentant inférieurement une incisure et un tubercule supra-orbitaires, des lignes temporales en position moyennement haute délimitant une zone infra-temporale au bombement net, qui sont des caractères communs à Homo ergaster et Homo erectus. Cependant, Kocabaş se différencie par les proportions de son os frontal (considéré hors torus supra-orbitaire), qui est court et large, des Homo erectus asiatiques, chez qui l’écaille frontale est plus longue. Il partage cette disposition avec les Homo erectus africains[5].
Datation
Une étude de 2018 attribue à l'Homme de Kocabaş un âge compris entre 1,6 et 1,2 Ma. Le croisement du paléomagnétisme et de la paléofaune a permis de produire cet âge approximatif[4].
En 2018, Amélie Vialet concluait, après de nouvelles analyses cladistiques de données issues de la morphométrie 3D, que l'Homme de Kocabas se rapprochait davantage des fossiles africains usuellement attribués à Homo ergaster et Homo erectus (KNM-OL 45500 (Kenya), Daka-Bouri Bou-VP-2/66 (Éthiopie), Buya UA 31 (Érythrée), datés d'environ 1 million d'années), et se séparait clairement d'Homo georgicus et des Homo erectus asiatiques[4]. L'Homme de Kocabaş s'inscrirait dans une histoire évolutive distincte de celle d'Homo georgicus, et témoignerait d'une migration hors d'Afrique plus tardive[4]. Il aurait fait partie d'une autre expansion humaine qui, vers 1,5 million d’années, aurait gagné le Proche-Orient depuis l'Afrique[6]. Amélie Vialet a confirmé son analyse en 2019[7].
La population représentée par l'Homme de Kocabaş a peut-être contribué au peuplement de l'Europe à partir de 1,5 Ma[6]. Cependant, la première espèce humaine identifiée en Europe demeure à ce jour Homo antecessor, datée d'environ 860 000 ans. Les fossiles plus anciens trouvés en Europe ne sont pas encore attribués.
Références
↑Hulya Alçiçek et M. Cihat Alçiçek, « Contexte géographique et géologique du site de Kocabaş, Bassin de Denizli, Anatolie, Turquie », L'Anthropologie, le site de Kocabaş, bassin de Denizli, Anatolie, Turquie, vol. 118, no 1, , p. 11–15 (ISSN0003-5521, DOI10.1016/j.anthro.2014.01.006, lire en ligne)
↑Nicolas Boulbes, « Homo erectus site of Kocabas, Denizli, Anatolia, Turkey (Le site d'Homo erectus de Kocabas, Denizli, Anatolie, Turquie) », L'anthropologie, (lire en ligne)
↑(en) Kappelman John; Mehmet Cihat Alçiçek; Nizamettin Kazanci; Michael Schultz; Mehmet Ozkul; Şevket Şen, « First Homo erectus from Turkey and implications for migrations into temperate Eurasia », American Journal of Physical Anthropology, vol. 135, no 1, , p. 110–116 (PMID18067194, DOI10.1002/ajpa.20739)
↑ abc et d(en) Amélie Vialet, Sandrine Prat, Mehmet Cihat Alçiçek et Patricia Wils, « The Kocabaş hominin (Denizli Basin, Turkey) at the crossroads of Eurasia : New insights from morphometric and cladistic analyses », Comptes Rendus Palevol, vol. 17, nos 1-2, , p. 17–32 (ISSN1631-0683, DOI10.1016/j.crpv.2017.11.003, lire en ligne)
↑ ab et cAmélie Vialet, Gaspard Guipert, Mehmet Cihat Alçiçek et Marie-Antoinette de Lumley, « La calotte crânienne de l’Homo erectus de Kocabaş (Bassin de Denizli, Turquie) », L'Anthropologie, le site de Kocabaş, bassin de Denizli, Anatolie, Turquie, vol. 118, no 1, , p. 74–107 (ISSN0003-5521, DOI10.1016/j.anthro.2014.01.003, lire en ligne)
Amélie Vialet, Gaspard Guipert, Mehmet Cihat Alçiçek et Marie-Antoinette de Lumley, « La calotte crânienne de l’Homo erectus de Kocabaş (Bassin de Denizli, Turquie) », L'Anthropologie, le site de Kocabaş, bassin de Denizli, Anatolie, Turquie, vol. 118, no 1, , p. 74–107 (ISSN0003-5521, DOI10.1016/j.anthro.2014.01.003, lire en ligne)
(en) Amélie Vialet, Sandrine Prat, Mehmet Cihat Alçiçek et Patricia Wils, « The Kocabaş hominin (Denizli Basin, Turkey) at the crossroads of Eurasia : New insights from morphometric and cladistic analyses », Comptes Rendus Palevol, vol. 17, nos 1-2, , p. 17–32 (ISSN1631-0683, DOI10.1016/j.crpv.2017.11.003, lire en ligne)
Nicolas Boulbes, « Homo erectus site of Kocabas, Denizli, Anatolia, Turkey (Le site d'Homo erectus de Kocabas, Denizli, Anatolie, Turquie) », L'anthropologie, (lire en ligne)
Henry de Lumley et Işın Yalçınkaya, « Conclusion. Bilan des recherches interdisciplinaires effectuées sur le site de l’Homo erectus de Denizli, Kocabaş, Bassin de Denizli, Anatolie, Turquie. L’Homo erectus aux portes de l’Europe », L'Anthropologie, le site de Kocabaş, bassin de Denizli, Anatolie, Turquie, vol. 118, no 1, , p. 108–113 (ISSN0003-5521, DOI10.1016/j.anthro.2014.01.007, lire en ligne)