La défense est-indienne
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Position après 1.d4 Cf6 2.c4 g6 3.Cc3 Fg7 4.e4 d6
La défense est-indienne (en anglais, King's Indian Defense ou KID) est une ouverture populaire du jeu d'échecs.
Histoire
L'est-indienne fait partie des ouvertures dites hypermodernes, qui ont commencé à apparaître régulièrement dans les tournois dans les années 1920. Cependant, elle n'était pas considérée comme très valable[1],[2]. Dans les années 1920, elle fut utilisée presque uniquement par des joueurs anglais (comme Frederick Yates, par exemple), puis de façon très épisodique par Richard Réti, Xavier Tartakover et Max Euwe. Après la Seconde Guerre mondiale, elle devint l'arme redoutable des joueurs soviétiques de l'époque (en particulier Issaak Boleslavski et David Bronstein, puis Efim Geller[3], et la génération montante des champions soviétiques, etc.), qui enrichirent considérablement sa théorie. L'est-indienne devint alors une défense de premier plan.
Dans son célèbre livre L'Art du combat aux échecs[4], consacré au tournoi des candidats au titre mondial de Zurich 1953, David Bronstein fait le commentaire suivant[5] :
- « Il y a environ quinze ans, la défense est-indienne n'était jouée en Union soviétique que par les quelques joueurs qui désiraient s'écarter des variantes suranalysées et passives du Gambit dame refusé : elle n'était pratiquement pas employée hors de nos frontières. Il y a peu de temps encore, elle n'apparut que deux fois sur les cinquante parties disputées lors du match-tournoi pour le championnat du monde d'échecs 1948. Cependant, ici à Zurich un tiers des parties ayant débuté par d2-d4 devinrent des est-indiennes, et les joueurs étrangers y eurent recours aussi souvent que les nôtres. »
Raymond Keene relève lui aussi que près d'un cinquième des parties de ce tournoi s'ouvrirent par une est-indienne[6].
Par la suite, elle fit partie des armes favorites du joueur américain Bobby Fischer contre 1.d4, qui la retourna avec succès contre ses premiers utilisateurs soviétiques. Après un relatif déclin sous l'ère d'Anatoli Karpov, l'est-indienne fit un retour en force au plus haut niveau de la compétition avec Garry Kasparov (entre autres). Elle a connu un développement remarquable et son corpus est désormais considérable. Certains ouvrages ont ainsi été consacrés uniquement à la façon dont Kasparov utilisait l'est-indienne[7].
Variantes principales après 3.Cc3 Fg7 et 4.e4 d6
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Position après 4...d6
Considérée comme très dynamique, la défense est-indienne appartient aux débuts semi-fermés (code ECO E60 à E99). et débute ainsi :
1.d4 Cf6 2.c4 g6 3.Cc3 Fg7
La ligne principale, après 4.e4 d6, entraîne une multitude de variantes et de sous-variantes parmi lesquelles :
- 5. Cf3 (variante classique) - Code ECO E90-E99 (la plus fréquente de nos jours).
- 5. f3 (variante Sämisch) - Code ECO E80-E89
- 5. Cge2, suivi de 6. Cg3 (attaque hongroise)
- 5. f4 (variante des quatre pions) Code ECO E76-E79
- 5. g3 (variante du fianchetto) Code ECO E62-E69
- 5. h3 (Variante Makogonov) - Code ECO E71
- 5. Fe2
- 5. Fg5
- 5. Fe3
etc.
Comme dans toutes les défenses indiennes (1. d4 Cf6), les possibilités de transpositions y sont très nombreuses. Dans certaines variantes, l'est-indienne est assez proche de la défense Benoni et de la Grünfeld, voire de la Pirc ou de la défense moderne.
Exemples de parties
Vladimir Bagirov-Edouard Goufeld, 1/2 finale du 41e Championnat d'échecs d'URSS, Kirovobad, 1973[9] :
1.d4 g6 2.c4 Fg7 3.Cc3 d6 4.e4 Cf6 5.f3 0-0 6.Fe3 Cc6 7.Cge2 Tb8 8.Dd2 a6 9.Fh6 b5 10.h4 e5 11.Fxg7 Rxg7 12.h5 Rh8 13.Cd5 bxc4 14.hxg6 fxg6 15.Dh6 Ch5 16.g4 Txb2 17.gxh5 g5 18.Tg1 g4 19.0-0-0 Txa2 20.Cef4 exf4 21.Cxf4 Txf4 22.Dxf4 c3 23.Fc4 Ta3 24.fxg4 Cb4 25.Rb1 Fe6 26.Fxe6 Cd3 27.Df7 Db8+ 28.Fb3 Txb3+ 29.Rc2 Cb4+ 30.Rxb3 Cd5+ 31.Rc2 Db2+ 32.Rd3 Db5+ 0-1
- La partie ci-après illustre bien le style de Kasparov, si adapté au dynamisme de la défense est-indienne :
Aleksandr Beliavski-Garry Kasparov, Quart de finale des Candidats au titre mondial, Moscou (Russie), 1983 :
1. d4 Cf6 2. c4 g6 3. Cc3 Fg7 4. e4 d6 5. f3 o-o 6. Fe3 a6 7. Fd3 c5 8. dxc5 dxc5 9. Fxc5 Cc6 10. Cge2 Cd7 11. Ff2 Cde5 12. Cc1 Fh6 13. Cd5 e6 14. Fb6 Dg5 15. o-o exd5 16. f4 Dh4 17. fxe5 d4 18. Ce2 Fe3+ 19. Rh1 Cxe5 20. Fc7 De7 21. Fxe5 Dxe5 22. De1 Fd7 23. Dg3 Tae8 24. Cf4 Fc6 25. Cd5 Dxg3 26. hxg3 Te5 27. g4 h5 28. Cf6+ Rg7 29. gxh5 Th8 30. g3 Texh5+!! 31. Cxh5+ Txh5+ 32. Rg2 f5 33. Tae1 fxe4 34. Fb1 Tc5 35. b3 b5 36. Txe3 dxe3 37. Te1 bxc4 38. bxc4 Txc4 39. Txe3 Tb4! 40. Tb3 e3+ 41. Rf1 Fb5+! 42. Re1 a5! 43. Fe4 Txb3 44. axb3 Rf6 45. Rd1 g5 46. Rc2 Re5 0-1 (il peut suivre 47. Fg6 Rd4 48. Rd1 Fd3 avec l'idée 49...Rc3 suivi de 50...Fc2+).
- La partie qui suit illustre une autre facette de la variante Sämisch :
Boris Spassky-Bobby Fischer, Sveti Stefan (Monténégro), 1992
1. d4 Cf6 2. c4 g6 3. Cc3 Fg7 4. e4 d6 5. f3 0-0 6. Fe3 Cc6 7. Cge2 a6 8. Dd2 Tb8 9. h4 (9. Cc1, 9. a3 et 9. Fh6 sont aussi possibles) h5 10. Fh6 e5!? 11. Fxg7 Rxg7 10. d5 TN Ce7 13. Cg3 c6 14. dxc6 Cxc6 15. 0-0-0 Fe6! 16. Rb1 Ce8 17. Cd5 b5! 18. Ce3 Th8 19. Tc1 Db6 20. Fd3 Cd4 21. Cd5 Da7! 22. Cf1 Cf6 22. Cfe3 Fxd5 24. cxd5 Tbc8 25. Tcf1 De7 26. g4 Cd7 27. g5 Rf8 28. Tf2 Re8! 29. Ff1 Cc5 30. Fh3 Tc7 31. Tc1 Ccb3! 32. axb3 Cxb3 33. Tc6? (33. Dc3!) Cxd2+ 34. Txd2 Rf8 35. Txa6 Ta7 36. Tc6 Rg7 37. Ff1 Ta1+! 38. Rxa1 Da7+ 39. Rb1 Dxe3 40. Rc2 b4 0-1.
- La partie qui suit se déroule sur le fameux thème de l'attaque dite à la baïonnette (9. b4) :
Vladimir Kramnik-Garry Kasparov, Novgorod (Russie), 1997
1. Cf3 Cf6 2. c4 g6 3. Cc3 Fg7 4. e4 d6 5. d4 o-o 6. Fe2 e5 7. o-o Cc6 8. d5 Ce7 9. b4 Ch5 10. Te1 Cf4 11. Ff1 a5 12. bxa5 Txa5 13. Cd2 c5 14. a4 Ta6 15. Ta3 g5 16. g3 Ch3+ 17. Fxh3 Fxh3 18. Dh5 Dd7 19. Dxg5 h6 20. De3 f5 21. De2 f4 22. Cb5 Rh7 23. gxf4 exf4 24. Rh1 Fg4 25. Cf3 Cg6 26. Tg1 Fxf3+ 27. Dxf3 Ce5 28. Dh5 Df7 29. Dh3 Cxc4? (29...Tg8!) 30. Tf3 Fe5?? (30...De7!) 31. Cc7 Txa4?? (31...Df6!) 32. Fxf4 (empêche ...Dxh6+ et gagne la partie) 1-0 Il peut suivre 32...Fxf4 33. Ce6, et l'avantage des Blancs est écrasant.
- La partie ci-dessous a permis au Français Christophe Léotard de devenir Champion du monde par correspondance :
Christophe Léotard-Maximilian Voss, finale du XIXe Championnat du monde par correspondance, 2004
1. Cf3 Cf6 2. c4 g6 3. Cc3 Fg7 4. e4 d6 5. d4 o-o 6. Fe2 e5 7. o-o Cc6 8. d5 Ce7 9. Ce1 Cd7 10. Fe3 f5 11. f3 f4 12. Ff2 g5 13. Tc1 Cg6 14. c5 Cxc5 15. b4 Ca6 16. Cb5 Fd7 17. Cxa7 Db8 18. Cb5 h5 19. a4 Tf7 20. Cd3 Fh6 21. Tc3 Tg7 22. Ca3 b6 23. Cc4 Dd8 24. b5 Cc5 25. Cxc5 bxc5 26. Ta3 Cf8 27. Db3 g4 28. fxg4 Fxg4 29. Ff3 Dg5 30. Rh1 Dg6 31. Tg1 Fg5 32. b6 cxb6 33. Dxb6 Fe7 34. a5 Ch7 35. a6 Ff8 36. a7 Cg5 37. Cd2 Fc8 38. Db8 Tgxa7 39. Dxa7 Txa7 40. Txa7 c4 41. Tc7 De8 42. Fh4 Dd8 43. Txc4 Fd7 44. Tb1 Fe7 45. Fxh5 Rg7 46. Fxg5 Fxg5 47. Tb7 Rh6 48. Tcc7 Rxh5 49. Txd7 Da5 50. Th7+ Rg6 51. Tbg7+ Rf6 52. h4 1-0.
- La partie suivante s'est déroulée sur le thème de l'attaque des quatre pions (E76) :
Igor Glek - Alexey Kuzmin, Podolsk, 1990
1. d4 Cf6 2. c4 g6 3. Cc3 Fg7 4. e4 d6 5. f4 0-0 6. Cf3 Ca6!? (évitait les longues variations forcées qui suivaient 6...c5, Igor Glek étant un spécialiste de la défense est-indienne avec les Noirs) 7. e5 (le coup le plus agressif ; 7. Fe2 e5!? 8. fxe5 dxe5 9. d5 a été joué par Joël Lautier contre Garry Kasparov à Amsterdam en 1995 avec pour score final le partage du point) 7...Cd7 8. De2!? (8. Fe2 et 8. c5 sont des alternatives analysées par Semko Semkov) c5 9. d5 Cb6 10. Ce4 Fg4 11. Ceg5 f6 12. h3 Fxf3 13. Cxf3 e6 14. dxe6 fxe5 15. fxe5 De7 16. Fe3 dxe5 17. 0-0-0 Cc7 (Kuzmin suggère 17...e4! 18. Cg5 Ca4, avec un avantage significatif pour les Noirs[10]) 18. Cg5 Cxe6 19. Cxe6 Dxe6 20. Dg4 Dxg4 21. hxg4 Tfd8 22. Txd8+ Txd8 23. Fxc5 e4 24. b3 Cd7 25. Fe3 Ce5 26. Fe2 a6 27. g5 Cd3+ 28. Rc2 Cb4+ 29. Rb1 Cc6 30. Fg4 Fd4 31. Fe6+ Rg7 32. Fc1 Te8 33. Fd5 e3 34. Te1 Te5 35. a3 Txg5 36. Fxe3 Fxe3 37. Txe3 h5 38. Te6 Tg3 39. Rb2 a5 40. Td6 Ce5 41. Tb6 Cd3+ 42. Rb1 Cf4 43. Txb7+ Rf6 44. Fg8 Txg2 45. c5 Cd3 46. c6 1/2 - 1/2 (il peut suivre : 46...Tb2+ 47. Ra1 Tc2 avec échec perpétuel).
Notes
- ↑ Reuben Fine dans Les Idées cachées des ouvertures d'échecs lui préférait la Grünfeld, par exemple.
- ↑ Il semble que ce soit Louis Paulsen qui introduisit cette ligne dans le répertoire lors de son match contre le maître allemand Schwarz en juillet 1879. Avec les noirs, Paulsen gagna 2 parties et en perdit une.
- ↑ Geller a publié plusieurs monographies entièrement consacreés à l'est-indienne, King's Indian Defence: 4.e4 et King's Indian Defence g3 Systems. Traduits en français dans les années 1980, ces livres sont désormais introuvables, et dépassés.
- ↑ David Bronstein, Le Tournoi des Candidats de Zurich 1953 : L'Art du Combat aux Échecs, 2e ed, Payot 1994, (ISBN 2228887846).
- ↑ ibid, Partie n°7, p.32.
- ↑ Keene, The Complete King's Indian, p. 7.
- ↑ Garry Kasparov, Raymond Keene, Kasparov on the King's indian, Batsford, 1993.
- ↑ Edouard Goufeld, Winning with the King's Indian, Batsford, 1991, pages 4 à 11.
- ↑ Bagirov-Goufeld Kirovabad 1973.
- ↑ John L. Watson, Eric Schiller, Handbook of tricky opening strategies in chess, Hardinge Simpole Publishing, (ISBN 978-1843821496), 2004, p. 277.
Bibliographie
La défense est-indienne a donné lieu à un nombre considérable de publications et de monographies (essentiellement en russe, allemand et anglais).
- Encyclopédie des ouvertures d'échecs, Volume E, 3e édition, Informateur d'échecs, Belgrade, 1998 (ISBN 8672970411)
- (en) King's Indian Defense, Leonard Barden, William Hartston & Raymond Keene, paru au début des années 1970 chez Batsford (célèbre éditeur échiquéen, dont il fut d'ailleurs un des premiers ouvrages - en notation descriptive).
- (en) The complete King's Indian, Raymond Keene, Byron Jacobs, Batsford, 1992
- (en) The Sämisch King's Indian Joseph/Joe Gallagher, Batsford, 1995
- (en) Starting out: the King's Indian, Joseph/Joe Gallagher, Everyman Chess, 2002, (ISBN 1857442342)
- (en) Play the King's Indian, Joseph/Joe Gallagher, Everyman Chess, 2004, (ISBN 1857443241)
- E97. Défense est-indienne, Mikhail Gourevitch, L'Informateur d'échecs, Belgrade, 1995
- (en) Beating the King's Indian and Benoni, Anatoli Vaïsser, Batsford, 1997, (ISBN 0-7134-8022-X)
- (en) Bronstein on the King's Indian, David Bronstein, Everyman's chess, 1999, (ISBN 1857442652)
- (en) King's Indian: A complete black repertoire, Viktor Bologan, Chess Stars, 2009, (ISBN 9548782715)
- (fr) Jouez l'Est-Indienne, Viktor Bologan, Olibris, 2010, (ISBN 978-2-916340-44-9)