Le brusseleir[1],[2], brusselair ou brusseleer est l’appellation fréquemment donnée au parler bruxellois (appelé brussels en néerlandais, marols ou marollien).
Le brabançon, parler germanique et dialecte néerlandais, est parlé dans le Brabant-Septentrional aux Pays-Bas, dans les provinces d'Anvers et de Brabant flamand en Belgique. Une version locale du brabançon était à l'origine la langue parlée à Bruxelles. À la création du royaume de Belgique en 1830, le français est instauré comme seule langue officielle du royaume. Le français était alors utilisé principalement par la noblesse (même si une partie de celle-ci dans les villes historiques de Flandre était bilingue et restait attachée à l'ancienne littérature nationale flamande), la bourgeoisie et une partie importante de la population qui avait atteint l'enseignement secondaire uniquement donné en français.
Il se diffuse ensuite progressivement dans les classes populaires, surtout depuis l'instauration en Belgique à partir de 1914 de l'enseignement obligatoire pour les élèves de 6 à 14 ans révolus. Cet enseignement se donnait pour l'école primaire en néerlandais en pays flamand et dans les régions wallonnes en français. Le français par contre était l'unique langue de l'enseignement secondaire (voir aussi : Francisation de Bruxelles). Drainés par les besoins en personnel de l'administration, de nombreux nouveaux arrivants de classe moyenne, issus de la partie sud du pays, romane, accroissent encore la présence du français à Bruxelles. De nos jours, le français est la langue la plus utilisée à Bruxelles.
La langue populaire s'est dès lors adaptée à cette double réalité germano-romane, adaptation dont résulte le brusseleer.
Terminologie
Le terme brusseleer est utilisé par les francophones pour désigner le dialecte de Bruxelles. Dans le parler lui-même, le substantif Brusseleir (au féminin : Brusseles) désigne un habitant de Bruxelles, et l’appellation du dialecte est Brussels[5][réf. non conforme],[6][réf. non conforme].
Structure
Ce parler est fondé sur des structures syntaxiques germaniques, comme n'importe quel autre dialecte bas-germanique (dont le flamand), mais l'adjonction de vocabulaire et d'expressions idiomatiques françaises est considérable, par exemple dans la formation très libre, et même débridée, de verbes à partir du français avec adjonction du suffixe (germanique) -eire. Exemples : autoriseire, applaudisseire, constateire, etc.
Exemples par phrases complètes :
Deei mense kan'k-ik ni supportèire, die m'n schuune Vlamse taal konstant moete massacrèire (par zwanze c.-à-d. blague, dérision).
Je ne peux pas supporter ces gens qui doivent tout le temps massacrer ma belle langue flamande.
(Une grand-mère à son petit-fils) : Ge moet op de trottoir luupen, hein! Op de chaussee is da te dangereus.
Tu dois marcher sur le trottoir, hein ! Sur la chaussée, c'est trop dangereux.
Le brusseleer n’est pas unique mais connaît des variations au fur et à mesure qu'on s'éloigne du centre de Bruxelles.
Dans tous les registres de langue, y compris dans les relations non dialectales entre interlocuteurs francophones et néerlandophones (notamment en relations de travail), l'alternance de code linguistique est fréquente.
Dans le Bruxelles cosmopolite du XXIe siècle, le brusseleer est en voie de disparition lente, une grande partie de la population, naguère bilingue français-brusseleer, étant devenue complètement francophone (plus rarement néerlandophone) ; toutefois cette disparition ne se fait pas sans laisser des traces dans le français populaire de Bruxelles et environs par des emprunts lexicaux et syntaxiques : un babbeleir, un bavard ; un broebeleir, quelqu'un qui s'embrouille dans ce qu'il dit ; un zievereir, quelqu'un qui invente des histoires, un galéjard, un plaisantin, et des zieverderaa, des histoires à dormir debout ; ce que j'ai besoin (d'après wat ik nodig heb) pour « ce dont j'ai besoin » ; ça est (avec hiatus) pour « c'est » (avec élision) ; ça bibber quand le tram passe (se dit d'une grosse femme dont les formes « vibrent » au passage du tram ; etc.
Variétés
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Le brusseleer ne forme pas un dialecte homogène. Il a présenté d'importantes variations au cours du temps et entre les différents quartiers de Bruxelles. Les variétés les mieux identifiées sont[7],[8] :
le beulemans (d'après le titre d'une comédie populaire du XXe siècle) ou bruxellois français, le bruxellois tel que couramment désigné, créole anciennement usité par la petite bourgeoisie bruxelloise et (à tort) souvent considéré par les Français eux-mêmes comme le parler « belge » ;
le alf-en-alf (variante brabançonne de half-en-half, « moitié-moitié ») ou bruxellois mixte (franco-flamand) ;
le bargoensch (étymologie incertaine ; peut-être issu de « bourguignon » ou encore « baragouin »), ancien argot marginal et ésotérique des voleurs, colporteurs et mauvais garçons (Molenbeek).
Hermétique aux dialectes locaux, de par son origine germanique et empruntant en plus de ses termes spécifiques à d'autres langues (notamment, le français, et quelques sources de yiddish, d'espagnol et de tsigane), il possède lui-même en son propre sein, du fait de son étendue géographique (attestée jusqu'à Gand en Flandre et au-delà d'Amsterdam vers le nord), des variantes régionales, par exemple :
Bien que cela ne fasse pas consensus, le marollien est parfois considéré par certains Bruxellois, au même titre que celles précédemment énumérées, comme une variété distincte de brusseleer[9].
On se souviendra surtout d'une réplique en zwanze qui fait esclaffer le public de la salle lorsque Amélie Van Beneden, mieux connue sous le nom de Madame Chapeau, et notamment interprétée par Jean Hayet, dit : « Je ne m'appelle pas Madame Chapeau, ça est les crapuleux de ma strotje qui m’ont donné ce surnom parce que je suis trop distinguée pour sortir en cheveux »[11]. Sa célébrité fait que Madame Chapeau apparaît actuellement en statue dans la rue du Midi à Bruxelles.
Hergé faisait un usage régulier du brusseleer dans Tintin et Quick et Flupke, principalement comme source de noms devant paraître exotiques aux oreilles françaises. Par exemple le nom de l'émir Ben Kalish Ezab est une transcription phonétique d'un mot kalische zab signifiant « jus de réglisse », qui désigne familièrement un café insipide, en marollien (variante du brusseleer parlé dans le quartier des Marolles)[9].
En 1988, pour les 30 ans de l'Exposition universelle, Viviane Decuypere renouait avec la tradition du théâtre bruxellois avec Les Pralines de M. Tonneklinker. En 2010, c'est une autre période qu'elle rapporte dans L'Estaminet de Rosine : le quotidien du petit peuple de Molenbeek qui, même dans l'adversité, arrive toujours à zwanzer[12]… En 2015, c’est un grand personnage historique qui sera affublé de l’accent brusseleir dans « Charles de Bourgogne », créé au sein même du palais du Coudenberg qu’il habitait : Charles Quint !
Jacques Brel a popularisé le terme dans sa chanson Bruxelles : C'était au temps où Bruxelles brusselait…
Sur un autre plan, celui de l'humour, la comédienne et chanteuse de cabaret Simone Max en est une des plus dignes représentantes.
Le premier à avoir écrit un roman régional (La Famille Kakkebroek) fut un Bruxellois tombé aujourd'hui dans l'oubli : Léopold Courouble.
Dialogues de la semaine de Virgile du Pourquoi Pas ?, volume 1, Bruxelles, Racine, 2002.
Mémoires de Jef Kazak par Jean d’Osta, Racine, 2002.
Dialogues de la semaine de Virgile du Pourquoi Pas ?, volume 2, Bruxelles, Racine, 2003.
Bossemans et Coppenolle de Paul Van Stalle et Joris d’Hanswyck, Bruxelles, Racine, 2003.
Mémoires candides d’un Bruxellois ordinaire de Jean d’Osta, Bruxelles, Racine, 2003.
Parodies de Virgile du Pourquoi Pas ?, Bruxelles, Racine, 2004.
Slache de Marcel Antoine, Bruxelles, Racine, 2004.
Théâtre de Virgile du Pourquoi Pas ?, Bruxelles, Racine, 2005.
Tich de Virgile du Pourquoi Pas ?, Bruxelles, Racine, 2005.
Comment engueuler son prochain en bruxellois, Bruxelles, Le Cri, 2004.
Bruxelles coquin ou sa littérature olé-olé, Bruxelles, Le Cri, 2005.
Boire et manger en bruxellois, Bruxelles, Le Cri, 2006.
Louis Quiévreux, Dictionnaire du dialecte bruxellois, Bruxelles, 1951. 5e édition augmentée d'une Phonétique et grammaire du flamand de Bruxelles par Jean d'Osta, 1985.
Jean d'Osta, Les Flawskes de Jef Kazak, avec une grammaire, un lexique et les parlers bruxellois, Bruxelles, Le Livre, 1995.
↑Jean Baerten, « Le français à Bruxelles au Moyen-Âge. Une mise en garde », Revue belge de Philologie et d'Histoire, vol. 60, no 4, , p. 887–897 (DOI10.3406/rbph.1982.3399, lire en ligne, consulté le )
↑Paul Aron, « L’invention du marollien littéraire », Le Carnet et les Instants, no 186, (lire en ligne).
↑Jean-Pierre Vanden Branden, « Les quatre dialectes de Bruxelles », Hu(mœur)s bruxelloises … Brussels zwanze … - Regard amoureux sur le parler bruxellois (édition La Boîte à Pandore), (lire en ligne).