La démographie de la république de Moldavie a longtemps été caractérisée par une forte natalité, aujourd'hui en baisse, par une forte densité de population (une des plus fortes de l'ancienne URSS - Jacques Fournier parlait de compétition de natalité entre autochtones et colons[14]) et par un fort taux d'expatriations, certaines voulues (le travail autre qu'agricole manquait), d'autres subies (la politique soviétique visant à réduire le pourcentage de Moldaves et à augmenter celui des Slaves). Aujourd'hui, les traces de ce passé sont visibles dans la structure démographique du pays, tandis que l'expatriation économique (principalement des Moldaves, souvent moins qualifiés et donc moins payés) se poursuit.
Population
La république de Moldavie (hors la « république moldave du Dniestr » autoproclamée, dite Transnistrie) compte 3 388 000 habitants, selon le recensement de 2004, en baisse de 208 000 habitants (pour la plupart, expatriés) par rapport à 1989. Au total, on peut supposer que la population de la république de Moldavie, atteint en 2005 un peu moins de 3 455 000 habitants.
Le recensement de 2014 montre que la population est passé à 2,9 millions d'habitants, hors Transnistrie et en incluant les citoyens habitant à l'étranger. La population est encore à majorité rurale. Alors que Chișinău a perdu 90 000 habitants et ne compte plus que 500 000 habitants[15].
Composition ethnique
Composition ethnique entre lors des recensements de 1959 et 2014
en 1970 : 69 % des habitants de la Moldavie ont déclaré que le moldave (nom du roumain en URSS) était leur langue maternelle.
en 1989 : il y avait 88 419 Bulgares en république de Moldavie.
en 1992 : 4 305 immigrants vers Israël depuis la république de Moldavie constituaient 7,1 % des immigrants ex-soviétiques vers Israël cette année-là. Simultanément, 60 % des achats de terrains et d'immeubles par des étrangers en Moldavie étaient le fait de citoyens israéliens.
en 2004 : il y avait 65 072 Bulgares selon le recensement.
en 2006 : 79 % des roumanophones usuels de Moldavie ont déclaré leur langue « moldave » (dont 63 % l'ont déclarée comme langue maternelle), et 2,2 % l'ont déclarée « roumaine » ; 27 % on déclaré le russe ou l'ukrainien comme langue maternelle, et 100 % ont déclaré pouvoir comprendre et parler le russe, « langue de communication inter-ethnique » (язык межнационального общения, limba de comunicare interetnică).
L'implantation humaine date du paléolithique, mais, en dehors des vallées des principaux cours d'eau (Prut, Răut et Dniestr), elle a été sporadique en raison du climat (périodes de sécheresse pluriannuelle) et d'invasions venues des steppes de l'est (peuples de cavaliers nomades). Les deux phénomènes sont d'ailleurs liés. La végétation aussi a évolué selon ces aléas : lors des périodes plus humides à peuplement sédentaire, les forêts (codri), les prés (pășuni) et les cultures (ogoare) progressaient, tandis que lors des périodes sèches à passage de peuples nomades, c'étaient les steppes à chardons. À chaque période sèche, les populations autochtones, à commencer par les Gétodaces et parmi ceux-ci, les Carpiens (qui ont laissé leur nom aux Carpates) et en finissant par les roumanophones actuels, se sont réfugiées sur les piémonts des Carpates orientales ou dans le Codru (plus arrosés en raison de leur altitude), puis, les pluies revenues, ont repeuplé le pays en creusant des puits et en refondant des villages et des villes, tout en assimilant au passage les minorités installées lors des invasions.
L’avant-dernière grande invasion ayant dépeuplé le pays (mentionné comme loca deserta ou terra sine incolis sur les cartes de l’époque) fut celle des Tatars/Mongols au XIIIe siècle, puis le repeuplement moldave s'est effectué au XIVe siècle, conclu par l’unification des petits voïvodats en une Principauté de Moldavie[18].
La dernière, au XIXe siècle et XXe siècle, est la seule à ne pas être due à des causes climatiques mais politiques : l’annexion russe de 1812 et surtout l’annexion soviétique de 1940 et la Seconde Guerre mondiale se sont traduites par la déportation-disparition de près d’un demi-million d'habitants (soit un sixième des habitants : déportation stalinienne des Moldaves, rapatriement forcé des populations germaniques, Shoah), qui cette fois n'ont pas été remplacés par des autochtones redescendus des Carpates ou du Codru, mais par des colons venus de toute l’URSS (mais surtout de Russie et d’Ukraine) dont les descendants forment aujourd'hui près d'un tiers de la population du pays[19].
L'urbanisation moderne a commencé sous le régime impérial russe avec la construction des chemins de fer et de villes nouvelles, à larges rues et plan en damier, à côté des anciennes bourgades moldaves serrées autour de leurs vieilles forteresses ou de leurs églises fortifiées. En l'absence d'exode rural au XIXe siècle, le peuplement de ces villes nouvelles s'est surtout fait à partir du reste de l'Empire russe ou même à partir de la Galicieautrichienne, avec d'importantes populations russes, arméniennes, polonaises, juives et grecques. Au XXe siècle elle s'est ralentie à l'époque du royaume de Roumanie, avec un début d'exode rural, pour reprendre massivement sous le régime soviétique, avec deux sources de peuplement : d'une part un exode rural croissant lié à l'industrialisation, d'autre part l'immigration des colons non-moldaves, sources qui font aujourd'hui des villes moldaves des cités bilingues roumain-russe. Les principales sont : Chișinău (en russe Кишинев = Kichinev), Bălți (en russe Бэлць = Beltsy), Tighina (Бендерь = Bender) et Tiraspol (Тирасполь).
Sur l'ensemble des habitants actuels de la république de Moldavie, 3,3 millions sont roumanophones (77 %), 450 000 sont ukrainiens (10 %), 340 000 sont russes (8 %), un peu plus de 100 000 sont gagaouzes (2,3 %) et presque 100 000 sont des minorités plus petites (roms, bulgares, juifs, tatars, etc.). Ces chiffres correspondent aux revendications de ces communautés ethniques.
La région est aux limites de deux aires linguistiques : celle latine de la majorité roumanophone (qui a eu le choix de se déclarer Moldave ou Roumaine) et celle slave où dominent les minorités russe et ukrainienne. Cette situation s'est instaurée depuis 1812, année où l'Empire russe occupe la Moldavie orientale à la suite d'un traité avec l'Empire ottoman. Au brassage de cultures et aux vagues migratoires se sont ajoutées au XXe siècle les tragédies de la déportation organisée contre les Roms et les Juifs par le régime Antonescu (le « Pétain roumain » comme il se qualifiait lui-même) et contre les roumains par l'URSS[20] qui a également intensifié la colonisation russe. Le recensement ne tient pas compte du fait que la quasi-totalité des roumanophones et une fraction des slavophones, soit 70 % de la population, est bilingue (roumain – russe), 30 % seulement étant unilingues (roumain seul ou, plus souvent, russe ou ukrainien seul). C'est pourquoi, selon les recensements et les auteurs, depuis 1910, la proportion de la majorité moldave roumanophone varie de 56 % à 79 %.
Avant les bouleversements démographiques de la Seconde Guerre mondiale et de l'après-guerre, la population était constituée de Moldavesroumanophones, de Ruthènesukrainiens, de Russes blancs, de Bulgares, d'Allemands de Bessarabie, de Gök-Oguz ou gagaouzes, de Grecs, d'Arméniens et de Juifs ashkénazes. Les roumanophones pouvaient alors se définir à la fois comme Roumains (appartenance culturelle et linguistique) et comme Moldaves (appartenance géographique). Aujourd'hui, par l'application des articles 12 et 13 de la Constitution moldave, ils doivent choisir de se définir soit comme Roumains soit comme Moldaves, mais s'ils font le premier choix, ils sont considérés comme une minorité nationale dans leur propre pays. Selon Moldpres, seuls 2,2 % se sont déclarés roumains, tandis que 8 % des citoyens se déclarent ukrainiens, 5,9 % russes, 4,4 % gagaouzes (population turcophone chrétienne), et la très grande majorité (près de 80 %) se désignent comme « moldaves » (aux recensements précédents, les roumanophones oscillaient entre 63 et 67 %). Il semblerait donc, à la grande satisfaction du gouvernementcommuniste au pouvoir jusqu'en 2009 (l'ancien président Voronin est lui-même un ukrainien, ancien membre du PC de l'URSS), que la très grande majorité des roumanophones et une partie des slavophones aient choisi de se déclarer de « langue moldave » : un exemple qui, transposé à la Belgique par exemple, donnerait 99 % de locuteurs de la « langue belge » parmi les Wallons, et 20 % parmi les Flamands. Ces résultats ne concernent pas la « république » Pridniestréenne ou Transnistrie.
Si le critère linguistique semble prêter à une grande confusion à cause des choix politiques, celui ethnique est un peu plus clair : les ethnologues[21] estiment que les Moldaves (c'est-à-dire l'ensemble des citoyens de la République, selon le droit du sol qui est aussi le droit international) sont, selon leurs traditions populaires, leurs coutumes, la toponymie de leurs villages, l'identité qu'ils revendiquent eux-mêmes en privé et l'histoire de leurs familles et de leurs terroirs : pour 3 millions des Roumains, pour 250 000 des Ukrainiens, pour 120 000 des Gök-Oğuzs, pour 120 000 des Russes, et plusieurs milliers de Bulgares, Polonais, Juifs, Tatars, Roms… Dans la république séparatiste de Transnistrie vivent environ 250 000 Russes, 220 000 Ukrainiens, 177 635 Roumains et des minorités plus petites.
Émigration
Selon des chiffres officieux[réf. nécessaire], environ un quart de la population active a émigré à l'étranger (Pays d'Europe occidentale principalement, Russie et Ukraine) soit un taux migratoire net de -25 %. Les roumanophones choisissent surtout la Roumanie, l'Italie, l'Espagne et le Portugal, les slavophones surtout les pays ex-soviétiques, la Pologne et l'Allemagne. Par ailleurs, environ 150 000 citoyens moldaves ont également obtenu le citoyenneté roumaine et/ou russe ou ukrainienne.
↑Le taux de variation de la population 2018 correspond à la somme du solde naturel 2018 et du solde migratoire 2018 divisée par la population au 1er janvier 2018.
↑L'indicateur conjoncturel de fécondité (ICF) pour 2018 est la somme des taux de fécondité par âge observés en 2018. Cet indicateur peut être interprété comme le nombre moyen d'enfants qu'aurait une génération fictive de femmes qui connaîtrait, tout au long de leur vie féconde, les taux de fécondité par âge observés en 2018. Il est exprimé en nombre d’enfants par femme. C’est un indicateur synthétique des taux de fécondité par âge de 2018.
↑Le taux de mortalité infantile est le rapport entre le nombre d'enfants décédés à moins d'un an et l'ensemble des enfants nés vivants.
↑L'espérance de vie à la naissance en 2018 est égale à la durée de vie moyenne d'une génération fictive qui connaîtrait tout au long de son existence les conditions de mortalité par âge de 2018. C'est un indicateur synthétique des taux de mortalité par âge de 2018.
↑L'âge médian est l'âge qui divise la population en deux groupes numériquement égaux, la moitié est plus jeune et l'autre moitié est plus âgée.
↑Nicolae Chetraru, Din istoria arheologiei Moldovei, ed. Știința, Chișinău 1994, (ISBN5-376-01636-6)
↑Gheorghe Postică, Civilizația veche din Moldova (« L'ancienne civilisation de Moldavie »), éd. Știința, Chișinău 1995, (ISBN5-376-01634-X).
↑Gheorghe Postică, Civilizația veche din Moldova (« L'ancienne civilisation de Moldavie »), éd. Știința, Chișinău 1995, (ISBN5-376-01634-X).
↑La Bessarabie a été enlevée par l’Empire russe à la principauté de Moldavie en 1812. Son autonomie lui est garantie en 1816, mais est abolie en 1828. En 1829, l’usage du roumain est interdit dans l’administration. En 1833, le roumain est interdit à son tour dans les églises. En 1842, c’est au tour de l’enseignement du roumain d’être interdit dans les établissements d’enseignement secondaire, tout comme dans les écoles primaires en 1860. Les autorités russes encouragèrent l’émigration (ou déportèrent) des Roumains) dans d’autres provinces de l’empire (notamment au Kouban, au Kazakhstan et en Sibérie), tandis que d’autres groupes ethniques, notamment Russes et Ukrainiens (appelés au XIXe siècle « Petits Russes »), étaient invités à s’installer dans la région. Selon le recensement de 1817, la Bessarabie était peuplée à 86 % de Roumains (Moldaves), 6,5 % d’Ukrainiens, 1,5 % de Russes (Lipovènes) et 6 % issus d’autres groupes ethniques. Quatre-vingts ans plus tard, en 1897, la répartition ethnique avait sensiblement évolué, avec seulement 56 % de Roumains (désormais appelés Moldaves), mais 11,7 % d’Ukrainiens, 18,9 % de Russes et 13,4 % de personnes issues d’autres groupes ethniques. En quatre-vingts ans, la part de la population autochtone avait donc chuté de 30 %. Source : Anthony Babel, La Bessarabie, éd. Félix Alcan, Genève, 1932. Le régime soviétique a été beaucoup plus efficace que celui des Tzars pour changer la population de la Moldavie : source : Nikolaï Théodorovitch Bougaï, Informations des rapports de Béria et de Krouglov à Staline, éd. de l’Acad. de sciences de Moldavie nr. 1, Chișinău, 1991 (Н.Ф. Бугай «Выселение произвести по распоряжению Берии…» О депортации населения из Молдавской ССР в 40-50- е годы – Исторические науки в Молдавии. № 1. Кишинев, 1991. 1.0), Déportation des peuples de Biélorussie, Ukraine et Moldavie, éd. Dittmar Dahlmann et Gerhard Hirschfeld, Essen, Allemagne, 1999, p. 567-581 (Депортация народов из Украины, Белоруссии и Молдавии : Лагеря, принудительный труд и депортация. Германия. Эссен. 1999. 1.3 et Sources sur la déportation des peuples de l'URSS, années 1940-1950, ISSSR, 1989.
↑Voir note ci-dessus : Bugaï, La Déportation des peuples d'Ukraine, de Biélorussie et Moldavie pp.: 567-581.
↑Anatol Eremia, Structura etnică a republicii Moldova, carte et livret, Chișinău, 2000