Dans le nom hongroisKunBéla, le nom de famille précède le prénom, mais cet article utilise l’ordre habituel en français BélaKun, où le prénom précède le nom.
1886-1918 : de la Transylvanie à la rencontre avec Lénine
Béla Kun, né Béla Kohn à Szilágycseh en Transylvanie austro-hongroise, est issu d'un père notaire, d'origine juive hongroise et d'orientation politique social-démocrate[1]; sa mère était une Hongroise transylvaine d'une famille calviniste[2], mais aucun des deux n'était pratiquant. Béla Kohn magyarisa son nom en Kun en 1904. Après avoir brièvement commencé des études de droit à l'université de Kolozsvár, il entre assez jeune en politique, d'abord en Transylvanie puis à Budapest. Il est mobilisé en 1914 et part se battre sur le front russe. Fait prisonnier en 1916, il est interné dans un camp de prisonniers. Là, avec d'autres hongrois comme Tibor Szamuely, il découvre le bolchevisme, les textes de Karl Marx et les révolutionnaires, qu'il décide de rejoindre.
En Russie soviétique, il rencontre Lénine. Ce dernier le juge intelligent, énergique, doté d'un grand charisme, mais trop impulsif[3]. Les Bolcheviques considèrent que Kun est apte à transposer le modèle communiste en Hongrie. Béla Kun suit alors des cours en tactique révolutionnaire ainsi qu'en propagande. En 1918 et avec la défaite des empires centraux, l'Autriche-Hongrie se disloque. Lénine et Trotsky pensent alors qu'il est temps pour Béla Kun de repartir au pays afin d'y mettre en place une mouvance révolutionnaire[4]. Kun et les autres sympathisants communistes hongrois se joignent à d'autres groupes politiques pour fonder, au mois de , le Parti des communistes de Hongrie.
1919 : chef de la République des Conseils
L'Empire austro-hongrois disloqué, une République démocratique hongroise se met en place, dont le président Mihály Károlyi refuse les conditions de la Triple-Entente. Les communistes hongrois développent leur propagande et s'allient aux sociaux-démocrates. Le , au lendemain de la démission de Károlyi, communistes et sociaux-démocrates proclament la République des conseils de Hongrie ( - 1er août), régime inspiré très nettement de l’expérience des conseils ouvriers en Russie (1905, puis 1917-1918) et en Allemagne (1918-1919). Si Sándor Garbai est le chef officiel du gouvernement, Béla Kun occupe le poste de commissaire aux affaires étrangères et il est en pratique le principal dirigeant du régime[6] ; Tibor Szamuely occupe les fonctions de commissaire aux affaires militaires et tient également un rôle prépondérant.
Au début, Béla Kun bénéficie d'un soutien relatif d'une partie de l'opinion, y compris dans la bourgeoisie et l'armée, parce qu'il tente de récupérer par les armes les territoires hongrois où les Roumains, Serbes, Slovaques et Ukrainiens avaient fait sécession. Mais il perd ce soutien en voulant mener de front la guerre de reconquête et la collectivisation forcée des terres et des entreprises, en faisant emprisonner ou exécuter tout opposant ou présumé tel[7], en faisant interdire tous les partis d'opposition et aussi la franc-maçonnerie[8].
1937-1938 : arrestation et exécution lors des Grandes Purges staliniennes
Au cours des Grandes Purges staliniennes, accusé de trotskisme, il est arrêté en 1937. Torturé, comme tous les autres « déviationnistes », par le NKVD, il est envoyé et exécuté au goulag le selon les révélations du gouvernement soviétique en (antérieurement il était supposé mort sur le site de Kommounarka à Moscou). Mátyás Rákosi, un de ses camarades du coup d'État de 1919, voit paradoxalement sa vie épargnée des Purges car emprisonné dans les geôles hongroises jusqu'en 1940 avant de devenir un des plus fidèles lieutenants du stalinisme en Hongrie après 1945.
Postérité
Béla Kun a été réhabilité politiquement en 1956 dans le cadre de la déstalinisation. La République populaire hongroise lui a élevé un monument aujourd'hui visible au Memento Park, à Budapest.
Notes et références
↑György Borsányi, The Life of a Communist Revolutionary: Béla Kun. Mario D. Fenyo, trans. Boulder, CO: Social Science Monographs/Atlantic Research and Publications, 1993; p. 1.
↑Reeves, Zane T. Shoes Along the Danube: Based on a True Story, Durham, Strategic Book Group, 2011.
↑Victor Méric, Coulisses et tréteaux. À travers la jungle politique et littéraire, 2e série, Paris, Librairie Valois, coll. « Souvenirs et récits de notre temps », , 192 p., « Une rencontre avec Bela Kun ».
↑Encyclopédie de la franc-maçonnerie, Le Livre de poche, article « Hongrie », p. 412.
↑József Breit : Hungarian Revolutionary Movements of 1918-19 and the History of the Red War, vol. I : Main Events of the Károlyi Era, Budapest 1929, p. 115-16.
↑József Breit, (en) « Hungarian Revolutionary Movements of 1918-19 and the History of the Red War », Vol. I of Main Events of the Károlyi Era, Budapest 1929, pp. 115-16.
↑Jean-Paul Bled, art. « Le Banat : panorama historique » dans Études germaniques n° 267, vol. 3, 2012, pp. 415-419, doi=10.3917 - eger.267.0415, [1].
↑ a et bStéphane Courtois in Le Livre noir du communisme, Robert Laffont, 1997, p. 303.
↑Robert O. Paxton, Le fascisme en action, Seuil, 2004, p. 49).
↑Boris Souvarine, Staline, aperçu historique du bolchévisme, rééd. Gérard Lebovici, 1985, p. 222.
↑Victor Méric, Coulisses et tréteaux déjà cité. lire en ligne].
↑Selon Robert Service, Comrades : Communism : a World History, Pan Books, 2007, page 95, Béla Kun semble avoir été envoyé en Allemagne à l'instigation du président du Komintern Grigori Zinoviev et de Radek, apparemment sans que Lénine en ait été informé. Les instructions données à Béla Kun par Zinoviev et Radek ne sont pas connues avec précision.
↑(en) Victor Serge (trad. Peter Sedgwick), Memoirs of a revolutionary [« Mémoires d'un révolutionnaire : 1901-1941 (Seuil, 1951) »], Oxford University Press, , 401 p. (ISBN978-0-86316-071-4, lire en ligne), chap. 4 (« On Third Congress of Comintern ») : « Lenin spoke in French, briskly and harshly. Ten or more times, he used the phrase « les bêtises de Béla Kun » »
↑Méric 1931 : « Me voilà loin de Bela Kun et de ses « kuneries », comme disait irrespectueusement Lénine. »
↑Jacques Droz, Le Socialisme en Allemagne, dans Histoire générale du socialisme, t. 3 : de 1918 à 1945, Presses universitaires de France, 1977, p. 220-221.
↑Robert Service, Comrades : Communism : a World History, Pan Books, 2007, p. 95.
Pierre Broué, Histoire de la IIIe Internationale, Fayard, 1999
(en) György Borsányi, The Life of a Communist revolutionary, Béla Kun, Boulder, Colorado : Social Science Monographs ; New York, distribué par Columbia University Press, 1993.